Bâtiment d’élingage

Venant du mot “élingue” (câble entourant un objet à transporter),le bâtiment d’élingage
contient la réception des sacs de farine et leur chargement en péniches.

Le contexte à l’origine du projet

Installés depuis les années 20 sur le port de Corbeil, les Grands Moulins présentent une architecture régionaliste massive, d’où émerge la silhouette de la tour élévatrice, protégée au titre des Monuments historiques. En 1996, le SDAP de l’Essonne utilise l’action partenariale de ses “ateliers d’architecture”, pour inviter le maître d’ouvrage à lancer un concours afin de faire évoluer une architecture habituellement dévolue aux seuls bureaux d’étude pour ce type de programme (conduisant invariablement à une boite en bardage métallique).

Organisé et aidé par le Port autonome de Paris, le concours permet de retenir la proposition de Pierre Colboc qui aura pour maître d’ouvrage la Société Française de Meunerie (concernant le bâtiment) et le PAP pour les fondations sur pieux.

Terminé en 1998, le projet est ainsi commenté par son architecte.

Une main tendue entre grands moulins (années 20) et péniches

Les bords de Seine, côté centre ville de Corbeil, sont caractérisés par deux faits qui marquent le paysage :

  • de grands contenants offrant des verticales échelonnées le long de l’eau : l’hôtel de ville avec son clocheton et les Grands Moulins avec leur tour et leurs silos ;
  • une rive basse, un peu meurtrie par une voie routière encombrée de poids lourds, qui longe l’eau, pratique, sans la regarder.

Entre ce paysage urbain et l’eau : rien, sinon un engin étrange qui pompe le grain en vrac arrivant par péniches, pour le propulser, sous terre, vers les moulins.

Le problème posé par le bâtiment d’élingage était d’envelopper d’une protection efficace (pluie, poussière de farine, confort des travailleurs présents jour et nuit) des actions simples (arrivée des sacs de farine par passerelle, dispatching vers des palettes, chargement sur les péniches). Il a été proposé de traiter ce contenant en un seul geste, symbolisant la relation entre la terre (les moulins) et l’eau (les péniches). Une vaste courbe, perçue de loin assure la liaison permanente, sur le port, entre ces deux éléments.

À partir de cette idée simple de la couverture, le capotage du process industriel s’est organisé ainsi :

  • le mouvement du pont roulant, qui balaie l’ensemble des manutentions avant de revenir à sa position initiale, en porte à faux au-dessus de grandes péniches, est révélé par la transparence des flancs de la charpente métallique.
  • les lieux de travail du personnel sont protégés par le bardage en bois, qui délimite deux niveaux, en bas, les locaux techniques de plain-pied avec le quai, en haut, le chargement.

L’empilement des trois volumes, avançant en encorbellement au-dessus de la Seine, est rendu plus aérien par l’évidement entre les piles de fondation, qui guide les péniches (petit modèle entre les piles, grand modèle sous le porte à faux).

Cette décomposition des volumes, leur glissement depuis les moulins vers la Seine, se veut l’expression d’un travail de transfert (des sacs vers les péniches), qui tourne 24h/24 et dont l’éclairage nocturne offre l’image d’un phare en bord de Seine. Cette activité constitue le seul point de veille dans Corbeil endormie.

Pierre COLBOC
Architecte

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