« Roches Brunes » est l’une des villas les plus emblématiques de la ville de Dinard, de par son élégante architecture néo-Louis XIII, et plus encore par sa situation spectaculaire dominant la falaise de l’extrême pointe de la Malouine. L’édifice, construit entre 1893 et 1896 par Alexandre Angier dans le lotissement de la Malouine, a récemment fait l’objet d’une campagne de ravalement pour lui redonner son lustre d’antan.
Un véritable poste d’observation situé aux premières loges
Assise sur un double mur de soutènement et des contreforts externes prenant des allures défensives (un clin d’œil au système défensif de Vauban encore très présent sur cette partie de la côte d’Émeraude), la villa est mise en scène sur son promontoire pour affirmer le statut social de son commanditaire et jouer la carte du pittoresque qui est tant recherché dans les stations balnéaires de cette fin de XIXe siècle.
Angier cherche délibérément à ouvrir la villa sur les 4 points cardinaux de la station, cette impression d’espace et d’ouverture sur l’extérieur se ressent dès les premiers pas franchis dans les pièces de réception ou le regard est attiré sur différents panoramas (Le Cap Fréhel, Cézembre, St Malo et la grande plage de l’écluse avec sa vie mondaine symbolisée par ses palaces et casinos…).
Peu de modifications majeures depuis sa construction
Dans les années vingt, sur la façade principale côté Ouest, l’élégant jardin d’hiver, construit en structure métallique et surmonté d’une verrière en dôme, est remplacé par un volume en béton sur la même emprise. Seul le sol en mosaïque ainsi que la porte d’entrée seront conservés et réemployés. Pour autant, cette structure, bien que plus lourde esthétiquement, s’insère parfaitement avec son balcon agrémenté de balustres d’un dessin très classique.
Sur la même campagne de travaux, le bow-window côté Nord, construit en bois peint, sera lui aussi remplacé par un oriel à deux niveaux en béton armé. Ces transformations peuvent autant s’expliquer par une recherche de modernité qu’une réponse pour palier à des problèmes d’entretien (corrosion sur la serre, dégradation des bois sur le bow-window quasi-inaccessible).
Dans les années 60, les espaces situés en sous-sol, dévolus initialement à la domesticité, sont devenus obsolètes compte tenu de l’évolution des usages de la vie courante. Une cuisine en formica sera aménagée à l’étage de vie. Une piscine en mosaïque de grès bleu sera construite sur la terrasse inférieure, quasiment le seul espace plat à l’échelle de ce terrain accidenté.
Toute la distribution d’origine de la villa a été préservée ainsi que l’ensemble des décors intérieurs (de facture plutôt modeste sans recherche de luxe prononcé).
2007, une année décisive pour son devenir
En 2007, M. Braud le dernier propriétaire décide de léguer Roches Brunes à la ville de Dinard sous conditions que la villa devienne un lieu dédié à la culture et ouvert à tous. Pour respecter le legs du donateur, la ville souhaite très rapidement la restaurer dans les règles de l’art avec le projet d’une ouverture au public des espaces intérieurs. Pour ce faire, elle prend l’attache d’un architecte du patrimoine, M. Pericolo, pour établir en amont un diagnostic général du bâti. Le constat qui ressort de cette étude fait état :
-d’une couverture dégradée qui nécessitera une réfection générale.
-d’un ravalement des façades afin de retrouver la polychromie d’origine.
-une réflexion à court terme sur la mise en accessibilité du rez-de-chaussée.
Les travaux sont engagés entre 2013 et 2014.
Problématiques et pathologies rencontrées lors du chantier de ravalement
La villa étant située dans la ZPPAUP de Dinard, l’UDAP 35 s’est largement impliquée dans l’accompagnement du dossier de déclaration préalable, les propositions émises par l’architecte ont été d’autant plus encadrées et débattues par l’ABF, que la ville engageait en parallèle une réflexion profonde sur la pertinence d’une protection au titre des MH.
Contrairement à la mode de cette fin de XIXe où la profusion d’ornementation de toiture était de mise, « Roches Brunes » étant située en haut d’une falaise balayée par les vents, Angier a préféré dès sa conception dessiner une toiture assez sobre en la matière. Lors de la réfection de couverture, les épis et crête de faîtage qui dominent la tour d’escalier ont été restitués fidèlement suivant le modèle d’origine.
La mise en place d’échafaudages sur les 4 façades du bâti nous a permis d’ausculter au plus près les ouvrages menuisés (lucarne, fenêtre…) et la maçonnerie, ceci dans l’objectif de déterminer les teintes d’origines avant les repeints successifs. Inutile de rappeler que depuis 1896, les façades ont fait l’objet de plusieurs campagnes de ravalement qui progressivement ont dû se détacher des teintes choisies par Angier lors de sa construction.
Avant travaux, les modénatures en façade présentaient une teinte ocre beige peu en rapport avec l’effet normalement attendu sur une architecture néo-Louis XIII qui joue du contraste entre les aplats en briques et les encadrements décoratifs censés être en pierre de taille en calcaire. Le choix de teinte s’est donc arrêté sur une teinte blanc cassé crème s’approchant de celle du tuffeau.
En ce qui concerne les ouvrages en bois, la dépose des protections zinc pointées sur les parties horizontales des frontons de lucarnes a permis de retrouver la teinte ocre jaune d’origine.
Cette découverte était d’autant plus espérée que la profusion de cartes postales de « Roches Brunes » en noir et blanc datant du début du XXe siècle ne permettaient pas de déterminer avec certitude la palette chromatique de départ.
Bien évidemment, toutes les teintes originelles n’ont pas été retrouvées, mais avec quelques découvertes in situ et surtout une recherche de cohérence sur l’ensemble de l’édifice, les teintes définitives ont finalement été affinées et validées en cours de chantier.
Bien que faisant référence à une architecture classique du XVIIe siècle, la villa a néanmoins été bâtie avec des matériaux et une mise en œuvre de son temps, notamment au niveau de ses structures (plancher en acier et voutain de brique sur les niveaux de soubassement), les linteaux de baies ont été conçus en poutre d’acier et recouvert d’un enduit imitant la pierre de taille. Bravant les vents marins depuis la fin du XIXe, ces éléments ont été fortement corrodés, en particulier sur les faces Ouest et Nord les plus exposées. Les poutres ont été sablées et passivées avec un traitement antirouille et pour certaines d’entre-elles, trop altérées, déposées et remplacées. Une reprise d’enduit a permis de retrouver l’aspect initial des encadrements.
Les menuiseries d’origine, quant à elles, ont été remplacées à l’identique, les profils d’exécution ont été validés par l’UDAP 35 en veillant à ce que les vitraux d’origines présents sur les façades Sud et Ouest soient réintégrés dans les nouveaux châssis. Seul le sens d’ouverture a été modifié sur les portes fenêtres donnant sur la terrasse accessible au public.
La consécration arrive enfin avec l’arrêté en date du 23 juin 2014, qui inscrit la villa à l’inventaire des monuments historiques (maison et jardin en totalité, murs de soutènement et grille de clôture).