Maîtrise d’œuvre : Agence 2BDM architectes
BET : Favier-Verne & associés
Coordonnateur : BECS
Coût : 3 134 000 euros, dont État 15 %
Entreprise de charpente : ADECO
Shon : niveau 0 (passage accessible au public) environ 1 100 m2 et terrasse accessible au public de 900 m2.
Strasbourg, devenue ville libre royale après la capitulation du 30 septembre 1681, va se transformer en une forteresse renforcée devant assurer la sécurité du royaume. Convoqué d’urgence par Louvois, Vauban s’efforce d’intégrer au maximum ce qui existe en fonction du rôle stratégique dévolu à Strasbourg sur la frontière de l’Est. L’exécution des travaux est confiée à son adjoint, l’ingénieur militaire Jacques Tarade, qui termine l’ensemble vers 1700. Vauban conserve certains anciens ouvrages de défense et en ajoute de nouveaux au précédent tracé, enfermant Strasbourg dans un puissant réseau de murailles. Le barrage Vauban, bâtiment-pont appelé alors “grande écluse de fortification”, est construit afin de protéger la ville en cas de siège. Situé en amont des ponts couverts, à l’extrémité de la Petite France et enjambant toute la largeur de l’Ill de ses treize arches, il devait renforcer efficacement cet ensemble défensif d’origine médiévale devenu vétuste. Par la fermeture hermétique de panneaux de fer disposés sous les arches du barrage, il était possible d’inonder le front sud de la ville afin de le rendre impraticable aux assaillants. Les murs sont munis de petites ouvertures réservées au tir. Un système de herses et d’écluses permettait également de réguler l’arrivée de l’eau dans les fossés de l’enceinte.
Évolution et restauration
Le barrage a connu des modifications successives. En 1865, la structure en bois et la couverture en tuiles sont remplacées par un étage voûté en grès et en briques, couvert d’un
remblai de terre pour mieux résister à l’artillerie moderne. En 1966, l’aménagement au sommet du barrage Vauban d’une terrasse offrant au public une vue panoramique exceptionnelle sur la Petite France et sur l’ensemble de la ville fait de cet ouvrage un édifice emblématique de Strasbourg. La terrasse est bordée de talus inclinés engazonnés. En 1974, le niveau inférieur du barrage est ouvert au public, permettant ainsi aux piétons de relier rapidement les deux rives de l’Ill.
Des dégradations apparaissent progressivement et s’accentuent au cours des années : maçonneries humides, efflorescenses de sels sur les pierres de taille et les enduits, pourrissement des planchers. Une campagne d’investigation menée en 2008 confirme l’absence d’étanchéité au-dessous de la terrasse. Initiés par la Communauté urbaine de Strasbourg, les travaux de restructuration du barrage Vauban, commencés en octobre 2010, concernent la réfection complète de la terrasse panoramique et son accessibilité aux personnes à mobilité réduite, la restauration du passage intérieur et des façades extérieures. Après la purge des enduits, des prélèvements et analyses ont confirmé l’état de contamination des grès par des sels provenant des anciens mortiers de ciment et des eaux d’infiltration depuis la terrasse, enrichies de nitrates contenus dans les engrais utilisés pour favoriser la pousse des talus engazonnés. L’avis scientifique de M. Mertz du LRMH a été requis sur la justification d’un dessalement et la procédure à suivre, la présence de sels dans les maçonneries n’étant pas compatible avec la mise en œuvre immédiate d’un enduit traditionnel.
Mise au point technique
Un protocole de dessalement par compresses a été mis au point suivant ses préconisations. L’efficacité du procédé est liée à la composition des compresses : leur formulation doit être optimisée en fonction des propriétés des pierres à dessaler (porosité de la compresse compatible avec celle du grès). Plusieurs compositions de compresses ont êté formulées par l’entreprise ECP et caractérisées par M. Mertz. Cinq compresses ont été retenues et testées sur cinq zones afin de permettre une évaluation de leurs efficacités respectives. Chaque type de compresse a êté appliqué successivement trois fois sur la surface test, suivi de prélèvements et dosages chimiques sur deux profondeurs (0-10 et 0-20 mm) pour une
détermination quantitative de l’efficacité de chaque type. Les prélèvements et analyses ont été traités par le laboratoire BPE Ingénierie, sous la supervision de M. Mertz. À la suite de l’exploitation des résultats, le choix s’est porté sur une compresse composée de deux types d’argile (kaolinite et bentonite), de cellulose et d’une charge siliceuse. Après brossage des parements, les compresses ont êté appliquées par projection sur les façades en deux passes successives. Les enduits ont été réalisés à la suite. Le barrage Vauban ouvrira ses portes au public au courant de l’automne prochain.
Christophe BOTTINEAU
ACMH