Enjeux de l’entretien des lieux de culte en Angleterre 2/2

Les lieux de culte historiques en Angleterre doivent faire face à d’énormes défis démographiques, financiers et sociaux, mais, en dépit de leur importance et de leur ancienneté, ils sont utilisés de façon innovante grâce à la passion et à la vision des bénévoles locaux responsables de leur entretien.

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Le financement public ne va pas augmenter. Le mécénat s’avère vital ainsi que l’autofinancement des bâtiments ; il est aussi essentiel que les personnes non pratiquantes s’approprient ces trésors nationaux. L’English Heritage travaille avec tous ceux qui s’occupent des lieux de culte historiques afin de s’assurer qu’ils respectent nos ancêtres, répondent aux besoins contemporains et laissent un héritage vivant à nos enfants.

Des centaines d’exemples pourraient être cités, mais les trois cas d’espèce suivants démontrent l’efficacité d’un partenariat entre patrimoine, santé et bienfaisance.

Tout cela sans remettre en cause la vocation cultuelle des lieux. Cela conduit parfois à des télescopages : une classe d’enfants bavardant joyeusement pendant l’office ou une conférence de la société d’histoire locale quand un groupe de prière est recueilli dans le chœur. L’Église d’Angleterre, ses congrégations et les différentes communautés ont appris à vivre avec ces tensions afin de rendre leurs bâtiments plus vivants, en phase avec leur temps. Ce n’est certainement pas le cas dans toutes les églises et beaucoup fournissent encore des havres de paix aux visiteurs mais cette approche créative et tournée vers l’extérieur a le mérite de maintenir les bâtiments historiques non seulement dans leur usage, mais aussi dans la vie des gens.

Cette même créativité se poursuit dans les endroits où le culte ne pouvait plus être assuré. Une large gamme de nouvelles utilisations possibles est toujours recherchée, comme indiqué dans la publication de l’English Heritage : New Uses for Former Places of Worship. La meilleure option est de trouver une utilisation communautaire qui continuera de permettre l’accès du public, peut-être en collaboration avec la propriété privée, comme une galerie ou des bureaux, mais ce n’est pas toujours possible. Certains bâtiments devront subir des aménagements radicaux s’ils veulent survivre et une subdivision intérieure est parfois inévitable pour un usage commercial ou résidentiel. L’église Gateshead St Cuthbert a êté transformée en 2012 en bureaux, ateliers et musée, ce qui a nécessité l’insertion d’escaliers, de planchers et de fenêtres sur les toits. Même lorsque les espaces sont laissés en grande partie intacts, le goût et la pertinence de l’aménagement soulèvent des questions. Un restaurant dans une ancienne église catholique de Liverpool a, par exemple, suscité des inquiétudes de par l’insertion de mezzanines, mais aussi parce que la chapelle de la Vierge était demeurée en grande partie intacte, avec ses statues. De même, l’insertion d’un four à pizza dans le sanctuaire d’une ancienne église à Derby, qui a pu heurter certains convives… Ces interventions drastiques sont encore rares dans les bâtiments de Grades I et II*, mais ce genre de propositions radicales concernent potentiellement tous les bâtiments devenus inutiles au culte.

D’anciens lieux de culte d’importance exceptionnelle, classés I ou I, ont tout particulièrement besoin d’être protégés de ces changements majeurs. Pour les églises dépendant de l’Église Angleterre, la décision revient au Churches Conservation Trust. Si elles dépendent d’autres confessions chrétiennes, les interventions doivent être alors approuvées par la Historic Chapels Trust ou les Friends of Friendiess Churches*. Le CCT est financé en partie par le gouvernement et en partie par l’Église d’Angleterre et prend soin de trois cent quarante-cinq bâtiments. Le HCT et FoFC sont des organismes de bienfaisance et veillent quant à eux sur une soixantaine de bâtiments.

Ces organismes offrent une approche novatrice de la conservation des bâtiments historiques. Ce sont de tous petits organismes qui dépendent des bénévoles pour offrir un haut niveau d’entretien et accueillir les visiteurs, recueillir des fonds et explorer les moyens de poursuivre un culte limité, entre autres événements, que leurs bâtiments soient dans des zones rurales reculées ou en centre-ville.


Études de cas

All Saints Benington, diocèse de Lincoln

All Saints (Grade II) est un élément important du patrimoine bâti national, mais déclaré en mauvais état et “à risque” par l’English Heritage*.

La population de Benington (520 hab.) vieillit et diminue. 24 % sont des personnes âgées et 35 % sont des travailleurs agricoles aux emplois faiblement rémunérés. Ils disposent de quelques crèches et d’installations de soutien ou d’activités préscolaires mais manquent de services locaux, tels un bureau de poste, des services médicaux, un supermarché, une pharmacie et une bibliothèque. Lorsque l’église a fermé en 2003, beaucoup ont estimé que le cœur de la communauté avait été détruit.

Depuis 2009, le département Régénération du CCT soutient le Benington Community Heritage Trust (organisme de bienfaisance et de préservation architecturale) en lui confiant la responsabilité de All Saints, dans le but de la rénover et de la placer au centre d’un nouveau projet social. Ce projet fait partie de l’engagement du CCT qui vise à encourager les communautés locales à explorer de nouvelles façons de conserver l’usage et l’ouverture de leurs églises historiques paroissiales, et à en assurer l’avenir. Les immeubles du CCT restent donc consacrés au culte et des cérémonies religieuses s’y déroulent plusieurs fois par an, mais ils n’ont aucune responsabilité pastorale. Les trois premières années, l’équipe de travail d’English Heritage a aidé à financer un officier de soutien pour qu’il travaille avec l’équipe du CCT. Ce poste s’est avéré si efficace que les fiduciaires du CCT ont maintenant pris entière responsabilité de son financement sur une base permanente.

Le CCT a aidé le Fonds local à entreprendre une vaste consultation auprès de la communauté locale afin d’identifier les besoins urgents que l’église pourrait connaître. Le plan qui en résulte est de fournir un certain nombre de services de soutien et des possibilités d’éducation, pour aider à combattre le déclin rural et l’isolement individuel, encourager une main-d’œuvre locale plus fiable et compétente, dynamiser les communautés et inciter les populations locales à prendre le contrôle de leur propre avenir.

Le partenariat et le soutien entre le diocèse, la communauté, le CCT, l’English Heritage et les bailleurs de fonds ont été la clé de la réussite de ce projet. En 2013, la fiducie a obtenu une subvention de développement de l’HLF et le CCT est en train de développer une nouvelle tentative auprès de l’HLF pour un million six cent mille livres. Le coût total du projet à heure actuelle est de deux millions de livres.

St Michael et All Angels, Witton Glibert, diocèse de Durham

L’église Witton Gilbert est une petite église de village comptant vingt fidèles. L’église a des origines saxonnes encore bien visibles dans la forme simple de la nef et du chœur, même si la nef latérale et la sacristie ont été ajoutées au XIXe siècle. L’église est située en bordure du village, dans un beau site boisé qui surplombe une vallée tranquille. L’English Heritage, en collaboration avec le diocèse de Durham, a financé une aide aux églises vulnérables, fournissant à la petite communauté expertise et encouragement. La nécessité de réparations, associée au désir de servir quotidiennement la communauté, a inspiré le réaménagement de l’église en un centre de santé et de bien-être, afin de répondre à un réel besoin, dans une approche alternative permettant de faire face aux pressions de la vie moderne. Le projet a été appelé Breathing Space. L’agent de soutien a aidé la congrégation à entreprendre les transformations nécessaires pour que l’église puisse être convertie en un centre polyvalent sans endommager le cœur profondément spirituel et paisible de l’immeuble. Il l’a aidée à désigner un architecte et à obtenir une subvention allouée par la Heritage Lottery Fund (Grant for Places of Worship) pour permettre, entre autres, une réfection du toit principal de l’église. En outre, une extension de la véranda a été créée pour fournir un WC, un bureau et des aires de stockage tandis que la sacristie a été transformée en cuisine. Les bancs de la nef latérale, quant à eux, ont été enlevés pour créer un nouvel espace de réunion. En 2013, plus de quatre cents personnes sont venues sur place assister aux diverses activités proposées (conférences, jeux de piste, concerts…). La congrégation est ravie et remotivée par l’œuvre accomplie, autant que l’English Heritage et le diocèse qui se réjouissent de ce partenariat ayant permis de se maintenir et d’améliorer la qualité de vie des gens.

St Mary at the Quay, Ipswich, Suffolk

St Mary at the Quay (Grade II*), construite entre 1450 et 1550, est l’une des douze églises médiévales d’Ipswich : elle est située sur les docks qui ont apporté la prospérité à la ville, comme en témoigne la décoration de haute qualité et la sculpture du toit à double poutre marteau. Depuis 2003, les quais et les entrepôts ont été réaménagés en logements et autres usages, mais l’église a été fermée au culte. Le CCT en est aujourd’hui le dépositaire.

La CCT tient à ce que toutes les églises dont elle s’occupe soient en bon état et suscitent l’intérêt du public, mais un bâtiment de cette importance est un défi majeur qui requiert des approches imaginatives et de nouveaux partenariats. Suffolk Mind, un organisme de bienfaisance qui fournit des services essentiels pour un large éventail de besoins en matière de santé mentale, a voulu trouver un espace modulable pour travailler dans la région.
Ensemble, les deux organisations ont élaboré une proposition visant à convertir le bâtiment en un centre pour le patrimoine, le bien-être et la santé mentale positive. Conversion plus que nécessaire. Le projet permettra de restaurer un bâtiment ancien, de façon sûre et durable, tout en le valorisant et en lui donnant de nouveaux objectifs.

La réparation et la conservation, travaux urgents, ont commencé et une extension doit être construite pour accueillir les thérapies alternatives, des performances et des espaces commerciaux. Le site ouvrira en 2015 à la fin d’un projet de régénération de cinq millions de livres.

Traduction basée sur un article de Diana EVANS,
conseillère en chef des lieux de culte pour l’English Heritage, responsable de la stratégie nationale, avec l’aide d’Isabel Assaly, de Yves Nicolas du CCT et de Peter Biggers.

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