Cet article vise à définir l’importance des lieux de culte dans le contexte historique anglais et à voir à qui incombe la responsabilité de leur gestion et de leur entretien. Il porte sur les sources de financement et les approches créatives pour conférer aux bâtiments historiques un nouvel usage.
Les lieux de culte historiques remis dans leur contexte sont une composante majeure de tout paysage anglais. Où que le regard se porte, l’on voit des tours, des flèches. Même dans les petites villes et les villages, il peut y avoir plusieurs bâtiments religieux, d’époques et de styles différents, qui sont autant d’indices révélant les changements théologiques et politiques, l’augmentation de la richesse agricole où industrielle locale jusqu’à la rivalité des propriétaires fonciers locaux ou des propriétaires d’usines. Ils témoignent des phases d’immigration et d’exode, de peste ou de prospérité. Plus de la moitié des églises paroissiales de l’Église d’Angleterre sont laissées ouvertes tout au long de la journée afin que tout le monde puisse profiter de ces trésors nationaux.
En Angleterre, la législation classe les bâtiments historiques en trois catégories : Grade I, Grade II et Grade II. Les monuments historiques d’un intérêt exceptionnel, voire d’importance internationale sont classés Grade I et ne représentent que 2,5 % seulement des bâtiments classés. Au Grade II, on trouve les bâtiments particulièrement importants ou présentant un intérêt spécial (5,5 % des désignations). Le Grade II regroupe tous les monuments reconnus d’importance ou d’intérêt national : il représente 92 % des bâtiments classés. Sur trois cent soixante-quatorze mille quatre-vingt un bâtiments classés en Angleterre, environ quatorze mille cinq cents sont des lieux de culte, ce qui correspond aussi à peu près à la moitié des bâtiments identifiés au Grade I.
De la responsabilité de la gestion et de l’entretien
Aucun de ces quatorze mille cinq cents lieux de culte actifs n’est financé par le gouvernement central, les collectivités locales1 où par les grands organismes confessionnels ; la responsabilité de la réparation et l’entretien de chacun relèvent entièrement de la congrégation qui l’utilise. La grande majorité de ces congrégations est chrétienne (environ douze mille deux cents de l’Église d’Angleterre, près de deux mille de l’Église catholique romaine ou protestante ; le reste est composé de synagogues, de mosquées, de temples sikhs ou de temples utilisés par des congrégations chrétiennes indépendantes où d’autres groupes confessionnels).
Avec la prise en charge de ces églises par les congrégations chrétiennes traditionnelles, cette responsabilité repose sur les épaules d’une population vieillissante et toujours moins nombreuse. En 2009, 86 % de la population était entrée dans une église, que ce soit pour le culte, la recherche de quiétude ou toute autre activité, mais l’utilisation des églises paroissiales pour les cérémonies diminue. En 2004, quatre cent quatorze mille neuf cent dix baptêmes, mariages et funérailles ont été célébrés dans une église. En 2010, ce chiffre était tombé à trois cent soixante-trois mille neuf cent quatre-vingt.
Depuis des générations, les communautés locales ont pris soin de leurs lieux de culte. Ils ont été utilisés non seulement pour le culte mais aussi comme lieu de rencontre et de rassemblements laïcs. Ils ont ainsi pu, selon les périodes de l’histoire, abriter la caserne de pompiers du village, l’école ou accueillir les réunions publiques. Tout cela le plus souvent à la charge des fidèles qui pratiquent rarement, voire pas du tout, mais qui sont sensibles à l’aspect architectural, historique, social et esthétique de ces bâtiments et dont la contribution est de plus en plus essentielle. Aimés, entretenus et fréquentés, tous ces bâtiments ont de meilleures chances de survie, mais, dans un contexte de dépeuplement des zones rurales et de bouleversement démographique, les défis sont évidents. Le recensement de 2011 illustre l’évolution de l’appartenance religieuse en Angleterre et au pays de Galles. Le plus frappant est l’augmentation du nombre de personnes se déclarant sans religion (quatorze millions contre six millions trois cent mille en 2001). Le nombre de ceux qui s’identifient comme chrétiens a chuté de 12 %, tandis que tous les autres groupes recensés ont, pour leur part, enregistré une hausse des fidèles. Les chiffres de 2011 montrent également le profil d’âge des différents groupes. Parmi les plus de 65 ans, 22 % se disent chrétiens, ce qui contraste avec les 5,6 % de personnes qui se disent sans religion et les 3,9 % de musulmans. À l’autre extrémité de la tranche d’âge, on trouve 25 % de chrétiens, 39 % de personnes sans religion ; et 48 % des musulmans sont âgés de moins de 25 ans.
La tendance générale que ces chiffres suggèrent est claire. Les chrétiens sont une part décroissante et vieillissante de la population tandis que les autres groupes religieux se multiplient et sont proportionnellement beaucoup plus jeunes. En outre, le nombre de personnes sans aucune religion est de plus en plus élevé. Ces tendances ont forcément des répercussions sur la construction, la fermeture et l’adaptation des bâtiments religieux. Elles influencent à leur tour les ressources et les priorités des responsables de leur entretien et de leur financement.
Sources de financement
Le financement des lieux de culte historiques provient essentiellement des congrégations, et est alimenté par les dons et les collectes de fonds. Le calendrier annuel de toute congrégation comprendra donc des fêtes et des ventes de café, de la varappe sponsorisée du haut d’un clocher, des balades à vélo et toute une myriade d’événements sociaux comme des soupers ou des concerts caritatifs. Le financement repose parfois sur le dévouement et le don des membres de la congrégation. Selon les cas, les membres prendront des emplois à temps partiel et feront don de leur salaire mais il se peut qu’une dîme soit directement perçue. La nécessité de recueillir des fonds soulève souvent une véritable angoisse théologique : comment une congrégation peut-elle justifier des dépenses pour l’entretien d’un vieux bâtiment alors que son but principal est de propager la foi, et non de gérer un site historique où de créer une salle de concert ? L’English Heritage, organisme consultatif du gouvernement sur le patrimoine historique, a entrepris des recherches en 2003 pour tenter d’établir le coût des réparations et avait estimé que plus de cent un millions de livres étaient dépensés chaque année pour les lieux de culte historiques. De ce montant, 60 % avait été collecté par les congrégations ; le reste provenant de subventions extérieures. Ces chiffres ont besoin maintenant d’être réactualisés, surtout depuis la parution du registre de l’Heritage at Risk en 2014, qui a déclaré que 6 % des lieux de culte répertoriés risquent de perdre leur caractère historique si des réparations urgentes et primordiales de maçonnerie, de toiture, d’évacuation des eaux ou de correction de défauts structurels ne sont pas effectuées dans les deux années à venir.
Le financement des lieux de culte peut aussi provenir de petits organismes de bienfaisance locaux ou d’organismes nationaux tels que le National Churches Trust, l’Heritage Lottery Fund et les Listed Places of Worship Scheme. Ce dernier, financé par le gouvernement, prévoit le remboursement de la TVA à 20 % sur le coût des réparations où des transformations. Quarante-deux millions de livres par an sont ainsi distribués par le Trésor de Sa Majesté mais les congrégations doivent d’abord fournir la preuve qu’elles ont déjà dépensé l’argent, y compris la TVA, avant de pouvoir prétendre au remboursement. L’Heritage Lottery Fund a, chaque année, un budget de vingt-cinq millions de livres, mais la demande est telle que seulement la moitié des candidats décrochent une aide à leur première tentative. En plus des subventions pour les réparations et les travaux d’aménagement mineurs, les congrégations peuvent espérer deux cent cinquante mille livres quand leur projet entraîne des transformations importantes permettant des utilisations non liées au culte.
Stratégies créatives pour la sauvegarde des bâtiments historiques
L’attitude à l’égard des lieux de culte a changé de façon spectaculaire au cours des dix dernières années. Autrefois, on pensait qu’un bâtiment qui n’était plus ouvert au culte devenait de fait obsolète. Aujourd’hui, on s’attache davantage à la continuité de l’utilisation et à la fluidité de la fonction d’un bâtiment, et émerge l’idée que l’on puisse y combiner une multitude d’autres activités.
Les groupes religieux non chrétiens imaginent des bâtiments intégrant des espaces cultuels, sociaux, éducatifs et communautaires, utilisés quotidiennement et fournissant un vrai foyer pour un large éventail de la population locale. Alors que de nombreuses congrégations protestantes n’ouvrent leurs bâtiments que pour le culte, d’autres développent en parallèle un partenariat avec des groupes marginaux qui ont besoin d’un réfectoire, d’une banque alimentaire ou d’installations sanitaires. De par leur conception, ces locaux peuvent accueillir ce genre de services sociaux, que ce soit les anciennes salles de classe ou le presbytère, sinon l’église elle-même. De même, de nombreuses églises catholiques, réservées
au culte et à la prière, ont à proximité une école dominicale et un presbytère qui peuvent offrir les équipements nécessaires. Il y a de fréquentes collaborations avec les organismes laïcs ou de bienfaisance et l’Administration. Cela signifie non seulement que la congrégation assure sa mission en étendant son réseau à une collectivité plus large mais également qu’elle décroche au passage de nouvelles sources de revenus.
L’Église d’Angleterre a défendu une approche multiusage des bâtiments historiques avec son programme « Open and Sustainable » afin d’en encourager une « utilisation plus large, plus imaginative et plus stratégique ». Dans de nombreux cas, cela concerne l’espace sacré lui-même. Des cafés côtoient des salles de jeux pour enfants, des bureaux de poste et des commerces de proximité, le tout au sein même de l’église. Parallèlement au culte quotidien, on peut visiter la bibliothèque locale aménagée dans la tour ou retirer son journal sous le porche de l’église. Il arrive même que la nef accueille les tribunes des candidats lors des élections ou que des marchés de producteurs s’installent entre les bancs du XIXe siècle.
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Traduction basée sur un article de Diana EVANS,
conseillère en chef des lieux de culte pour l’English Heritage, responsable de la stratégie nationale, avec l’aide d’Isabel Assaly, de Yves Nicolas du CCT et de Peter Biggers
- Depuis 1894, la loi ne permet plus aux conseils paroissiaux locaux d’apporter leur soutien aux églises, quelle que soit leur confession. ↩