Châlons-en-Champagne

La souplesse de l’outil ZPPAUP conduit à une diversité des approches, allant d’une définition de secteurs à un travail fin à la parcelle.

Dernière née en région Champagne-Ardenne, la ZPPAUP de Châlons-en-Champagne, zone “nouvelle génération”, intègre toutes les évolutions de cet outil de protection, en particulier le P de “paysage”, ajouté en 1993.

Quête d’identité

La mise en place de la ZPPAUP de Châlons symbolise l’action de la ville qui parvient à l’aboutissement de sa quête d’identité débutée avec la récupération de son nom historique en 1995. Si la création des départements avait propulsé le siège historique de l’intendance de Champagne au rang de préfecture, la ville alors dénommée Châlons-sur-Marne, devenait difficilement repérable quelque part le long de la Marne, au-delà des plus lointaines banlieues d’Île-de-France. La création des régions lui a donné le rang de préfecture de région, bien que Reims, Troyes et Charleville-Mézières la dépassent en population ; ce statut particulier, la ville ne le doit pas seulement à sa position centrale, mais à l’Histoire : elle est la capitale des États de Champagne depuis le XVIIe siècle et siège d’un évêché depuis le IVe siècle.

Le déficit d’image du département de la Marne affecte la préfecture, pourtant épargnée par les ravages de la Grande Guerre. La ville, riche de monuments prestigieux, dont la basilique Notre-Dame-en-Vaux classée patrimoine mondial par l’Unesco au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, d’un tissu urbain préservé et cohérent alternant un usage raffiné de bois, de craie et de brique, ne pouvait se passer d’une forte ambition patrimoniale.

Dans le panel des outils de protection, les abords de trente-sept monuments historiques, de cinq sites classés et de deux sites inscrits rendaient très complexes l’instruction des dossiers par l’architecte des bâtiments de France et la lisibilité des avis rendus pour les acteurs locaux. La volonté de la municipalité, appuyée par les services de l’État, de se doter d’une ZPPAUP correspondait donc à une nécessité de simplification et d’efficacité dans la gestion de la problématique patrimoniale.

Plan de gestion

Le travail de Gilles-Henri Bailly, architecte-urbaniste retenu pour réaliser l’étude de la zone de protection, consistait dès lors à orienter la ZPPAUP vers un plan de gestion du patrimoine par un inventaire préalable du territoire.

Il apparaît dans l’étude qu’aux côtés des monuments protégés, s’élèvent quatre cent quatre-vingt-et-un éléments architecturaux d’intérêt certain, soit 18 % des édifices présents, et deux mille deux cent deux (79,7 %) édifices simples, représentatifs de la culture architecturale traditionnelle locale. Ces derniers ne trouvent leur justification que dans une séquence urbaine et un contexte local auxquels ils participent pleinement. En conséquence, chaque type d’immeuble est soumis à un règlement particulier. Ce travail d’inventaire a été réalisé en partenariat avec le comité marnais d’amélioration du logement, protection, amélioration, conservation, transformation de l’habitat (COMAL-PACT) afin de définir les caractéristiques d’un bâti fragile avant d’envisager son amélioration. Les techniques de mise en œuvre traditionnelle sont étudiées et répertoriées en vue de dresser un référentiel utile aux particuliers comme aux professionnels, démunis face à la question de l’intervention sur le bâti ancien. Cette approche, déjà aboutie à Épernay et à Sainte-Ménehould, constitue une relative nouveauté dans le département.

Le comité de suivi réunissant autour du bureau d’étude les élus, l’ABF, les habitants à travers les associations et les professionnels concernés s’est révélé un organe de dialogue inédit, dédramatisant la question du patrimoine au profit du projet urbain et des enjeux pour le devenir et l’image de la ville. Ce qui avait pu apparaître au départ, notamment pour les architectes, comme une tentative de mainmise sur la ville par les défenseurs du patrimoine, s’est révélé un outil de clarification entre conservation et intervention contemporaine.

Des sujets épineux non tranchés semblent pouvoir se débloquer grâce à l’approche proposée par la ZPPAUP, qui rompt résolument avec le casse-tête de l’opposition table-rase où conservation : le cas de l’hôtel de la Haute-Mère-Dieu, célèbre friche située place de la République, est emblématique. Il s’oriente aujourd’hui vers un consensus de réhabilitation, intégrant à la fois les solutions techniques de restauration et le programme complexe d’un hôtel moderne en centre-ville. Le devenir du patrimoine industriel et, notamment, de l’ancienne brasserie de la Comête n’est désormais plus abordé sous le seul angle de la démolition : la ville peut ainsi se prévaloir d’anticiper sur le futur plan de gestion lié au projet de protection des paysages du Champagne, qui comporte un volet châlonnais.

Service après-vente

La ZPPAUP approuvée en juin 2009 est maintenant opérationnelle. Il va de soi que le gage de sa réussite demeure un suivi partagé qui nécessite que chacun ne se cantonne pas dans son rôle, mais poursuive le dialogue de qualité qui s’est instauré. La ville a éprouvé le besoin de se doter des compétences d’un conseil architectural, indispensable au travail en amont de la demande d’autorisation ; les professionnels de l’architecture souhaitent, en la personne de l’architecte des bâtiments de France, bénéficier d’une approche sensible du règlement qui leur permette de s’exprimer sans réticence au sein d’un ensemble urbain préservé et vivant. À ce titre, l’évolution de la législation ne pourra pas faire l’économie d’une mise au point entre les élus et les services de l’État.

Des sessions de formation à destination des artisans et un catalogue de documents pédagogiques sont également indispensables. Châlons-en-Champagne paraît décidée à jouer pleinement un rôle de laboratoire de la reprise en main d’un patrimoine jusque-là malmené.

Raphaël Gastebois
ABF, chef du SDAP de la Marne

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