Le territoire vu du ciel

Petit lexique
Techniques photogrammétriques :
mesures de coordonnées à partir de photographies aériennes dont on connaît exactement les paramètres géométriques, grâce à un calibrage des objectifs de prise de vue et à des mesures précises prises en repère au sol.
Nivellement : technique de mesure qui permet, par reports successifs de hauteurs, de déterminer l’altitude en tous les points d’un réseau par rapport à une référence. Le canevas national de nivellement comprend environ quatre cent cinquante mille repères. L’altitude est mesurée au millimètre près, en référence au niveau moyen de la mer, repéré au marégraphe de Marseille.
Géodésie : science de la mesure des dimensions et de la forme de la terre. C’est un des savoir-faire et une mission clé de l’IGN. Elle détermine les coordonnées de points de repères matérialisés sur le terrain. Ceux-ci forment un canevas géodésique couvrant toute la France, auquel les levés topographiques sont rattachés de façon homogène. Le canevas géodésique traditionnel (Nouvelle triangulation de la France : NTF) comporte quatre vingt mille points. Grâce aux outils de localisation par satellite (Global Positioning System- GPS), le Réseau géodésique français (RGF), près de dix fois plus précis que la NTF, a été réalisé. L’IGN met progressivement ces canevas à la disposition des usagers par voie télématique et Internet grâce à sa base de données géodésiques.
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De la collecte des informations sur le terrain à la photographie aérienne et aux outils de localisation par satellites, le monde a changé aussi pour l’Institut géographique national. La révolution informatique repousse toujours plus loin ses capacités de levés topographiques de la moindre parcelle du territoire, en zones urbaines comme en zones agricoles. Pour les architectes, les urbanistes, les paysagistes et les collectivités locales, ce sont des outils indispensables pour mesurer l’impact d’un aménagement à grande échelle et dans un large environnement. L’idée de la création d’un service susceptible de produire une cartographie au niveau national date de Îa fin du XVIIIe siècle, dans un premier temps, financée en partie sur des fonds privés. Il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour voir des évolutions notables. Les techniques militaires exigeant en effet une précision plus grande, commence à cette époque, la production des cartes à grande échelle, dites d’état-major. En 1914, elles couvriront l’ensemble du territoire. Napoléon avait déjà initié le principe du cadastre, délimitant la propriété foncière, entreprise qui s’est poursuivie durant tout le XIXe siècle. Au début du XXe siècle, la précision des informations est croissante et répond à des besoins stratégiques militaires : emplacements des points d’eau, chemins pour passer la cavalerie, vignobles à préserver. En 1940, le statut de l’établissement est rendu civil afin de le soustraire à la tutelle allemande. C’est le premier décret qui va aboutir, au lendemain de l’Armistice, à la création de l’Institut géographique national.

L’activité des premiers ingénieurs du nouvel établissement, jusqu’à la décolonisation est intense. En France, ils procèdent à une mise à jour systématique ; dans les colonies, tout le travail est à faire. À l’époque, les techniques d’exploitation des images aériennes, dites photogrammétriques, se développent, mais toujours complétées par les techniques de terrain (dites techniques de “complètement”). À partir des années 1970, avec l’apparition de l’informatique, on ne se contente plus de dessiner l’information géographique, on l’enregistre sur des supports numériques.

Aujourd’hui, les réseaux satellites permettent de “numériser” sur le terrain les coordonnées de chaque point, autrement dit, d’enregistrer en tout point en tout lieu, latitude, longitude, altitude.

Les outils numerisés de la cartographie

Au début de l’informatisation de la cartographie, le principal problème est d’organiser et de gérer ces informations. C’est la naissance progressive des Systèmes d’informations géographiques (SIG) qui vont suivre les évolutions générales de la macro et micro-informatique.

L’IGN en sites et en chiffres
L’IGN est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’Équi-
pement, des Transports et du Logement. Il a vocation à assurer la production, l’entretien
et la diffusion de l’information géographique. S’ajoutent tous les services de suivi et de
développement indispensables à l’utilisation de cette information : formation, assistance,
prestation et recherche. Son budget annuel est de sept cent millions de francs, financé par une dotation de l’État et, pour une part croissante, par les recettes commerciales. Il est constitué d’un site de production à Saint-Mandé, de six centres interrégionaux de production
et de dix-sept agences régionales, d’une unité de production et de traïtement d’images spatiales à Toulouse (IGN-Espace). Son service de recherche est composé de quatre laboratoires (quatre-vingt personnes dont trente ingénieurs) et représente 8 % du budget. L’École nationale des sciences géographiques (ENSG) est située à Marne-la-Vallée.

L’Institut géographique national s’est d’abord attaché à numériser les données urbaines des grandes villes : Bordeaux, par exemple. À la même époque, commencent les applications architecturales avec des levés d’étude permettant de visualiser l’habitat urbain en volume grâce à la photogrammétrie. C’est une orientation en quelque sorte naturelle : on numérise ce que l’on voit, avec un effort minimum de structuration. C’est toutefois un travail de longue haleine car, à l’époque, tout est à construire et, en particulier, les logiciels que l’IGN développe lui-même pour répondre à des besoins spécifiques enregistrer, conserver et exploiter.

La première base de données, BD ALTI®, a couvert en dix ans l’ensemble du territoire français. Elle fait état des courbes de niveau des reliefs et permet de décrire le terrain, de visualiser et cartographier toutes données en 3D. Elle permet l’analyse, le suivi, l’évaluation de tout projet d’aménagement et d’environnement. Ses domaines d’applications sont nombreux : implantation d’ouvrages d’art, plans d’urbanisme, implantation des réseaux hertziens et câblés.

La BD CARTO® est, en quelque sorte, l’équivalent d’une carte routière. Elle décrit avec une précision décamétrique, de manière homogène et structurée, l’ensemble des réseaux du territoire métropolitain : réseau routier et franchissements, réseau ferré, réseau hydrographique, couverture végétale, toponymie et équipements divers. Pour sa constitution, compte tenu de la structuration de plus en plus complexe des données, la décision est prise de ne plus assumer le coût de création et de maintenance des logiciels et de se procurer les produits spécialisés du marché. La BD CARTO® existe dans sa version définitive depuis 1996. L’IGN est passé à une phase de mise à jour et cherche à simplifier encore les modalités d’exploitation.

Au début des années 1990, l’Institut cherche, avec la base de données GEOROUTE®, à répondre à une demande d’outil d’aide à la navigation exprimée par les utilisateurs de cartes routières, exigeant des informations fines sur le réseau routier urbain et les conditions de circulation (nom des rues, adresses postales, sens unique, passages souterrains, voies réservées aux bus ou taxis). GEOROUTE® est adaptée aux multiples applications du calcul d’itinéraires, de la gestion de flotte de transport et du géomarketing. Elle répond aux besoins d’une étude d’implantation d’équipements publics ou de plans de déplacement urbain (PDU). À la fin de l’année 2001, GEOROUTE® fournira la couverture de toutes les agglomérations de plus dix mille habitants.

Parallèlement, la BD TOPO® comprend la description physique tridimensionnelle du territoire national (voies de communication, réseaux de transport, hydrographie, végétation, bâtiments, relief, limites diverses, toponymie). Elle est l’équivalent numérique d’une carte papier à l’échelle 1 : 10 000. Son rythme d’avancement, relativement lent (5 % du territoire par an), a pu être amélioré moyennant quelques changements de méthodes : automatisation de l’acquisition de certaines données (description de la végétation), abandon de certaines phases de relevés sur le terrain ou amélioration d’autres données (continuité de la description des réseaux routiers ou hydrographiques…). La couverture nationale est prévue pour 2005. Ses applications concernent largement les professionnels de l’urbanisme, de l’environnement et de l’aménagement : application des lois environnementales (bruit, air, eau, paysage…), étude d’impact des nouvelles infrastructures, établissement des POS, des PDU, visualisation des projets d’aménagement, périmètres de protection, Plans de prévention des risques (inondations, mouvements de terrains, avalanches, incendies de forêts, séismes…).

Les orientations commerciales
L’Institut géographique national propose deux principales gammes de produits : les cartes papier, destinées surtout au grand public, et les bases de données numériques s’adressant aux professionnels.
Dans l’absolu, un km2 de BD TOPO®, soit sur un plan au 1 : 5 000 un carré de 20 cm x 20 cm, revient à 360 F, et dans sa version la plus complète, de 2 500 à 5 000 F pour une commune moyenne. Encore faut-il préciser que, pour qu’un professionnel puisse utiliser ces données et ajouter ses propres informations, il lui faut se procurer un logiciel dont le coût est de l’ordre de 15 000 F. Le coût de l’orthophotographie d’un département représente un coût moyen de 130 000 F.

L’orthophotographie, du standard au sur mesure

En réponse à la demande du marché, l’IGN est passé de la numérisation de la gamme de cartes papier, à la production d’une base image : la BD ORTHO®. Commencée depuis 1995, la BD ORTHO® est une orthophotographie numérique standard, inscrite dans le programme d’équipement cartographique national de base. À ce titre, elle sera réalisée dans tous les départements français et mise à jour régulièrement. Elle allie la précision géométrique d’une carte au 1 : 5 000 à la richesse de la photographie, puisqu’elle offre à la fois un document en projection, un fond cartographique standard et la richesse de détails de la photographie aérienne ainsi que la possibilité de la combiner avec d’autres données (courbes de niveau, toponymie…). Sa résolution est de cinquante centimètre en couleur et d’un mètre en noir et blanc.

C’est, avec la BD TOPO®, le deuxième produit à grande échelle qui constitue le Référentiel à grande échelle (RGE). Ce RGE couvre aussi bien les applications en zones rurales que celles en zones urbaines. L’orthophotographie urbaine sur les agglomérations de plus de cent mille habitants est en projet. Elle devrait être lancée en partenariat de coproduction/coédition avec les professionnels de la photogrammétrie. Sa résolution, de vingt-cinq en zones urbaines, sera mieux adaptée aux problèmes d’urbanisme.

Pour passer de la photographie aérienne à l’orthophotographie, des corrections géométriques éliminent les déformations dues à la non-verticalité de l’axe des prises de vue et au relief du terrain. Les images sont numérisées et mises en place pour la deuxième étape que constituent les processus automatiques de rectification géométrique et d’égalisation radiométrique.

Est-il besoin de préciser que les clichés argentiques de 24 cm sur 24 cm sont progressivement
remplacés par des photographies prises par une caméra numérique qui permet d’obtenir des images numériques de haute qualité, directement exploitables ? La BD ORTHO® sur l’Île-de-France a déjà été réalisée avec ce type d’images. Restent que les prix, les licences d’utilisation et les compétences requises pour exploiter ces données, ne permettent pas à tout un chacun d’accéder à ces technologies. Il est vrai aussi que les prestations offertes par l’IGN sont en rapport avec l’échelle et l’enjeu d’un projet au niveau d’une agglomération ou d’un paysage.

Florence MICHEL
journaliste

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