Lumière sur le Dock des Alcools de la Plaine Saint-Denis

Le Dock des Alcools fut l’une des premières actions entreprises en vue de la revitalisation de la Plaine Saint-Denis au milieu des années 1980. Ce projet de réhabilitation industrielle intervint avant que le projet baptisé, peu après, Plaine Renaissance n’ait pris sa forme définitive en 1985.

Cependant, cette raison n’est pas la seule cause de l’exemplarité de l’opération. Elle est remarquable dans la mesure où elle résulte d’une prise de conscience politique des enjeux de ce territoire en mutation qui a contribué à la définition des objectifs du Syndicat intercommunal Plaine Renaissance. Le parti retenu pour le Dock des Alcools, dans ce contexte de requalification urbaine respecte et valorise les points forts du passé pour l’insérer dans un territoire en devenir. Le dernier atout de cette réhabilitation industrielle est la compréhension et la transcription par les architectes des objectifs définis par la municipalité dionysienne.

En effectuant de nombreuses visites et l’étude des vastes structures industrielles du Dock des Alcools, l’agence A.M.A a compris le fort potentiel de restructuration, non seulement de cet édifice mais également du site de la Plaine Saint-Denis.

Partageant les mêmes ambitions pour cette friche industrielle que les différentes collectivités concernées l’agence a esquissé un projet qui développe au mieux les qualités du site, à travers des conceptions architecturales de rénovation adaptées. Ce travail ne peut se percevoir sans une fine compréhension de la structure du bâtiment.

Un architecture représentative

Ce site a été construit comme un vaste entrepôt de stockage d’alcools distillés sur le territoire français avant leur dispersion au détail. Pour correspondre à cette fonction, il a été dessiné dans les années 1920, en adoptant le “style Freyssinet” caractérisé notamment par le tracé des voûtes en chaînette. Ce style majeur était attaché au milieu ferroviaire de l’entre-deux-guerres. Le Dock des Alcools se trouve effectivement à proximité de la gare de triage de La Chapelle, mais ce style répondait également aux préoccupations de protection contre l’incendie d’un bâtiment devant accueillir des alcools. Enclavé par la suite dans un nœud d’échangeur du périphérique, ce site alliant rails et routes était devenu trop exigu.

Détruit partiellement par des bombardements en 1943 et agrandi en 1946, il représente un vaste entrepôt aux structures monumentales, de quatorze mille mètre carrés de surface totale répartis sur trois étages. Il est constitué de deux espaces : des plateaux couverts de voûtains (planchers de très hautes capacités) et des abris à cuveries avec des voûtes de grande portée à l’épreuve des explosions comme une poudrière militaire.

L’étude de l’édifice et la connaissance de ses différents avantages (voûtes minces en chaînettes, planchers lourds et verrières régulières) a conduit à l’appropriation du site et à l’émergence de solutions :

  • suppression du remplissage des façades (briques grossières et enduit ciment) qui noyait la lecture des structures ;
  • élimination des surfaces aveugles et mal éclairées ;
  • conservation maximale des existants ;
  • respect de la flexibilité maximale du lieu afin qu’il corresponde autant à des activités secondaires, au rez-de-chaussée, que tertiaires aux étages ;
  • pénétration maximale de la lumière naturelle.

L’architecte Melot a procédé ainsi à la dépose des remplissages de façades de briques cimentées, laissant les structures à nu, pour revêtir l’édifice d’habits qui lui siéent mieux : une brique de qualité pour la lecture originelle des tympans et des murs pignons et le verre pour les baies et les portes.

Alchimie du verre et de la lumière

Le dernier objectif architectural lié à l’omniprésence de la lumière zénithale a défini l’esprit de réhabilitation du site. Par sa remarquable réalisation, il lui apporte une nouvelle identité.

Pourtant, cette tache n’apparaît pas comme aisée dans la mesure où des surfaces impossibles à éclairer naturellement existaient et que la SNCF est mitoyenne du bâtiment. Il était donc vital pour le projet de négocier à nouveau le droit de vue et d’air, sous peine de voir muré le peu d’ouverture de la façade ouest.

Le verre et la lumière qu’il laisse entrer dans l’édifice, s’invitent à tous les étages, à travers des baies, les portes, les verrières et l’atrium, le grand succès de cette réhabilitation. Mais même la moindre fenêtre, coupée aux ciseaux dans la pierre, exalte la lumière.

Dans cet impérial atrium, jamais la transparence, la réverbération, le reflet, l’opacité de cette matière n’avaient autant inspiré la quiétude à un lieu.

On se perd dans la lumière et l’on ne sait plus si cette transparence est le fait du verre ou de l’eau, si les murs enferment ou libèrent, si l’on voit le verre ou son miroir, si cette matière peut nous retenir ou si l’on passe au travers.

Les droites semblent rebondir et ne jamais se finir, les courbes font disparaître les distances, les lignes semblent se perdre dans le spectre de la lumière et le visiteur avec elles.

Dans ce lieu autrefois clos et sombre, la lumière a repris ses droits. Dans cet édifice, l’alchimie entre verre et lumière se révèle et s’impose au regard, ils s’unissent pour donner à la matière, un souffle luminescent.

Michael NACITAS
Chargé de mission pour le développement culturel

Dans le même dossier