La commune de Bonneuil-sur-Marne s’étend à cheval sur les dernières pentes du mont Mesly et de l’ancienne plaine de la Seine, sur le coteau Sud-Est de la Marne. Son histoire est liée à l’ancien fief du mont Mesly et à la présence de l’eau, qui attire, surtout vers la fin du XIXe siècle, les Parisiens en quête de promenade, de chasse, de pêche ou de baignade.
Sur les pentes douces de la boucle sud de la Marne, à l’intérieur d’un vaste domaine planté en bordure du village, a été construit, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le château de Rancy, avec sa ferme et son colombier (monuments historiques). Avant l’implantation des industries du port de Bonneuil, le château avait une vue dégagée au nord vers la Marne, le Morbras et la presqu’île de Saint-Maur, formée géographiquement par la grande boucle de la rivière. L’extension du chemin de fer de Vincennes permet une forte croissance démographique et, à partir du début du XXe siècle, l’installation des premières industries et l’agrandissement du port amènent une population ouvrière.
Un site naturel
Le port de Bonneuil, deuxième après Gennevilliers dans l’activité du Port autonome de Paris, se présente sur cent soixante-dix hectares, comme une plateforme multimodale dont l’importance économique dépasse l’intérêt du seul département du Val-de-Marne. La principale activité du port autonome de Bonneuil est consacrée aux activités du BTP, ce qui lui imprime une physionomie particulière dans la perception du site dans le paysage (silos, entrepôts, zones de stockage de matériaux de constructions, etc…) ; ces contraintes, inhérentes à l’activité portuaire, ne constituent, malheureusement pas, l’environnement ou l’écrin idéal pour la mise en valeur des monuments historiques proches, ni des sites pittoresques existants dans la zone : le Bras du Chapitre et le Bec de Canard (protégés par la loi du 2 mai 1930).
Néanmoins, le port de Bonneuil a trouvé son meilleur emplacement économique justement sur ce site, entre la Marne au Nord et l’ancien bras du Morbras au sud, dans une zone inondable et non habitée, desservie par la seule partie navigable de la boucle Sud de la rivière, agrandie par la création au début du XXe siècle des deux darses.
La RD 30, voie de liaison entre les communes de Bonneuil-sur-Marne et Saint-Maur, constitue l’épine dorsale nord-sud du site portuaire sur laquelle sont attachées des voies transversales parallèles à la Marne et aux darses.
Ce site exceptionnel, dans l’environnement naturel des berges de la Marne, enclave industrielle dans un tissu urbain des années 60 sans aucun plan directeur d’urbanisme, constitue un enjeu majeur aussi bien pour la commune de Bonneuil, que pour le département du Val-de-Marne et la région Île-de-France. Il a aidé à développer l’habitat depuis un siècle ; il constitue un lieu de travail de proximité, une source de revenus mais aussi, par la présence de l’eau, un lieu de détente.
L’organisation interne du port de Bonneuil est dictée par le tracé des darses, par le rayonnement des courbes des voies ferrées existant sur le site et par la volonté d’assurer aux utilisateurs le plus étroit contact avec l’eau, élément fédérateur de toutes les activités.
Ces conditions ont entraîné une implantation au sol en épi de l’ensemble des volumes (entrepôts, stockage, clôtures…) sur les huit plateaux mis à la disposition des industriels, par l’administration du port. Les concessionnaires érigent ainsi leurs entrepôts ou leurs aires de stockage en fonction d’une rentabilité économique qui n’est pas toujours compatible avec la prise en compte du paysage de bords de l’eau de la Marne.
La mise en place d’un plan directeur permettra d’avoir la meilleure perception du fort impact industriel constitué par le port de Bonneuil aux abords de plusieurs monuments historiques et de lui assurer une meilleure cohérence dans la lisibilité urbaine et paysagère de l’ensemble de la vallée.
Les responsables du Port autonome de Paris et du port de Bonneuil ont déjà présenté au Service départemental de l’architecture et du patrimoine du Val-de-Marne, en 1996, des maquettes et des plans d’intention préparatoires pour ce plan directeur général sur l’ensemble du port.
Celui-ci se doit d’exprimer et de mettre en valeur les grands axes qui traversent le site et qui marquent, en même temps, l’histoire urbanistique des villes bordant la rivière autour du port. Un des volets de ce plan directeur doit imposer, sur la base d’un cahier de charges précis, à chaque utilisateur existant ou à venir sur le site, des plantations, des clôtures de qualité (similaires à celles déjà exécutées à l’entrée du port) un éclairage et un mobilier urbain spécifique à cette activité, ainsi que des circulations douces.
L’axe principal nord-sud, prolongement naturel de la route la plus ancienne de Bonneuil-sur-Marne à Saint-Maur, doit apparaître comme une voie historique, plantée d’arbres de haute tige à l’alignement et revêtir la forme d’un mail urbain.
Les axes transversaux articulés sur l’axe nord-sud, par des ronds-points “travaillés” devraient être marqués par des plantations d’arbres de moindre hauteur.
Les espaces résiduels et surtout les “musoirs” -les pointes des confluences entre la Marne et les darses- en face du site pittoresque du Bras de Chapitre de Créteil, feront l’objet d’études paysagères particulières.
Le développement du port de Bonneuil, sur la base de son Plan directeur d’aménagement, doit être poursuivi et mis en œuvre en collaboration avec tous les intervenants sur le site : Port autonome de Paris, communes limitrophes, Conseil général, organismes de l’État (DDE, SDAP, DIREN, Agence pour les espaces verts, Agence de l’eau, etc…).
Cet effort général d’insertion, tenant compte des paysages urbains voisins (Saint-Maur, Créteil, Sucy-en-Brie) par la création d’éléments ordonnateurs de l’espace (clôtures, plantations, mobilier urbain…) va compenser les inévitables incohérences des installations portuaires ; ils pourront apparaître comme des points forts, dans l’économie du port. Et d’autre part, la prise en considération des aspects sociaux et culturels devrait favoriser l’appropriation par les habitants de cet espace industriel.
Le port de de Bonneuil influe sur les communes avoisinantes par son impact visuel dans le site, par sa géographie et par sa vocation industrielle ; il introduit une dynamique sociale et culturelle dans les zones d’activités de proximité. Bonneuil-sur-Marne reste attachée à “l’idéologie” du travail et la présence d’une zone, où la pluralité des activités s’affirme avec une telle présence dans l’espace, apporte aux habitants, aussi bien un lieu de travail qu’un lieu de loisirs (pêche, aviron, sports nautiques, promenades…). La Marne, voie de communication, paysage naturel et cadre de vie joue donc un rôle fédérateur au sein du port.
Olga BAZU
Architecte des bâtiments de France