La Cité de la Mer à Cherbourg

La Cité de la Mer est née de la volonté d’un élu, Bernard Cauvin, qui souhaitait faire revivre l’épopée de l’homme sous la mer. Il était convaincu de redonner ainsi à Cherbourg son élan économique premier. En effet, depuis 1880, la ville était réputée pour ses sous-marins de fort tonnage et depuis 1914 comme escale des transatlantiques. Ce projet a trouvé en l’architecte des bâtiments de France un appui intangible. Ce dernier était persuadé que cette opération non seulement sauverait les bâtiments protégés depuis 1989 de la gare maritime, mais fédérerait les communes plutôt attirées par l’émiettement d’un pouvoir féodal.

Un site unique

Les plans, conçus en 1926 par René Lavavasseur, comportent deux vastes halles séparées par une voie charretière. Leur armature en béton armé dégage de vastes volumes au décor géométrique dominés par un élégant campanile. Dès les années 1930, Le hall des voyageurs était doublé au nord et au sud de galeries de débarquement pour répondre au flux croissant des voyageurs. Elles seront rasées dans les années 1980. Cherbourg, deuxième port français, accueille à l’époque plus de deux cent mille passagers par an. La décoration intérieure fut exécutée par Marc Simon qui avait réalisé celle du paquebot Normandie. Stricte et chaleureuse, elle répond par le dessin des dallages en mosaïque et l’utilisation de bois exotique à dominante acajou au décor mouluré des façades et au parement en pierre de granit reconstitué. Partiellement détruite lors de la deuxième guerre mondiale, la gare maritime sera restaurée dès 1952.

Le projet a été porté par Jean-François Milou, lauréat du concours, dont l’idée originale fut d’ancrer le sous-marin nucléaire, le Redoutable, hors des bâtiments. Il sauvegardait ainsi la totalité des surfaces et redonnait vie au site endolori depuis plus de vingt ans ; cette initiative se doublait au nord de la gare maritime de la création d’un musée accolé à la cale sèche. Ce bâtiment voyait sa structure initiale modifiée par l’intrusion d’un aquarium de dix mètres de haut. La question du dialogue avec le bâti ancien s’intensifiait, l’augmentation des proportions nécessitant de la distance et le fonctionnement de la cité une liaison harmonieuse.

Un dialogue créatif

L’architecte a construit le musée comme un belvédère, représentatif de la nouvelle fonction du môle, comme un dispositif d’unification du site et comme un élément fédérateur du tissu urbain.

La Cité de la Mer concentre énergies et créativité. Elle crée les potentialités d’une vie culturelle et économique, au-delà de Cherbourg, pour la communauté de communes. Elle concerne donc non plus trente mille mais cent mille habitants. Un tel pôle était indispensable pour une région qui connaît un fort taux de chômage depuis le débrayage de l’arsenal puis de la Cogema. Il s’agissait dans ce contexte de trouver un juste compromis entre le souci du patrimoine et la conduite du projet. La compréhension mutuelle de l’enjeu de la part du commanditaire, du maître d’œuvre et de l’ABF permit la poursuite de la réalisation. Sans doute de part et d’autre subsistent des regrets, le nouvel édifice formant écran sur la mer et la rade exceptionnelle. Ce nouveau pavillon, dit des expositions permanentes, est traité en béton gris et lisse pour répondre au béton lumineux des bâtiments des années 1930. Enfin, les quilles du portique lui confèrent une légèreté qui soutient la comparaison avec le travail parfait de la verrière du pignon sud. Il pourrait ensuite être question des emmarchements, des talus engazonnés, des bâches à l’éclat trop blanc. qui vont s’atténuer avec l’épanouissement du jardin et la réalisation de la seconde tranche.

Il demeure que ce haut pavillon abrite un aquarium bien décevant pour qui connaît La Rochelle ou Boston : des poissons tropicaux acclimatés dans les anfractuosités d’un espace artificiel sont représentatifs des grands fonds. Sans doute faut-il se pencher sur la démonstration pédagogique pour comprendre le propos centré sur la découverte sous-marine et l’océanographie. La visite du sous-marin le Redoutable et le restaurant installé sous le ciel de l’ancien hall des trains devraient renvoyer plus directement au milieu marin et réconcilier, pour l’année Victor Hugo, l’homme et l’océan .

Pour cette première phase, le projet a délibérément tourné le dos au paysage, alors que la grandeur de la ville, Cherbourg la doit à la mer et à sa digue du Large. L’enjeu demeure donc d’un plan d’urbanisme à la hauteur poétique du port. Le chemin lumineux conçu par Yann Kersalé sur le rythme des marées pose les premiers jalons de cette indispensable trajectoire.

Vera PROSZYNSKA
Journaliste

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