Les conditions du recours à l’architecte

« Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l’objet de la demande de permis de construire [..]. Cette obligation n’exclut pas le recours à un architecte pour des missions plus étendues. »

C’est précisément dans ces termes que l’article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture modifiée pose le principe général du recours obligatoire à l’architecte pour tous travaux soumis à autorisation. Ce principe sera ensuite codifié à l’article L. 431-1 du Code de l’urbanisme1 .

Principe général

Mais toute loi est assortie d’exceptions et le principe généreux du départ est ensuite assorti de différents cas d’exemption2 également déclinés dans le Code de l’urbanisme. Ces dérogations sont d’abord liées au statut du demandeur (particulier ou société/collectivité)3 puis à l’emprise au sol et à la surface de plancher du projet4 , à l’usage de la construction (agricole ou non) et à la nature des travaux (création de surface ou non). Une fois établi que, d’un point de vue pratique, c’est le permis de construire qui tient lieu de l’autorisation citée par la loi et qui fonde le recours obligatoire à l’architecte, il convient de d’examiner le chapitre 1 du livre IV du Code de l’urbanisme5 pour avoir le détail des travaux qui sont soumis à autorisation en fonction de leur nature ou des surfaces créées et en déduire ceux pour lesquels le permis de construire, donc le recours à l’architecte sont obligatoires. Cependant, le code distingue le cas des constructions nouvelles (section 1, article R. 421-1) du cas des travaux sur constructions existantes ou des changements de destination (section 2, article R*. 421-14).

Constructions nouvelles

Il convient tout d’abord de rappeler le principe du recours obligatoire à l’architecte à partir de vingt m2 puisque c’est le seuil déclenchant l’obligation de déposer un permis de construire6 . Puis les différentes combinaisons des critères précités au premier paragraphe permettent de dégager les cas dérogatoires suivants pour les constructions nouvelles :

  • Si l’emprise au sol est inférieure à cent soixante-dix m2, le recours à l’architecte est obligatoire si le demandeur est une personne morale. C’est notamment le cas des collectivités locales et des entreprises, hors exploitation agricole à responsabilité limitée à associé unique (EARL). Par contre, le recours à un architecte est facultatif dans tous les cas si le demandeur est un particulier ou une EARL.
  • Si l’emprise au sol est comprise entre cent soixante-dix et huit cents m2, des exemptions sont également possibles : les constructions à usage agricole ne sont pas concernées et si le projet comprend un bâtiment ayant deux destinations (agricole et habitation), le recours à un architecte dépend du seuil réservé à chaque destination.
  • Si l’emprise au sol supérieure à huit cents m2, le recours à l’architecte est obligatoire pour toute construction, sauf pour les serres de production dont le pied-droit a une hauteur inférieure à quatre mètres et dont à la fois la surface de plancher et l’emprise au sol au sens de l’article R. 420-1 n’excédent pas deux mille m2

Constructions existantes

S’il s’agit de travaux ou de changements de destination concernant des constructions existantes, le permis de construire et le recours à l’architecte sont obligatoires dans les cas suivants :

  • Travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher où d’une emprise au sol supérieure à vingt m2.
  • Travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher où d’une emprise au sol supérieure à quarante m2, dans les zones urbaines pourvues d’un document d’urbanisme.
  • Travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’emprise au sol comprise entre vingt et quarante m2 si leur réalisation porte la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 31-2 du Code de l’urbanisme.
  • Travaux modifiant les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination selon l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme
  • Travaux nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière au sens de l’article L. 313-4 du Code de l’urbanisme.

In fine, pour déterminer simplement s’il faut ou non recourir à un architecte, il suffit de répondre successivement aux questions suivantes :

  • Quelle est la nature du demandeur ?
  • Quelle est la surface du projet ? (construction neuve ou extension)
  • Quelle est le régime d’autorisation d’urbanisme ? (déclaration préalable ou permis de construire)
  • Si le projet est soumis à PC, la surface finale dépasse-t-elle le seuil pour l’architecte ?

De cette façon, il est possible d’énumérer les cas suivants à titre d’exemples :

  • Une personne morale doit faire appel à un architecte pour tout projet soumis à PC, mais une personne physique seulement si le projet dépasse cent soixante-dix m2. Par contre, une exploitation agricole doit faire appel à un architecte pour un projet à usage agricole soumis à PC et dépassant huit cents m2.
  • Une extension de plus de vingt m2 qui, par cumul, fait dépasser le seuil de cent soixante-dix m2, projetée par une personne physique, est soumise à PC et le recours à l’architecte est obligatoire. Par exemple, une maison d’habitation de cent soixante-cinq m2 étendue à cent quatre-vingt-cinq m2, quelle que soit sa situation au PLU.
  • Une extension de moins de vingt m2 d’une construction dépassant cent soixante-dix m2, projetée par une personne physique, est soumise à PC et le recours à l’architecte n’est pas obligatoire. Par exemple, une maison d’habitation de deux cents m2 étendue à deux cent dix m2.
  • Une extension entre vingt et quarante m2 en zone U d’une construction dépassant cent soixante-dix m2, projetée par une personne physique. est soumise à PC et le recours à l’architecte est obligatoire. Par exemple, une maison d’habitation de cent quatre-vingt m2 étendue à deux cent-dix m2.

Cas des monuments historiques

Par contre, pour les monuments historiques (MH), la situation est différente selon la nature de la protection. Pour les MH inscrits, il n’y a pas d’obligation spécifique de recourir à une maîtrise d’œuvre et c’est le droit commun du permis de construire qui s’applique en vertu du principe qui veut que tous travaux sur MH inscrit fassent l’objet d’un permis de construire. Dans ces conditions, il faut noter que l’exemption du recours à l’architecte qui est faite pour les travaux intérieurs dans l’article 4 de la loi de 19777 , repris dans l’article du code de l’urbanisme, peut conduire à la restauration intérieure d’un édifice sans recours à une maîtrise d’œuvre qualifiée. Pour les MH classés, non seulement le recours à l’architecte est obligatoire pour les travaux autres que ceux d’entretien courant, mais ce dernier doit faire état d’un niveau de diplôme et d’une expérience spécifique8 .

TEXTES DE RÉFÉRENCES :

  • Loi n° 77-2 du 3 janvier sur l’architecture modifiée9
  • Décret n° 2012-677 du 7 mai 2012 relatif à une des dispenses de recours à un architecte10 .
  • Articles R. 420-1, R. 421-1 à R. 421-29, R. 431-1 et R. 431-2 du Code de l’urbanisme.
  • Articles L. 621-9 et R. 621-25 à R. 625-31, livre VI du Code du Patrimoine.

Philippe CIEREN
Rédacteur en chef

  1. L’article L. 431-1, qui est issu de l’article 3 de la loi reprend le texte initial en imposant l’obligation générale sous une autre forme : «(…) la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l’objet de la demande de permis de construire ».
  2. Article 4 de la loi sur l’architecture.
  3. Le système de dérogation a d’abord été prévu pour les personnes physiques construisant pour elles-mêmes pour prendre en compte l’auto-construction.
  4. L’emprise au sol au sens de l’article R. 420-1 (modifié par le décret n°214-253 du 27 février 2014) est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. Toutetois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu’ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements.
  5. Articles R. 421-1 à R. 421-29.
  6. Voir l’article R. 421-9 qui limite à vingt m2 la possibilité de déposer une déclaration préalable. Au-dessus, il faut donc un permis de construire.
  7. Article 4 : le recours à l’architecte n’est pas non plus obligatoire pour les travaux soumis au permis de construire ou à l’autorisation qui concernent exclusivement l’aménagement et l’équipement des espaces intérieurs des constructions et des vitrines commerciales ou qui sont limités à des reprises n’entraînant pas de modifications visibles de l’extérieur.
  8. Articles R. 621-25 à R. 625-31 du Code du patrimoine (décret maîtrise d’œuvre de 2009 codifié).
  9. Dernière modification : 24 mars 2012.
  10. Ce décret modifie l’article R.* 431-2 du Code de l’urbanisme.