Le pont de Coq se situe en Seine-Maritime sur les communes de Ménerval et de Saumont-la-Poterie. Petit ouvrage en pierre de taille en moyen appareil, il enjambe la rivière Epte.
Le site de franchissement de l’Epte au lieu-dit « le Pont de Coq» est ancien. Un gué, d’origine médiévale, situé en amont du pont actuel, permettait de franchir la rivière. À la fin du Moyen Âge, un ouvrage d’art intermédiaire (de bois ?) semble être édifié au droit du passage à gué dont aucune trace archéologique n’a pu être retrouvée. Une mention de 1548 se rapporterait à cet ouvrage. Vers 1620–1640, la construction d’un axe routier Paris-Dieppe est envisagée avec pour objectifs de se rendre le plus rapidement à la mer depuis la capitale (33 lieues), d’établir des chaussées viables et fréquentables en toute saison, ainsi que des franchissements des rivières et fleuves en dur.
Le pont de Coq s’inscrit ainsi dans une série de treize ouvrages d’art. Il constitue le seul ouvrage conservé dans ses dispositions d’origine.
Cette route a, avant tout, un usage militaire permettant aux troupes de se rendre rapidement dans le port de Dieppe, où stationnait une partie de la flotte royale. Pendant tout le XVIIe siècle, cette chaussée constitue également un axe commercial primordial permettant d’alimenter la capitale en denrées sèches et fraîches. Bois, viande, céramique, beurre et poisson frais (chemin des chasse-marée) empruntent ce pont. Par ailleurs, la renommée grandissante des eaux thermales de Forges-les-Eaux incite la cour à se déplacer dans le Pays de Bray. Louis XIII, la reine, le cardinal de Richelieu y prendront les eaux les 21 juin et 13 juillet 1632.
À partir de 1738, une nouvelle route pavée est construite en parallèle de la route du pont de Coq : la Route royale de Gournay-en-Bray à Forges-les-Eaux. L’usage du pont de Coq et de sa route diminue.
Dans le courant de la seconde moitié du XIXe siècle, la ligne de chemin de fer Paris-Dieppe via Gournay-en-Bray est construite et atteint Dieppe le 23 décembre 1873. Les 168 kilomètres du parcours sont accomplis en cinq heures trente. L’axe historique médiéval est abandonné. La route du pont de Coq est déclassée pour devenir chemin vicinal. Au XXe siècle, le chemin a uniquement un usage agricole. Le pont de Coq n’est plus entretenu, la végétation s’y développe. En 2003, il est proche de la ruine.
Un chantier, une démarche pluridisciplinaire et expérimentale pour mieux cerner les interventions
Oublié par les hommes et le temps, l’ouvrage d’art est inscrit au titre des Monuments historiques le 23 novembre 2004. Il fait l’objet depuis 2011 de campagnes de restauration par l’Association pour la sauvegarde du pont de Coq (ASPC) dans le cadre de chantiers de jeunes bénévoles. Sous sa conduite, le pont de Coq a réuni pour la première fois des équipes pluridisciplinaires menant des études archivistiques, topographiques, géophysiques, géologiques, géomorphologiques, botaniques et archéologiques associant la Drac, le Cerema, et l’Université de Rouen.
À l’occasion de la réalisation du diagnostic de l’ouvrage en 2010, les relevés pierre à pierre du pont de Coq sont accompagnés par des relevés 3D par photogrammétrie, des relevés géophysiques non destructifs (relevés radars et TRE : Tomographie de résistivité électrique) permettant d’appréhender sanitairement les parties non visibles de l’ouvrage (culées, fondations situées en eau, etc.).
Par ces études et leur croisement, et notamment la restitution 3D intégrant les mesures électriques et radar la géologie locale sur laquelle s’appuie l’ouvrage a été précisée, et les anomalies potentiellement problématiques, ainsi que leur cause ont pu être étudiées au sein de l’ouvrage. Ces données sont devenues un véritable outil de diagnostic permettant des restaurations ciblées et optimisées.
Elles ont également permis d’appréhender les abords du pont de Coq et donc de découvrir d’anciennes chaussées liées à des franchissements historiques, ce qui a été confirmé par des fouilles archéologiques menées en 2012 et 2014. Ces analyses réalisées en amont de tout chantier confirment tout l’intérêt de ces méthodes de relevés et d’investigations appliquées au patrimoine bâti. Ces techniques non destructives restent particulièrement pertinentes pour l’acquisition de connaissances sanitaires pour les architectures semi-enfouies et en élévation. Le contrôle non destructif des maçonneries permet de sonder virtuellement les murs et les voûtes, de discerner les matériaux (pierre, bois, métal, etc.) ou de repérer la présence de vides et fissures internes non visibles.
Un lieu accessible à tous
Six années de chantier ont ainsi pu être définies avec deux phases d’intervention pour la restauration du pont de Coq. La première phase, ayant pour but de redonner une cohérence structurelle à l’ouvrage, a permis de restaurer/restituer les murs en aile, le tablier et la chaussée entre 2011 et 2015. Là encore, les modèles numériques obtenus par photogrammétrie avant et après travaux ont été utilisés comme outil de gestion et de vérification des travaux.
La seconde phase de travaux traite des zones les plus fragiles (réfection des fondations de la voûte, réfection du radier). Elle se développera jusqu’en 2017. Peu à peu, le pont de Coq retrouve sa physionomie et sa structure du XVIIe siècle, tel qu’il a été conçu et construit. Un projet de mise en valeur le rendant accessible à tous les publics, y compris celui en situation de handicap, se développe en parallèle du chantier de restauration. Sa finalité est de faire découvrir un des ouvrages d’art les plus anciens de Haute-Normandie, son histoire et son rôle pendant toute la période moderne.