Chapelles de montagne du Briançonnais

Le Briançonnais est réputé pour son patrimoine religieux, surabondant et orné de peintures exceptionnelles.

Les vallées qui forment une étoile autour de Briançon (Hautes-Alpes) sont caractérisées par un habitat dispersé, réparti à tous les étages de la montagne en de multiples hameaux dont les maisons sont groupées autour d’une chapelle. Dans la vallée de la Clarée, la commune de Névache (trois cent cinquante habitants) compte deux églises paroissiales et vingt-huit chapelles. Chaque hameau possède la sienne et certaines fermes isolées disposent d’une chapelle privée adossée aux bâtiments agricoles. D’autres chapelles, en altitude, ont une fonction exclusivement votive et sont le but de processions annuelles : construite au XVIIe siècle au sommet du mont Thabor (3 182 mètres d’altitude), Notre-Dame des Sept-Douleurs accueille ainsi chaque année une procession pour la fête de la Transfñguration (6 août). Au pied du col du Lautaret (2 058 mètres), dans la vallée de la Guisane, la commune du Monêtier-les-Bains (mille habitants) est dans une situation comparable avec cinq églises et vingt-sept chapelles, en majorité communales. La commune de Saint-Martin-de-Queyrières (mille habitants), en Haute-Durance, possède quant à elle deux églises et dix-huit chapelles, dont certaines sont ornées de peintures murales des XVe et XVIe siècles qui ont justifié plusieurs protections au titre des monuments historiques. Dans toutes ces vallées, les chapelles de confréries, notamment de pénitents, sont également très nombreuses et possèdent un mobilier abondant.

Deux cents chapelles de montagne

On compte ainsi dans les dix-huit communes du Briançonnais (cantons de Briançon, Le Monétier-les-Bains, L’Argentière-la-Bessée) une trentaine d’églises paroissiales, pas moins de deux cents chapelles et un grand nombre d’oratoires et de calvaires. Cette densité s’explique par l’utilisation saisonnière du territoire qui a conduit les habitants à reproduire en alpage, pour l’été, l’organisation des fonds de vallées, démultipliant l’habitat mais aussi les lieux de culte. La répartition des édifices religieux à tous les étages de la montagne est donc le reflet des usages agro-pastoraux. Si les chapelles d’altitude restent affectées au culte, l’office n’y est, au mieux, célébré qu’une fois l’an, lors de la fête votive du saint patron. Ces fêtes mobilisent les foules (habitants et touristes) et motivent souvent les travaux de réfection réalisés par les bénévoles. En raison de conditions climatiques extrêmes, l’entretien régulier du clos et du couvert des bâtiments est crucial. Chaque hiver apporte son lot de dégâts. Au printemps, la fonte des neiges et le ruissellement constituent une nouvelle épreuve. Dans les bourgs, le passage des engins de déneigement, la stagnation de glace, de neige ou de sel peuvent être tout autant destructeurs. Ils sont particulièrement dommageables à la conservation des décors peints et des objets mobiliers, très fragiles. Pour les communes de montagne, l’entretien de l’ensemble de ce patrimoine est un tonneau des Danaïdes : mais les enjeux sont forts (identité montagnarde, attractivité touristique) et le défi est relevé chaque année.

L’entretien du bâti : une charge à partage

Traditionnellement, les alpages, fours, lavoirs et autres chapelles appartenaient aux communautés d’habitants qui en assuraient l’entretien. L’exode rural a vidé les hameaux et les biens des communautés (les “communaux”) sont devenus la propriété des communes. Au Monêtier, les chapelles d’altitude sont toujours entretenues par les alpagistes, en saison. Plus bas, à Saint-Chaffrey, des associations de sauvegarde du patrimoine ont pris le relais, avec l’aide matérielle de la commune. Ces initiatives garantissent la pérennité du bâti. D’autres communes, telles Névache, Val-des-Prés, ou Cervières, ont engagé dans les années 2000 des programmes pluriannuels de restauration. Au volontarisme des débuts a toutefois succédé un certain essoufflement, des hommes mais aussi des finances communales. La formule qui fait exclusivement reposer sur l’action communale l’entretien de ce patrimoine n’est sans doute pas à privilégier. Au contraire, les initiatives locales (associatives, chantiers de bénévoles), épaulées par les collectivités (commune, intercommunalité, conseils général et régional), les services de l’État et la Fondation du patrimoine donnent de bons résultats dans la durée et doivent être encouragées.

Philippe GRANDVOINNET
ABF, chef du STAP des Hautes-Alpes

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