Les expériences menées en Finistère et en Ille-et-Vilaine montrent que les “contrats de gestion” entre le maire et l’ABF existent de façon implicite au travers des consultances architecturales, outils de la gestion partagée des ZPPAUP.
Il faut d’emblée préciser que cette cogestion n’est envisageable que si la commune instruit elle-même ses dossiers d’urbanisme. Dans les communes de taille suffisante, les services relaient le travail du SDAP1 : des consultances architecturales sont en place à Brest, Landerneau, Morlaix, Quimper et Quimperlé, Fougères, Saint-Malo2 , Dinard, Châteaugiron et La Guerche de Bretagne : elles le seront bientôt à Douarnenez, Saint-Pol-de-Léon, Saint-Lunaire, Combourg et Saint-Méen-le-Grand, dont les ZPPAUP en cours d’élaboration font l’objet d’une collaboration étroite avec le SDAP3 .
La ville de Rennes jouit d’une longue pratique de la consultance architecturale pour son secteur centre, couvert pour partie par un secteur sauvegardé et par les abords de ses nombreux monuments historiques : le même type de démarche est engagé à Vitré pour le secteur sauvegardé et ses abords, bientôt couverts par une ZPPAUP.
D’une commune à l’autre, les modalités de gestion partagée ne sont pas homogènes, car le niveau d’implication politique et technique des communes et de leurs services varie ; la présence où non d’un architecte-conseil induit en pré-instruction une expertise sensiblement différente. Rares sont les communes qui font appel à un architecte-conseil, en dehors des communes centres d’une agglomération significative4 . L’utilisation de Gestauran Web permet d’optimiser le travail en réseau avec ces communes et de réduire les délais d’instruction.
Une gestion partagée
L’analyse des expériences permet de dresser le portrait idéal d’une gestion partagée. Dès le lancement de l’étude, la cogestion est annoncée comme condition de la réussite de la démarche ZPPAUP. Au cofinancement et à l’élaboration conjointe de l’étude doit naturellement succéder la cogestion État-commune d’un outil inventé en parallèle aux premières lois de décentralisation. Le maire sait qu’il s’engage dans une cogestion avec l’ABF en créant une consultance architecturale et en recrutant son équipe. Dans un schéma idéal, cette équipe est constituée de l’adjoint à l’urbanisme où au patrimoine, de l’architecte-conseil qui assurera l’interface entre les services et le SDAP. L’équipe peut être étoffée de spécialistes en fonction des spécificités patrimoniales locales : le recours à un coloriste conseil, par exemple, est utile dans les discussions relatives aux choix des teintes et finitions mises en œuvre. Idéalement encore, le SDAP est associé aux choix des architectes et des consultants qui pré-instruisent.
La consultance architecturale, lieu de fabrication “artisanale” des projets en collégialité : les dossiers courants qui n’appellent pas de difficulté sont pré-instruits par l’équipe municipale et validés par l’ABF. Pour les dossiers plus délicats ou à enjeux plus forts, l’instruction déconcentrée permet de rencontrer les porteurs de projet au plus près du terrain autant de fois que nécessaire, de fabriquer le projet artisanalement et en toute collégialité.
Prévenir plutôt que guérir
Le positionnement en amont des projets facilite d’emblée les conditions de leur réalisation en compatibilité avec les enjeux patrimoniaux identifiés par la ZPPAUP. La collégialité et la présence d’un élu référent au sein de la consultance font apparaître l’avis conforme, non comme un écueil, mais plutôt comme un appui réel face à un porteur de projet qui tenterait, par exemple, de diviser pour passer en force. En phase chantier, l’instruction déconcentrée permet de valider des échantillons et de régler les détails de mise en œuvre pour éviter les problèmes de non conformité. De la même façon, les demandes de recours gracieux sont examinées en interne, ce qui limite de facto le contentieux.
La consultance architecturale, lieu d’élaboration d’une culture commune
L’ouverture des membres de l’équipe à la notion de projet est fondamentale ; il n’est pas rare qu’une consultance bien établie soit sollicitée à titre de conseil par les maîtres d’ouvrage et leurs architectes pour des projets situés hors ZPPAUP. Par ailleurs, la qualité et la régularité des échanges sur les solutions de bonne intégration architecturale, urbaine et paysagère favorisent l’émergence d’une véritable culture commune entre les services municipaux et le SDAP. Les projets qui ont évolué de façon très substantielle et/ou regardés comme exemplaires sont collationnés et conservés comme “mémoire” de ce travail artisanal et représentent un matériau de communication significatif.
Efficacité dans la gestion des délais
La consultance se tient dans la commune à un rythme régulier, toutes les trois semaines au plus pour des questions de délais, notamment depuis la réforme ADS d’octobre 2007. La mise en place de Gestauran Web renforce l’efficacité de l’instruction déconcentrée grâce à une saisie en direct des avis de l’ABF et entraîne un gain de temps considérable. Idéalement, la saisie des avis est faite par les instructeurs de la ville en séance5 , les avis édités et signés par l’ABF dès la fin de la consultance peuvent être intégrés aux arrêtés municipaux le jour même.
Les incidences du Grenelle
Sur ces questions, les règlements opposables doivent évoluer et s’étoffer sans pour autant figer un domaine en pleine évolution technique par des règlements trop fouillés.
Le principe de hiérarchie des enjeux d’acceptabilité de ces ouvrages en fonction de la qualité patrimoniale intrinsèque du bâti et/ou de son degré d’exposition dans un paysage urbain où rural, assorti de rêgles générales de bonne intégration, représentent déjà de bonnes avancées. Par ses qualités propres -inertie, matériaux sains, recyclables et à faible empreinte écologique, transmission des savoir-faire- le patrimoine constitue l’un des piliers du développement durable.
Les expériences bretonnes démontrent l’intérêt du travail en réseau : cette organisation démultiplie l’action du SDAP dont la charge de travail s’accroît généralement avec l’approbation d’une ZPPAUP. Ces expériences préfigurent-elles, néanmoins, la mise en place systématique de contrats de gestion formalisés dès le projet de ZPPAUP ? Il faut se garder d’alourdir la démarche par une généralisation de caractère obligatoire, et conserver la souplesse de l’outil face à des réalités locales par définition nuancées et évolutives.
Pierre Alexandre et Vincent Jouve,
ABF, chefs de SDAP Finistère et Ille-et-Vilaine
- Pour les communes qui n’instruisent pas leurs dossiers d’urbanisme, on peut imaginer dans le cadre de la réforme des collectivités locales que les communautés de communes jouent ce rôle. ↩
- Saint-Malo possède une ZPPAUP partielle qui couvre les seules malouinières et non l’intramuros et ses abords. ↩
- Parmi ces communes, toutes n’instruisent pas elles-mêmes leurs demandes ADS. ↩
- Rennes, Brest et Vitré possèdent des architectes-conseils attitrés. Landerneau et Morlaix recourent à des vacations. ↩
- Pour le SDAP du Finistère, cela a permis d’externaliser le tiers des quelque trois mille neuf cents avis annuels instruits dans le nord du département. Gain de temps évalué : une à deux semaines environ. ↩