Gennevilliers, un port d’avenir

Travailler sur des zones excentrées du territoire des villes, sur des territoires industriels, est sans doute un moyen de regarder la question de l’aménagement urbain de manière plus synthétique. En effet, la complexité, en ce cas, ne tient plus dans la multiplicité des fonctions et des programmes mais dans l’échelle et l’univocité apparente de l’usage du territoire : le port de Gennevilliers représente près de quatre cents hectares de territoire industriel portuaire à la porte de Paris.

De maraîchers, à l’origine, les terrains sont devenus port pétrolier, port container, port logistique et de matières premières.

La résolution des échanges, des connexions et des flux est ici primordiale. Les transferts entre les modes de transports, bateaux, camions, trains, oléoducs constituent le port comme un réseau à couches multiples dont les interfaces ne sont pas des nœuds, mais des surfaces.

Conçue au début du siècle, par les services de la ville de Paris, sur un plan de Fulgence Bienvenüe, la structure du port n’a été réellement achevée que dans les années 1950. Sa forme très caractéristique d’alternance structurante de darses et de môles est devenue très peu lisible au fil des implantations successives qui oblitèrent peu à peu la cohérence d’origine. Le port est devenu une zone industrielle banalisée.

La perspective des études et des propositions a été de remettre en évidence les quatre points forts de la structure du port, de les utiliser comme trame constructive des développements futurs, tout en maintenant le port en activité et en assurant sa mutation.

La stratégie appliquée sur le territoire du port a donc été orientée sur quatre axes principaux.

La reconquête de la présence de l’eau

Rendre perceptible la présence du fleuve et plus généralement de l’eau est une nécessité si l’on veut conserver au port son identité et sa symbolique. La restructuration des darses et le traitement de leur interface avec les espaces publics permet de renforcer la perception de l’eau et d’affirmer le caractère portuaire.

L’exposition du systeme des darses

La structure initiale d’alternance de darses et de môles est prolongée sur les terrains au-delà par une structure de darses vertes. Exposer le système des darses à partir des voies d’accès, c’est alors conférer un caractère paysager au port.

La création d’une “bande active”

La ligne de partage, entre les territoires du port, tournés vers l’eau, et les territoires plus urbains, est constituée de trois strates parallèles :

  • au centre la route,
  • côté darses, un quai minéral strié des voies de chemin de fer et prolongé par les perrés, c’est l’esplanade,
  • et côté ville l’arboretum, longue étendue plantée des diverses essences des bords de
    Seine. Il constitue une berge “déportée” au cœur du port.

L’esplanade est le lieu d’une double promenade sur le port. Le parcours “flash”, en voiture, qui permet aux visiteurs et aux usagers la lecture rapide du système du port. Ce parcours favorise le repérage de tous les éléments constituants. Le deuxième parcours est la flânerie du bord de l’eau, la promenade dans le parc au bord des quais.

L’esplanade est le lieu de la mise en scène du port. Au long de son parcours, des séquences, des points de vue sont ménagés vers l’eau, vers les darses qu’elles soient en eau ou plantées.

C’est au fil de la bande active que s’inscrivent les élements singuliers significatifs de l’histoire du port : les silos céréaliers, le siège historique du port, le bâtiment de l’ancienne douane, les darses…

La production d’une “interface” ville/industrie

D’un côté le port, de l’autre la ville. D’un côté l’eau, de l’autre la terre.

Le territoire de l’interface est le lieu d’une mixité plus grande des activités. Articulée sur le point central de l’entrée du port, elle prend un caractère plus urbain et moins directement industriel. Les gabarits, les alignements, les densités ne sont plus les mêmes.

Le projet d’aménagement émerge du travail de confrontation, superposition, croisement, puis de mise en cohérence de deux grilles d’analyse et de la gestion fine de leurs interfaces :

  • la première grille d’analyse est celle qui émerge du site et de son contexte. On peut la caractériser par une approche de sensibilisation. Elle permet d’établir le diagnostic des différentes valeurs du site et de son environnement.
  • la deuxième grille est celle qui émerge du programme et de la vision globale des objectifs assignés à l’aménagement. On peut la caractériser par une approche plus conceptuelle issue des données objectives, comme du système de références utilisé et du niveau d’exigence demandé. Cette grille permet d’établir le concept global du parti d’aménagement.

Par sa fonctionnalité et ses grands espaces verts, le port de Gennevilliers a déjà attiré nombre d’entreprises et la nouvelle scénographie, dont il est l’enjeu, l’introduit aujourd’hui au tourisme industriel.

Odile DECQ
Architecte

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