Le décret du 5 février 1999 1/3

Deux ans après la loi du 28 février 1997, relative à l’instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés, le décret n° 99.78 du 5 février 1999 vient préciser ses conditions d’application1 .

La proposition de loi votée par le Sénat le 21 mai 1996 avait été située dans son contexte par l’excellent article d’André-Hubert Mesnard dans le n°19 d’octobre 1996 de la revue2 ,

La loi finalement votée avait été présentée dans notre n°24 avec le triple souci de saluer le renforcement des pouvoirs de l’architecte des bâtiments de France, de ne pas cacher la complexité des procédures auxquelles on aboutit, de mettre surtout l’accent sur les objectifs qui paraissent légitimes, même s’ils sont de longue haleine3 .

La parution du décret du 5 février 1999 “relatif à la commission régionale du patrimoine et des sites et à l’instruction de certaines autorisations de travaux”, entré en vigueur le 1er mai 1999, faisant suite à la loi votée et analysée dans le n° 24 de La Pierre d’Angle, permet aujourd’hui de revenir sur le déclenchement de l’instruction complémentaire, sur les catégories de travaux touchées par la réforme et sur les modalités pratiques de la saisine du préfet de région ou de l’évocation par le ministre chargé des abords des monuments historiques, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et de l’architecture dans les secteurs sauvegardés.

Qui peut déclencher le complément d’instruction ?

La loi et le décret d’application ont recours, pour indiquer qui peut demander au préfet de région une instruction complémentaire, à l’expression “le maire ou l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation” et substituent, dans les cas qui peuvent convenir, les mots “permis de construire” ou “permis de démolir” ou “permis” tout court au mot “autorisation”.

La formule utilisée est lourde d’hypothèses ayant plus d’intérêt théorique que réel. Cela ne doit pas faire renoncer à la commenter telle qu’elle est. La pratique administrative s’en tiendra de toute façon au besoin vraiment ressenti.

L’alternative précitée peut être analysée en distinguant sa seconde branche, “l’autorité compétente pour…”, de la première, “le maire”.

“L’autorité compétente pour délivrer le permis (ou l’autorisation)”

L’autorité ainsi définie est la même que l’on soit dans un champ de visibilité d’édifice classé ou inscrit ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ; dans le cas d’un secteur sauvegardé, on trouve quelques particularités, qui seront donc exposées ensuite.

En champ de visibilité de monument historique ou en zone de protection du patrimoine (dans laquelle la servitude de l’article 13bis de la loi de 1913 est “suspendue”), l’autorité compétente est celle qui correspond à l’un des cinq cas ci-après :

  • n°1 : le maire au nom de la commune où un plan d’occupation des sols a été approuvé (dès lors que les autorisations ou actes ne relèveraient pas du cas n°5) ;
  • le président de l’établissement public de coopération intercommunale au nom de celui-ci, si cet établissement s’est vu déléguer la compétence de la commune mentionnée au n°1 ci-dessus ;
  • n°2 : un membre du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public en remplacement respectif de l’autorité mentionnée aux n°1 et n°2, au cas où elle pourrait être regardée comme “intéressée” au sens de l’article L 421-2-5 du Code de l’urbanisme ;
  • n°3 : le préfet de département au nom de l’État, lorsqu’il s’agit d’une commune où un plan d’occupation des sols n’a pas été approuvé4
  • le préfet de département au nom de l’État, nonobstant le fait qu’il s’agisse d’une commune où un plan d’occupation des sols a été approuvé, dès lors que les autorisations ou actes concernent des travaux ou ouvrages pour le compte de personnes publiques ou leurs concessionnaires ou liés à l’énergie ou aux opérations d’intérêt national, tels que définis au 4e alinéa de l’article L 421-2-1 du Code de l’urbanisme5 .
    Si l’on examine maintenant le cas des travaux en secteur sauvegardé, les règles définies aux cas n°1 à 3 sont applicables, à une observation près : lorsque, dans le cas n°1, il s’agit d’une commune où le plan d’occupation des sols a été approuvé, mais où le plan de sauvegarde et de mise en valeur n’a pas encore été rendu public, le maire est bien l’autorité compétente pour délivrer le permis, mais il doit recueillir l’avis conforme du préfet de département prévu à l’article L 421-2-2 du Code de l’urbanisme ; la même observation s’applique mutatis mutandis aux cas n°2 et n°3.
  • La règle définie au cas n°4 s’applique aussi pour un secteur sauvegardé, mais elle admet une exception donnant la compétence au maire au nom de l’État lorsqu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur a été rendu public dans la commune (application du 12e de l’article R 421-36, à condition bien sûr que ne jouent pas les autres dispositions énumérées aux 1er à 11e et 13e à 15e),
  • Quant à la règle définie au cas n°5, elle s’applique aussi en secteur sauvegardé.

Le maire en tant que tel

L’autorité compétente pour délivrer le permis ayant été définie ci-dessus, il reste à examiner les cas où le maire interviendrait en vertu d’une compétence résiduelle tenue de la première branche de l’alternative, celle qui le mentionne en tant que tel. Dans la formule “le maire ou l’autorité compétente pour délivrer le permis”, il faut s’interroger sur le point de savoir si celui-là peut intervenir concurremment avec celle-ci lorsqu’il n’est pas celle-ci.

Le décret n°99-78 du 5 février 1999 organise effectivement ce pouvoir propre du maire, alors même qu’il n’est pas investi du pouvoir de délivrer l’autorisation d’urbanisme, de saisir le préfet de région d’une demande d’instruction complémentaire portant sur l’avis exprimé par l’architecte des bâtiments de France. Que l’on soit en zone de protection du patrimoine, en abords de monuments historiques ou en secteur sauvegardé, le décret dispose que “lorsque le maire n’est pas l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation [ou le permis], le préfet de région notifie à cette autorité la demande qui lui est adressée par le maire”6 .

Et quelle que soit l’autorité qui ait présenté une demande, le décret assure une égalité d’information puisqu’il impose que soient notifiées au maire et à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation la position exprimée par le préfet de région ou la décision d’évoquer du ministre ou l’accord exprès de celui-ci. Dans le cas des zones de protection, le décret du 25 avril 1984 était muet, avant sa modification de 1999, sur la procédure d’instruction complémentaire telle qu’elle était instituée par la loi n°83-8 du 7 janvier 1983. C’est seulement la circulaire n°8545 du ler juillet 1985 qui avait précisé que la loi permettait bien au maire, même s’il n’était pas l’autorité délivrant l’autorisation, de saisir le préfet de région. Après avoir abordé, au titre des possibilités d’arbitrage, la procédure de réexamen de l’avis de l’architecte des bâtiments de France et après avoir précisé l’objectif, celui “de ne pas laisser un des partenaires seul juge de l’interprétation qu’il convient de donner à telle ou telle disposition de la zone”7 , la circulaire de 1985 indique que “l’autorité compétente en matière de permis de construire ou le maire, qu’il soit ou non cette autorité compétente, peuvent être chacun à l’origine de désaccords avec l’avis de l’architecte des bâtiments de France”. Cette circulaire se trouve aujourd’hui dûment confirmée sur ce point.

Dans le cas des abords de monuments historiques, on peut noter en revanche que les dispositions nouvelles rompent avec le régime adopté par le décret du 9 mai 1995, qui n’offrait la possibilité de contester l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France sur un permis de construire aux abords d’un édifice classé ou inscrit qu’à la seule autorité compétente pour délivrer ce permis. Pour mieux mesurer la novation, il faut rappeler que ce dispositif antérieur, à peine utilisé, se voulait cohérent avec le souci de ne pas voir le maire s’immiscer dans l’organisation du pouvoir d’État lorsque le permis était délivré au nom de celui-ci, et non pas par le maire au nom de la commune.

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Philippe PRESCHEZ
Centre des hautes études de Chaillot

  1. J.O. du 7 février 1999, p. 2004.
  2. André-Hubert Mesnard, Les pouvoirs et la règle. Quels outils ? Quels appuis ? pour ces défenseurs du patrimoine. La Pierre d’Angle, n°19, octobre 1996, pp. 30-32.
  3. Philippe Preschez, Renfort ou contestation de l’avis de l’architecte des bâtiments de France, La Pierre d’Angle, n°24, décembre 1998, pp. 50-58.
  4. Application, pour une zone de protection ou un abord de monument historique, des dispositions de l’article R 421-36.11e et de l’article R 421-38-8 combinés respectivement avec l’article R 421-38-6. II ou l’article R 421-38-4 et application, pour un secteur sauvegardé, des dispositions de l’article R 421-36.12e, avec l’exception possible que nous indiquons lorsque le plan de sauvegarde est rendu public (en ce cas, maire au nom de l’État, sauf autre motif l’écartant).
  5. Le préfet de département est compétent au nom de l’État dans le cas n°5 :

    a) en vertu des dispositions combinées du 2e alinéa de l’article R 421-33 et des ler et 8e de l’article R 421-36, dans les cas les plus fréquents ;

    b) de façon cumulative, dans les cas mentionnés en a) ci-dessus, et de façon alternative, dans les rares cas du 2e de l’article R 490-3 et de l’article R 4905, en vertu des dispositions combinées du 2e alinéa de l’article R 421-33 soit avec le 11e de l’article R 421-36 (ce 11e se combinant avec l’article R 421-38-8 et l’article R 421-38-G.II, pour une zone de protection du patrimoine, avec l’article R 421-38-8 et l’article R 421-38-4 aux abords d’un monument), soit avec le 12e de l’article R 421-36 (pour un secteur sauvegardé), soit avec les 2e à 7e, & et 10, 13e à 15e de l’article R 421-36.
  6. alinéa 2 de l’article R 313-17-1, alinéa 3 de l’article R 421-38-4, alinéa 3 du II de l’article R 421-38-6, alinéa 2 de l’article R 430-12-1, alinéa 3 de l’article R 430-13, alinéa 2 de l’article R 442-4-8-1, alinéa 2 de l’article 9 du décret 84-304 du 25 avril 1984.
  7. point 1.3.3 de la circulaire n°85-45 du 1er juillet 1985, Recueil n°1345, Protection du patrimoine historique et esthétique de la France, Direction des Journaux officiels, édition décembre 1997, p.203.