Édito

Les nombreux lieux de culte qui couvrent et ponctuent le territoire national sont de plus en plus désertés. Le phénomène n’est pas récent mais s’amplifie. Cette situation, qui concerne essentiellement des églises, entraîne pour les propriétaires la recherche de nouveaux usages et parfois de nouveaux propriétaires. Pourquoi “recyclage” ? Certes, le terme interpelle mais il n’y aucune provocation, juste un accent piquant appliqué à un sujet dont les enjeux dépassent le simple exercice de réemploi du bâti. Ce sujet touche effectivement aux fondements de notre culture, profondément ancrée dans le sacré et le territoire. Les églises cristallisent ce double attachement, lieu de la religion mais aussi centre ou étendard du village. Cependant, la question nous rattrape et la confrontation d’une réalité (la désertification des églises) avec un principe d’actualité (le développement durable) et un contexte économique difficile amplife et accélère un phénomène qui a toujours existé, même s’il est longtemps resté marginal. La dimension symbolique qui entoure le principe de réutilisation des églises pour un nouvel usage est puissante et a des conséquences sur l’attitude que nous avons face à cette situation. Une nouvelle affectation implique des transformations et la transgression du sacré au profit du profane est difficile. Cela se traduit par une grande frilosité quant aux réalisations que l’on peut observer tandis que la question fait l’objet d’un nombre considérable d’études et de constats sur la déshérence. Force est de constater que, lorsqu’il a fallu trouver des exemples originaux et de qualité, l’attitude de nos voisins européens et québécois est apparue plus avancée. Les programmes de reconversion des lieux de culte sur notre territoire se limitent, le plus souvent, à des transformations en espaces culturels où publics qui nécessitent peu de modifications sur les parties extérieures et qui conservent un usage public. Bien sûr, parmi les différents lieux de culte il n’y a pas que des églises mais le poids de l’histoire a largement favorisé celles-ci par rapport aux temples, synagogues et mosquées et aucun corpus ne peut rivaliser avec les quarante mille clochers de notre territoire. Citons, au hasard, la ville de Paimpol, ses vingt clochers et ses quarante chapelles. Il existe cependant dans nos régions suffisamment de belles tentatives à observer pour nourrir le débat. Gageons que la maturation de cet enjeu permettra, en cas de transformation, de maintenir les églises dont l’affectation devra évoluer pour qu’elles deviennent un élément majeur des paysages urbains et de notre patrimoine.

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