Des initiatives européennes en faveur du patrimoine commun

Les chemins de Compostelle,   premier « Itinéraire culturel du Conseil de l'Europe » certifié en 1987.
Les chemins de Compostelle, premier « Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » certifié en 1987.

Depuis quelques années, la Commission européenne, ainsi que les institutions européennes comme le Parlement européen et le Comité européen des régions, s’intéressent de plus en plus au patrimoine et l’intègrent dans leurs politiques sectorielles, puisqu’il répond à la fois aux défis actuels en termes de croissance et d’emplois, d’attractivité des territoires et de tourisme, de bien-être et de qualité de vie et à la fois aux enjeux liés au développement durable et à l’environnement, à la citoyenneté et à l’appartenance à un espace culturel et patrimonial européen commun.

Au niveau de la Commission européenne : le Label du patrimoine européen fête ses dix ans

En 2005, à l’initiative de la France, quelques pays européens ont décidé de créer le Label du Patrimoine européen, afin de mettre en valeur la dimension européenne de biens culturels, monuments, sites culturels ou lieux de mémoire, témoins de l’histoire ou de la construction européennes.

Piloté depuis 2011 par la Commission européenne, ce label vise à renforcer le sentiment d’adhésion des citoyens de l’Europe à une identité européenne partagée et le sentiment d’appartenance à l’espace culturel commun. Il vise à mieux faire comprendre l’histoire de l’Europe et la construction de l’Union européenne, au regard des valeurs démocratiques et des droits de l’homme, de sensibiliser les citoyens européens, notamment les jeunes, et de renforcer le dialogue interculturel, par l’éducation artistique, l’éducation à la culture et l’éducation à l’histoire.

Les sites sont choisis pour leur valeur symbolique, les activités qu’ils organisent pour mettre en lumière le rôle qu’ils ont joué dans l’histoire européenne et/ou dans le développement et la promotion des valeurs sur lesquelles s’est construite l’Europe. De nombreux sites peuvent prétendre à ce label : paysages culturels, monuments, sites naturels, archéologiques, industriels, urbains, lieux de mémoire, biens et objets culturels, éléments du patrimoine immatériel ou contemporain liés à un lieu spécifique.
Vingt-cinq pays participent aujourd’hui à cette initiative et quarante-huit sites en Europe ont déjà obtenu ce label.

Il existe trois types de dossiers :

  • site unique : candidature d’un seul site ;
  • site thématique national : plusieurs sites, situés dans le même État membre, soumettent une candidature commune sur un thème spécifique ;
  • site transnational : plusieurs sites, situés dans différents États membres, soumettent une candidature commune sur un thème spécifique ou un site situé sur le territoire d’au moins deux États membres soumet une candidature.

La France compte cinq sites sur les quarante-huit labélisés en Europe : abbaye de Cluny ; maison de Robert Schuman ; quartier européen de Strasbourg ; ancien camp de concentration de Natzweiler et ses camps annexes (dossier transnational franco-allemand) et le lieu de mémoire au Chambon-sur-Lignon.

Les jardins de la maison de Robert Schuman, à Scy-Chazelles (Moselle), labellisée au titre du Label du patrimoine européen. © Moselle Tourisme.

Les sites labellisés évoquent l’histoire européenne, certes fragmentée mais aussi commune, témoin d’un passé partagé permettant de construire un futur commun : l’Europe de la culture et du savoir, l’Europe de l’inclusion, l’Europe des citoyens. Le Label réaffirme l’histoire et l’identité européenne dans un contexte où les valeurs humanistes et démocratiques semblent de plus en plus menacées par la désinformation, l’éclatement des sociétés, les excès identitaires ou/et la perte de mémoire. Il permet de mettre en valeur des histoires, des monuments, des hommes et des femmes qui ont participé à cette construction et à ce mouvement perpétuel, du passé vers l’avenir.

Au sein du ministère de la Culture, c’est la Mission du patrimoine mondial, à la Direction générale des patrimoines et de l’architecture, qui coordonne ce programme. Un Comité national instruit les candidatures au label et propose au ministre de la Culture le dossier qui sera déposé par la France auprès de la Commission européenne. Ensuite, un jury européen, désigné par l’Union européenne, examine les candidatures déposées par les pays et propose d’attribuer ou non le label.

En 2022, un colloque sur « le Label du patrimoine européen : bilan des 10 ans d’existence », organisé dans le cadre de la Présidence française de l’UE, a connu un grand succès. Il a réuni les coordinateurs nationaux, de nombreux gestionnaires de sites labellisés, des représentants de la Commission européenne (direction générale de l’éducation et de la culture), de la société civile (Europa Nostra) et des personnalités européennes. Ce colloque a permis de faire le bilan de cette initiative, de valoriser les actions existantes et d’insuffler une nouvelle dynamique.

Le Label du patrimoine européen a pu également être intégré dans le point concernant le patrimoine lors de la réunion informelle des ministres de la Culture d’Angers en mars 2022.

L’objectif consiste à terme à pleinement intégrer ce label au côté des deux autres initiatives de valorisation patrimoniale emblématique que sont la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco et les Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe.

Au niveau du Conseil de l’Europe : les itinéraires culturels du Conseil de l’Europe fêtent leurs trente-cinq ans

Ce programme novateur a été lancé en 1987, par Madame Catherine Lalumière, alors Secrétaire générale du Conseil de l’Europe et Les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle ont été le premier itinéraire culturel certifié en Europe.

Il est important de rappeler que le Conseil de l’Europe est la principale instance intergouvernementale européenne compétente en matière de patrimoine et de paysage qui, à la différence de l’Union européenne, développe une doctrine éthique, politique et professionnelle en matière de patrimoine et de paysage dans les quarante-sept États parties à la Convention culturelle du Conseil de l’Europe de 1954. En 2010, le Conseil de l’Europe a mis en place un Accord partiel élargi, afin de soutenir ce programme, coordonné par l’Institut européen des Itinéraires culturels, basé à Luxembourg.

Les Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe (ICCE) incarnent les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe : droits de l’homme, démocratie culturelle, diversité et identité culturelles, dialogue, échange et enrichissement mutuel au-delà des frontières et des siècles. Trente-cinq États participent à cette initiative, ainsi que des autorités régionales, des collectivités locales et des organisations internationales, dont l’Union européenne, l’OCDE, l’Unesco et l’Organisation mondiale du tourisme.

Le patrimoine, la culture et le tourisme sont des dimensions importantes de ce programme : les itinéraires sont des voies de circulations pédestre, cycliste, équestre qui permettent à tous les publics de découvrir des lieux d’intérêts patrimonial et culturel majeurs qui traversent plusieurs pays européens. Ils répondent aux objectifs stratégiques du développement durable dans le cadre du renouvellement des stratégies françaises pour le climat et la biodiversité, du Pacte vert (green deal) européen et de l’agenda 2030 des Nations Unies en promouvant les mobilités douces et le tourisme responsable. Ils constituent un atout important pour le développement culturel, social, écologique et économique local, car ils impliquent une grande diversité de partenaires à l’échelle des territoires.

Pour être certifié, le projet d’itinéraire doit être porté par trois pays minimum et doit associer des partenaires multiples. Une Académie de formation est organisée chaque année pour accompagner les porteurs de projets. Une fois certifié, chaque itinéraire est soumis à une évaluation tous les trois ans. Cette certification « itinéraire culturel européen » est une garantie d’excellence, basée sur la mise en œuvre d’activités et de projets novateurs, portant sur cinq domaines d’action : coopération en matière de recherche et de développement ; valorisation de la mémoire de l’histoire du patrimoine européen ; échanges éducatifs et culturels pour les jeunes européens ; culture contemporaine et pratique artistique ; tourisme et développement durable.

La France a, dès l’origine, apporté un soutien continu et infaillible à ce programme. Depuis 2019, c’est la Mission du patrimoine mondial, au sein de la Direction générale des patrimoines et de l’architecture, qui coordonne ce programme, ce qui a permis de relancer une dynamique patrimoniale au niveau national : exposition au ministère de la Culture sur les ICCE en 2019, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Europe ; élaboration d’une stratégie de promotion des itinéraires dans le cadre de la nouvelle politique gouvernementale en faveur du tourisme, réunion du réseau des itinéraires qui traversent la France en 2021 et la certification de deux nouveaux itinéraires : la Route européenne d’Artagnan et la Route Alvar Aalto, projets ambitieux qui associent une multitude d’acteurs publics et privés, organisent de très nombreuses activités sur les territoires et mettent en lumière le tissu économique local, les savoir-faire et les professionnels.

La France est traversée par trente itinéraires culturels, sur les quarante-cinq certifiés en Europe, qui placent le patrimoine matériel et immatériel, culturel et naturel au cœur de l’attractivité des territoires. Une publication bilingue, éditée en 2022, présente ces trente itinéraires sous forme de fiches, avec une cartographie détaillée, afin de valoriser le travail mené par les gestionnaires de ces itinéraires et le potentiel patrimonial, touristique et culturel important pour les territoires qu’ils traversent. En outre, l’académie annuelle de formation qui se tiendra à Fontainebleau en juin 2022, sur le thème du « tourisme culturel » et a obtenu le Label Présidence française de l’Union européenne.

Le grand défi consiste désormais à continuer de sensibiliser les acteurs et les professionnels de terrain, à poursuivre cette dynamique et cette émulation entre les acteurs français et européens, à développer des outils numériques et cartographiques, à faire émerger des idées, projets et initiatives, enfin, à sensibiliser tous les citoyens à notre patrimoine européen commun.

Un itinéraire n’est jamais un projet terminé, car l’Europe est en mouvement et se reconstruit en permanence comme le soulignait l’éminent écrivain Jacques Le Goff.

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