Parents pauvres de l’urbanisme contemporain car considérés de la même façon que le sont de banals espaces urbains continentaux, les sites portuaires et leurs espaces urbanisés associés méritent cependant attention.
Deux ouvrages pour compléter le propos
- Le patrimoine maritime : construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens. Sous la direction de Françoise Péron. 2002. Les Presses Universitaires de Rennes.
- L’atlas du Patrimoine maritime du Finistère. Françoise Péron et Guillaume Marie. 2010. Editions du Télégramme.
Des richesses maritimes non protégées
Bien que d’importance majeure pour l’avenir des populations et des territoires littoraux, le bâti historique des ports et de leurs quartiers attenants ne sont qu’accessoirement pris en compte dans les démarches littorales globales menées dans un esprit de GIML (Gestion intégrée de la Mer et du Littoral) ainsi que dans les politiques d’aménagement du littoral, qu’elles soient locales, régionales ou nationales. Il en résulte appauvrissement et segmentation de l’identité maritime de ces ports.
Cependant sur les littoraux, le besoin de mer des Français et la pression urbaine touristique sont si forts que, si l’on n’y prend garde, la majeure partie du patrimoine maritime bâti des ports disparaîtra rapidement.
Si l’on considère le large éventail des ports français, depuis les Grands ports jusqu’aux ports de taille moyenne et petite1
, c’est cette dernière catégorie qui est la plus exposée aux risques de dégradations, voire de disparition de ses héritages maritimes historiques.
Leur bâti historique est souvent modeste. Qu’il soit lié à la vie des populations littorales (maisons de pêcheurs, Abris du Marin - protégés depuis 2004 seulement), industriel (cabane de construction navale, bâtiment d’étuve), ou balnéaire (petit hôtel, résidence de villégiature d’emprise restreinte)… ces éléments sont le plus souvent de faible valeur patrimoniale intrinsèque mais ils prennent sens si l’on considère leur agencement spatial. Ces éléments variés, spécifiques à chacun des sous-ensembles constitutifs de la cité portuaire, et encore présents sur le sol, à des degrés divers selon les aléas de l’histoire, sont les supports quasiment d’autant d’identité maritime qu’il y a de ports.
En préalable à toute action : un objectif de connaissances et de diffusion des connaissances
Reconnaître et faire connaître, dans leur intérêt présent et leurs potentialités d’avenir, les ressources humaines, culturelles, techniques, économiques, paysagères et éthiques des espaces portuaires historiques de taille moyenne et petite est la première des nécessités. Ceci concerne d’abord leur bâti hérité, édifié au cours du temps au contact de la terre et de la mer pour apprivoiser cet élément dangereux, l’utiliser de multiples façons, l’aimer, y trouver son bonheur et le transmettre aux générations futures. Ces connaissances, lorsqu’elles sont partagées entre les scientifiques et les habitants (permanents ou intermittents), constituent la meilleure garantie de la prise en compte concrète du bâti historique des ports dans une démarche à la fois précise et globale d’aménagement de ces territoires ; aujourd’hui fragilisés par les impératifs de la nouvelle économie, des nouvelles cultures et des nouveaux modes de vie qui en découlent. Cette démarche est particulièrement urgente à mettre en œuvre dans les sites portuaires historiques de taille moyenne et petite pour lesquels n’existent pratiquement pas de protections architecturales ou urbanistiques spécifiquement adaptées à ces héritages maritimes, menacés à court terme de dénaturation ou de destruction par les enjeux multiples qui se déploient actuellement sur ces territoires convoités.
Les outils de la mise en œuvre d’une politique de valorisation entre préservation et transformation de ces cités portuaires
Pour répondre à cette nécessité, des méthodologies adaptées, ont été mises au point depuis plusieurs années par l’unité de recherche « Observatoire du Patrimoine Maritime Culturel » de l’Université de Bretagne Occidentale, en relation avec l’association « Port d’intérêt Patrimonial® » regroupant les maires et conseils municipaux de trete-six communes littorales de Bretagne ainsi qu’un large réseau de partenaires institutionnels.
Ces méthodes reposent d’abord sur la définition et le recensement des types de bâtis impliqués et des espaces concernés, puis sur l’élaboration de cartes géographiques basées sur le cadastre et enfin sur la production de documents de pré-expertises établis en étroite collaboration avec les communes (et maintenant communautés de communes) qui en font la demande en relation avec les publics attachés à faire vivre ces ports dans la beauté et l’originalité de leur identité maritime historique, toujours en évolution.
Les méthodologies mises au point en Bretagne ont valeur reproductive. Elles ont permis la création d’une certification de projet innovant : « Port d’intérêt Patrimonial » reposant sur une Charte d’engagement2
et d’orientation des actions.
Une philosophie d’ensemble que nous appellerons « l’esprit Port d’intérêt Patrimonial »
- Grand port : port ayant généré une urbanisation métropolitaine dont la population est supérieure à 50 000 habitants. Port de taille petite et moyenne : port ayant généré une urbanisation agglomérée dont la population est comprise entre 400 et 50 000 habitants. En dessous de ce seuil de population, on parlera de petit site portuaire. ↩
- La charte spécifique aux espaces portuaires disposant d’héritages maritimes historiques, engage les communes littorales signataires à inscrire dans leur projet la conservation, la protection ou la modification raisonnée de leurs bâtis historiques à caractère maritime. Ceci dans un objectif de valorisation de l’ensemble bâti et paysager des sites portuaires de la commune. ↩
- Pour des raisons de clarté méthodologique, il faut distinguer héritage et patrimoine. Les héritages sont les biens dont on hérite. Le patrimoine est constitué de ce que l’on décide de conserver et mettre en valeur pour les besoins du présent et pour les générations à venir. ↩
- Conseil de l’Europe. Convention européenne du paysage, article 1. Définition : Paysage désigne une partie du territoire, telle que perçue par les populations dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations, 20 oct. 2000. ↩