Les ateliers Lorin ont été fondés en 1863 par Nicolas Lorin, peintre-verrier, à Chartres, d’abord dans le quartier de Saint-Chéron puis au 46, rue de la Tannerie.
Situés à l’est de la ville, entre l’Eure et les fossés de.la ville, les ateliers Lorin ont été installés et construits sur l’emplacement d’une ancienne tannerie dont l’existence remonte au XVIe siècle ; le quartier est en effet celui des métiers traditionnels de la rivière (tanneries, lavoirs, séchoirs…). Or, il se dégage de cet ensemble étonnant, constitué des strates d’anciens remparts, d’une tannerie, d’une manufacture de vitraux une poésie qui transforme cet atelier en lieu de mémoire.
C’est d’ailleurs à ce titre que les ateliers Lorin ont été inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1999.
Les bâtiments de structure traditionnelle se répartissent autour de deux cours : la première ouvrant sur le 46, rue de la Tannerie et la seconde sur le boulevard Foch, pourvue d’une passerelle métallique pour franchir le fossé de ville.
Dans la première cour, Nicolas Lorin (1833-1882) fit construire sa maison d’habitation. La parcelle en longueur obligea à implanter les autres bâtiments perpendiculairement à la rue de la Tannerie. Une véranda forme la jonction entre la partie habitée et les bureaux ainsi que le secrétariat et enfin l’entrée des magasins à verre. Le premier étage est consacré aux archives écrites et la grande verrière au-dessus du magasin à verre signale l’atelier de peinture. Cette longue façade se termine par le bâtiment où se sont installés, au rez-de-chaussée, les ateliers de dalle de verre et de mosaïque et, à l’étage, la galerie qui permet de relier l’ensemble au grand atelier perpendiculaire qui ferme la cour.
Dans la seconde cour, se trouvent l’atelier des fours, les ateliers de masticage, serrurerie et menuiserie et, dominant l’ensemble, la tour d’exposition, symbole des ateliers Lorin. Cette tour, également construite par Nicolas Lorin, repose sur les remparts détruits au XIXe siècle et conserve un unique monte-charge d’origine. Sa destination est de présenter provisoirement les vitraux afin de juger de l’effet et vérifier le passage de la lumière à travers les pièces colorées. À travers ce dédale de constructions, trois générations de Lorin se sont succédées.
Le créateur Nicolas (1833-1882) est originaire de la Meuse et lorsqu’il installe son modeste atelier à Chartres, il n’a pas encore exposé dans le cadre des Expositions Universelles et mise sur la tradition chartraine et le renouveau du vitrail pour s’implanter. Nicolas Lorin semble très vite répondre aux nombreuses sollicitations régionales et nationales et décide de créer en 1865 un atelier de dessinateurs à Paris (rue de Vaugirard). Son atelier est prolifique et en 1878 compte cinquante-trois ouvriers. Si le nombre des collaborateurs n’est pas toujours un argument objectif, dans le cas de Nicolas Lorin, son franc succès provient de son souci constant d’adapter son travail à la demande, la maîtrise de ses dessinateurs comme la qualité des verrières qui sortent de ses ateliers. Conscient de sa place dans le domaine de l’art du vitrail, il se présente à l’Exposition Universelle de 1878 au Champ de Mars (groupe 3, classe XIX), aux côtés de son concurrent Champigneulle. Cette manifestation, placée sous la responsabilité du ministère de l’Industrie, offre une vitrine non négligeable aux ateliers qui remplissent les conditions. À l’issue de celle-ci, un mouvement de renouveau du vitrail civil s’esquisse, offrant de nouveaux débouchés pour les ateliers en équilibre toujours instable d’autant que le ministère des Cultes confie en priorité les verrières anciennes aux plus célèbres peintres-verriers. Les ateliers Lorin en profiteront largement.
À la mort brutale de Nicolas, succède son épouse, puis son fils Charles (1866-1940) avec une direction artistique menée par le dessinateur Crauk puis, à partir de 1887 par Gsel. Charles développe l’entreprise et parallèlement reçoit la commande de restaurer une partie des verrières de la cathédrale de Chartres, ainsi que celles de l’ancienne abbatiale Saint-Père. Il s’inscrit constamment dans la tradition, le respect des techniques anciennes et la volonté de suivre l’évolution du goût de son temps. François Lorin, son fils (1900-1972) prolonge ce mouvement, d’abord avec son père, puis seul, et maintient une activité sur le même site tout au long du XXe siècle. Comme son grand-père Nicolas, François Lorin poursuit une activité de qualité. Ce travail respectueux et soigné ainsi que la personnalité du maître-verrier, orientent Alfred Manessier en 1947 vers l’atelier chartrain pour la mise en œuvre de ses compositions. De cette collaboration naîtra une fidélité de Manessier pour les ateliers Lorin de Chartres ou de Paris. L’entreprise artisanale et artistique des vitraux d’art et décoration cessent à la mort de François Lorin en 1973, ils sont rachetés par trois maîtres-verriers, Gérard Hermet, Jacques et Mireille Juteau qui continuent, avec leurs trois employés, à maintenir ces ateliers prolongeant un siècle de mémoire.
Le méticuleux travail de Jean-Marie Braguy, vitrailliste et employé de 1977 à 1993 au sein des ateliers Lorin-Hermet-Juteau a permis de faire connaître la richesse du fonds d’archives. Ce fonds se répartit en documents iconographiques (cartons, photographies), en maquettes, en écrits en particulier la correspondance et les inestimables cahiers de commandes sans négliger les relevés de vitraux anciens restaurés. Il permet d’étudier l’histoire de la restauration des vitraux de nombreux édifices religieux d’Eure-et-Loir et de la France entière depuis 1863. Ces documents offrent également une grande place aux créations des ateliers Lorin-Hermet Juteau qui restent à étudier et à mettre en valeur.
par Fabienne AUDEBRAND