Dans un contexte politique et économique, la perception de l’utilité publique de l’architecture, pourtant inscrite dans la loi de 1977, n’a jamais été aussi ténue. La simplification des procédures administratives d’urbanisme et les débats sur les seuils limitant le recours à l’architecte interpellent notre capacité collective à envisager qualitativement notre cadre de vie. Aussi l’ANABF propose-t-elle la création d’un diagnostic architectural, le “DA”, généralisant l’expertise architecturale à l’ensemble des autorisations d’urbanisme. Dans ce but, la mise en jeu systématique des architectes, précisément sur ce large champ de l’urbanisme échappant à l’établissement d’un projet architectural en tant que tel, est déterminante. Le “DA” permet de poser le cadre de toute opération où de tous travaux soumis à une autorisation d’urbanisme. Il constitue un acte préparatoire à la conception d’un projet. Exclusivement établi par un architecte, il ne donne lieu à aucune formalisation dessinée ni prescription technique.
Son objet est en premier lieu de guider et de sensibiliser le demandeur d’une autorisation
d’urbanisme aux enjeux paysagers, urbains, architecturaux, voire patrimoniaux, auxquels se confronte son projet. Cette analyse doit appréhender les règlements d’urbanisme en vigueur, apprécier la valeur qualitative du contexte spatial et bâti et aboutir, au terme du diagnostic, à des prescriptions écrites spécifiques à l’opération, susceptibles de garantir, par leur observance, l’insertion du projet dans son environnement du point de vue de l’intérêt public. Ces prescriptions paysagères, urbaines et architecturales sont portées à la connaissance du pétitionnaire d’une part et de l’autorité compétente délivrant l’autorisation -le maire en général- d’autre part, afin d’en disposer pour l’instruction du dossier et motiver sa prise de décision. Dès lors, l’arbitrage relatif à la qualité paysagère, urbaine et architecturale du projet n’est plus soumis à une incapacité technique mais bien à une décision de l’autorité en charge de la politique urbaine sur le territoire, éclairée par l’expertise d’un architecte.
L’ANABF s’engage auprès de l’Ordre national des architectes et propose le projet de création d’un Diagnostic architectural obligatoire, attaché à toute demande d’autorisation d’urbanisme : la qualité du cadre de vie ne se borne pas à quelques réalisations exceptionnelles pour quelques territoires privilégiés. L’affirmation d’une politique d’aménagement contribuant à des fractures territoriales, y compris dans leur dimension culturelle dont l’architecture est une expression concrète, n’est plus soutenable. Ainsi, les espaces protégés ne peuvent constituer une exception qualitative, un “alibi”, en
contrepoint d’un délaissement global des espaces ne bénéficiant pas d’un régime de protection. La qualité architecturale ne doit pas devenir une exception et se circonscrire à quelques réalisations d’auteurs pour une frange choisie de la population.
L’utilité publique de l’architecture, c’est la reconnaissance globale du métier d’architecte, dont l’expertise est en œuvre au quotidien sur tous les territoires.
L’excellence des espaces protégés sera mieux comprise et exigée par nos concitoyens dès lors qu’une sensibilisation sur l’intégralité des actes de bâtir et sur l’ensemble du territoire national fera l’objet d’une politique explicite.
Bruno MENGOLI
ABF, chef du STAP Seine-Saint-Denis