La lettre du président

À l’écoute…

En tout premier lieu, je voudrais ici rendre hommage à Bruno Stahly pour son dévouement au service de notre revue. Rédacteur en chef pendant six ans, il a assumé cette responsabilité avec talent, conviction et opiniâtreté. Gardant le cap d’une ligne éditoriale exigeante, il a ouvert La Pierre d’Angle à des domaines nouveaux, enrichissant nos réflexions et nos échanges. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

En ce qui concerne l’actualité de notre corps, je souhaite m’interroger sur le vote précipité par les députés de l’article 111 de la récente loi « Démocratie de proximité » qui décentralise le patrimoine. Il est révélateur à la fois d’une incompréhension, d’une défiance et d’une volonté brutale de bouleverser, coûte que coûte, un outil qui a pourtant largement fait ses preuves et qui est reconnu comme exemplaire dans de nombreux pays.

Aujourd’hui, entre d’une part, la nécessité de responsabilités partagées et d’un dialogue accru avec les collectivités et, d’autre part, un positionnement de l’État incertain, règne une grande confusion, source d’inquiétude légitime pour tous les acteurs. Néanmoins, quelques certitudes doivent prévaloir et guider nos réflexions et nos actions.

Le patrimoine, comme toutes les œuvres du passé, est fragile. Il nécessite une attention et un suivi constants, assurés par des architectes en ayant une connaissance approfondie. Sa protection, son entretien et sa mise en valeur exigent une expertise de proximité que seul peut assurer un ancrage proche du terrain, au niveau départemental.

Le patrimoine bâti n’est pas une œuvre de musée, il ne vit que s’il est utile et participe à notre environnement quotidien. La qualité du cadre de vie est faite, tout à la fois de patrimoine et de qualité d’architecture, d’urbanisme et de paysage. Il s’agit d’un continuum indissociable. L’architecte des bâtiments de France, positionné à l’articulation de ces domaines, en assure la cohérence et la continuité.

La décentralisation ne doit pas être synonyme de démission de l’État en matière de qualité du cadre de vie des Français. L’État a un rôle majeur à jouer, en restant le garant de la qualité architecturale, de l’indépendance du jugement des projets dans les espaces protégés.

Enfin, le rôle et l’action des architectes des bâtiments de France sont trop souvent encore mal connus ou mal compris. Nous devons, encore et toujours, faire œuvre de pédagogie, dégager du temps pour l’écoute et le dialogue avec nos élus et nos concitoyens et faire partager l’importance de nos missions au service de l’intérêt général.

Paul TROUILLOUD
Président de l’association nationale des architectes des bâtiments de France

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