Une passerelle piétonne et cyclable en encorbellement sur un ouvrage ferroviaire maçonné du XIXe siècle, et située entre la rive droite du Tarn et le cœur historique d’Albi est en passe de voir le jour à Albi. Ce projet, porté conjointement par la communauté d’agglomération et la ville d’Albi, intègre la requalification urbaine de deux places historiques de la cité : la place du Château et la place du Calvaire situées dans le prolongement de la passerelle en rive gauche.
Pour le président Philippe Bonnecarrère : « La passerelle a deux vocations essentielles intimement liées: une traversée utile, nécessaire pour franchir la rivière Tarn, rapprocher les rives d’Albi, faciliter l’accès des grands Albigeois aux services et commerces du cœur urbain par des modes de déplacement doux, et un lieu de vie, suspendu, pour aborder les espaces naturels et patrimoniaux en toute sérénité. Plus qu’un ouvrage d’art, c’est une architecture d’apaisement où chacun a sa place ; un geste qui se devait d’être délicat, mesuré, tout en finesse et en efficacité. » C’est le projet porté par l’agence bruxelloise d’architectes et d’ingénieurs Ney & Partners qui a été retenu à l’issu d’un concours international d’architecture. Ce projet a convaincu l’ensemble du jury par son approche globale, son intelligence du site, son élégance de conception et sa fonctionnalité pour les modes doux.
Le jury de concours a particulièrement apprécié :
• sa ligne épurée ;
• son positionnement en aval du viaduc, respectueux de l’harmonie paysagère et de la perspective des ponts sur le Tarn ;
• son utilisation habile des arches pour ouvrir de nouveaux points de vue sur le site et des zones de détente distinctes de l’espace de circulation ;
• sa ligne de foulée optimale, sans dénivelé, obtenue grâce à un abaissement de l’accès de la passerelle sous la première arche, côté rive gauche ;
• la justesse de l’éperon historique du Castelviel recréé grâce à la réunion des places du Château et du Calvaire. Pour Laurent Ney : « C’est avant tout la fonctionnalité qui a guidé la conception et l’implantation de la passerelle de franchissement du Tarn. Le but est bien d’assurer une accessibilité et une fluidité dans les déplacements des piétons et des cyclistes entre les quartiers des deux rives. Afin d’offrir un parcours naturel depuis le centre historique, le projet d’aménagement urbain en rive gauche s’articule autour d’un axe visuel intuitif entre le haut de la place du Château et l’accès de la passerelle, directement visible sous la première arche du viaduc. Le regard est dès lors naturellement attiré vers le Tarn dont la vue est actuellement entièrement masquée par la topographie de la place existante. Cette nouvelle perspective, avec comme point de mire le Tarn, permet de remettre en valeur le panorama magnifique qui était à l’origine du choix de l’implantation de l’oppidum historique de la ville d’Albi.
Sur les places du Château et du Calvaire, site originel de la ville d’Albi, l’éperon rocheux a été dégradé par la construction du viaduc dans les années 1864–1866. Le viaduc a défini une nouvelle frontière provoquant ainsi une réelle fracture dans la ville. La passerelle permet de redonner du sens et de la qualité à l’ensemble historique formé par ces deux places. Nous avons donc fait le choix de les unifier en les étendant par un plateau passant sous la première arche du viaduc. »
Le viaduc ne se lit plus comme une barrière infranchissable mais comme le fond de scène de la place du Château, avec comme point focal, une fontaine miroir d’eau. Par symétrie, la place du Calvaire reprend du sens, sous la forme d’un parc urbain, à la lisière de la cité, et qui annonce la nature plus sauvage des berges de la rivière Tarn.
Pris dans son ensemble, le viaduc existant, comme la cathédrale Sainte-Cécile, en impose par son monolithisme et sa cohérence. Tandis que l’austérité extérieure de la cathédrale impressionne, sa flamboyance interne interpelle. Cette différence entre intérieur et extérieur, entre austérité et sensibilité, entre massivité et légèreté, entre matérialité et immatérialité peut également s’appliquer au nouvel ensemble passerelle-viaduc. La passerelle est parure de viaduc, et le viaduc, piédestal de cette nouvelle sculpture urbaine. L’un n’est plus pensable sans l’autre tant ils se mettent en valeur mutuellement. L’immatérialité et la fragilité de cette parure se retrouvent dans sa géométrie avec une légère ondulation dans les plans verticaux et horizontaux. Pas de lignes droites strictes mais une fluidité qui dialogue avec l’ouvrage et répond au fleuve. Le nouvel ouvrage enveloppe l’ancien sans le toucher vraiment, comme un nuage de brume flottant au-dessus du Tarn.
La passerelle est réalisée au moyen d’un caisson métallique de section triangulaire variable. La finesse de l’ensemble, la couleur de la sous-face, le garde-corps filigrane en inox, contribuent à renforcer cette sensation d’immatérialité et d’évanescence. Les détails de l’ouvrage sont réduits au minimum, c’est la structure elle-même qui donnera son expressivité à l’ouvrage. L’intégration des détails et leur minimalisme sont la réponse moderne à la cohérence de l’ouvrage en brique.
Rythmée par les sept arches du viaduc, la traversée se vivra comme une expérience unique. La largeur prévue, au minimum de 3,5 mètres, est plus que confortable. En dessous de chaque arche, la passerelle s’élargit pour former un belvédère. Munis de bancs, ces balcons invitent à la halte et offrent des points de vue nouveaux sur la ville. La géométrie des balcons évolue en crescendo vers le centre de la passerelle. Chaque perspective, différente, est théâtralisée par la présence des arches en brique, cadrage naturel. C’est également un espace de repos ; abrité par le viaduc, on peut s’asseoir sur les bancs, lire, peindre ou simplement jouir de la vue sur la rivière Tarn.