L’expansion du territoire du citadin

Atelier 2

Rapporteurs-Animateurs
Paul CECCAGLINI
Villes et Territoires
Brigitte LELIEVRE
SDA 61

L’objet du travail qui avait été donné à l’atelier était “l’expansion du territoire citadin”. Quel contenu peut-on donner à cette notion ? Quelles conséquences peut-on en tirer du point de vue des missions de l’État et du rôle de ses personnels ?

Sur une question aussi vaste, le débat a été, logiquement, foisonnant. Voici, de manière nécessairement synthétique, les principaux points qui en ressortent :

I) Un accord général sur cette notion, même si les contenus qui lui sont donnés peuvent différer. Il ressort néanmoins quelques points forts, ce sont :

  • L’expansion spatiale de l’urbanisation, dont le contenu change de nature. Ce changement peut être sommairement défini comme le passage d’une ville-agglomération à une ville-territoire, le phénomène étant lié à ce qu’on a appelé la “métropolisation”, mais il concerne aussi d’autres “villes”. Cette ville-territoire étant caractérisée par le fait qu’elle s’étend sur une très grande dimension et englobe, dans un même système urbain, l’agglomération centrale, des urbanisations périphériques diffuses, des petites villes et villages proches et de l’espace rural intersticiel.
  • L’expansion de l’espace sur lequel se développent les stratégies d’implantation des acteurs urbains. Ce second phénomène, corollaire du premier, étant rendu possible par la diffusion des moyens de transport individuel et le développement des infrastructures routières, mais aussi favorisé par diverses autres causes, dont notamment l’émiettement des territoires communaux, qui développent chacun leur propre stratégie d’aménagement. Il a été noté que les schémas directeurs jouaient insuffisamment un rôle d’organisation et que, trop souvent, ils ne faisaient qu’entériner une collection de stratégies communales.
  • La fragmentation et la dilution des lieux fréquentés par le citadin pour ses activités (habitat, travail, éducation, culture, sports…) qui conduisent à un rapport à l’espace qui n’est plus un rapport territorial, au sens donné par l’éthologie, mais à un rapport de consommation ; c’est-à-dire l’obtention de services sans que l’on soit impliqué dans la gestion et le devenir de ces lieux. Ce constat vaut pour tous les lieux fréquentés, incluant l’ensemble du territoire national : littoral, montagne, espace rural, autres espaces urbains à valeur touristique, etc… ainsi que des lieux hors du territoire national.
  • Enfin, l’apparition d’une notion “d’espace virtuel du citadin” qui serait constitué par l’ensemble des correspondants avec lesquels on peut entrer en contact et entretenir des relations à l’aide des nouvelles technologies de communication. Cet espace serait structuré par des réseaux, supports de flux d’informations extrêmement évolutifs et volatiles, concernant aussi bien le travail que les loisirs. On serait là dans un autre type d’espace qui n’implique plus un rapport physique à l’espace fondé sur des déplacements, bien qu’il puisse y avoir interférence entre les deux.

II) L’expansion du territoire du citadin ainsi caractérisée entraîne un certain nombre de conséquences qui influeront sur nos pratiques professionnelles. Il s’agit tout d’abord d’un nouveau rapport aux lieux qui nécessite de reconsidérer notamment les notions de patrimoine et celles d’aménagement. Ce nouveau rapport peut être défini dans la mesure où il permet de générer des ressources. Il convient donc que, face à cette évolution de basculement dans la sphère de la consommation de la totalité de l’espace, l’État définisse des politiques et dégage des moyens qui garantissent une utilisation équilibrée du territoire, notamment au regard d’une utilisation à des fins marchandes ou non-marchandes, et qui permettent que les groupes sociaux puissent trouver les moyens de fonder un nouveau rapport identitaire à leurs lieux d’habitat, et plus largement un nouveau rapport à l’espace dans son ensemble.

Les phénomènes qui se traduisent par l’expansion du territoire du citadin mettent notamment en cause le rapport ville/campagne qui fondait jusqu’à maintenant toute problématique du territoire ; aujourd’hui toute problématique territoriale est dominée par le rapport à l’urbain. Il en découle un certain nombre de questions, notamment :

  • Quelles missions pour l’État, acteur de l’aménagement, face à ces nouvelles problématiques territoriales en terme de régulation, d’intervention directe ?
  • Quelle place pour nos professions dans ces missions ? Un des axes d’évolution pourrait être de tenter de sortir de la contradiction protecteur/aménageur par la prise en compte systématique et prioritaire des valeurs patrimoniales dans le cadre d’une politique d’aménagement privilégiant les objectifs de “développement durable” dont l’Etat serait le garant.

Dans cette optique il conviendrait notamment :

  • d’encourager le renouvellement de la pensée urbaine, des connaissances sur la ville et une incitation à la qualité de l’aménagement,
  • de maintenir un échelon de l’État (département, pays…) proche des réalités locales et clairement identifiable par le public,
  • de développer une politique pour l’évolution des territoires et de leurs paysages situés hors des grandes dynamiques urbaines.
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