Un spectaculaire chantier marquant les perspectives de la Seine se déroule actuellement sur les verrières du Grand Palais. La nature de l’édifice permet en effet de le conduire sans la protection d’un parapluie ; son déroulement peut ainsi être apprécié depuis les berges.
L’exposition universelle de 1900
Construit pour l’exposition universelle de 1900, le Grand-Palais s’inscrit dans la vaste opération d’urbanisme qui se développe autour de l’esplanade des Invalides et de sa gare souterraine jusqu’au Pont Alexandre III et au Petit Palais. L’ancien palais des Arts et de l’Industrie aussi vaste que le Grand Palais accueillant des salons artistiques le long des Champs Élysées a été démoli à cette occasion.
Un concours, lancé en 1896 sur la base du plan d’Alfred Picard, commissaire général de l’exposition a permis de retenir quatre architectes qui se partagèrent la conception du monument : Charles Girault, Henri Deglane, Albert Thomas et Louis Louvet. Les travaux entrepris en 1897 font l’objet de nombreuses innovations techniques notamment au niveau de l’organisation du chantier : les matériaux acheminés par la Seine sont conduits au chantier par train et distribués à partir de ponts roulants et d’une grue pivotante se déplaçant
elle-aussi sur rails.
La mauvaise qualité du sol alluvionnaire proche de la Seine a nécessité d’importantes fondations sur pieux en bois forés en terrain humide par des sonnettes à vapeur. Ils portent la structure de pierre et métal.
Trois mille pieux seront nécessaires pour fonder cet édifice de sept mille cinq cents mètres carrés environ.
C’est cependant la nature du sous-sol qui continuera à poser des problèmes au cours du vieillissement de l’édifice. La chute d’un rivet d’une hauteur de trente-cinq mètres en 1993 a attiré l’attention sur les conditions d’évolution d’une charpente métallique réalisée avec un acier d’élasticité insuffisante s’appuyant sur des fondations soumises à des déformation excessives.
Le projet
Les travaux en cours ont été étudiés par J.-L. Roubert, architecte des bâtiments civils et palais nationaux et la SETEC. Ils sont aujourd’hui conduits par Alain Charles Perrot, architecte en chef des monuments historiques. L’achèvement est prévu pour le courant de l’année 2004.
La reprise des fondations de la nef sud est réalisée grâce à une paroi moulée jusqu’au bon sol situé à quinze mètres sous le niveau de la rue. Elle a pour fonction d’envelopper les pieux en bois d’origine.
À son sommet, de part et d’autre de la paroi, des poutres en béton viennent enserrer les maçonneries de moellon qui reçoivent les pieds des poteaux. Ces poutres viennent pincer
par précontrainte ces massifs, transmettant ainsi Les charges verticales des assises d’origine aux parois moulées fondées dans le bon sol.
Le système de pieux en bois qui aurait gêné les reprises en sous-œuvre est ainsi contourné et laissé en place alors qu’il est devenu inutile. Les maçonneries en périphérie de la nef nord et celles du Palais d’Antin ont été reprises en utilisant le système de jet grouting (renforcement par injection) qui a modifié la qualité du sol d’assise sans qu’il soit nécessaire d’intervenir sur les maçonneries existantes.
La reprise de la verrière
Afin de reprendre la charpente en superstructure, il fallait annuler les forces mettant en compression ou en traction les éléments de la structure.
La solution retenue fut de soulever la coupole centrale afin de supprimer les contraintes. Un tabouret de trente-cinq mètres a été fondé sur micropieux. Il a permis d’établir sous la coupole, un réseau de cinquante-quatre vérins qui ont soulevé de dix-sept millimètres la coupole centrale ; ceci s’est avéré suffisant pour annuler les contraintes sur la structure métallique montrant une nouvelle fois à quel point cette structure est peu souple.
Les pièces métalliques furent changées à l’identique, conservant le principe de pièces rivetées pour parvenir à la section suffisante. Les plans d’exécution fournis à l’entreprise Eiffel étaient relevés sur les plans d’origine, y compris pour les profils métalliques aux arêtes légèrement arrondies et les rivets. Vingt mille d’entre eux furent repris.
La peinture au plomb qui protégeait la structure fut sablée. Un système de filtrage a permis de recycler les poudres abrasives tout en récupérant la peinture ancienne pour l’évacuer. La couleur d’origine vert réséda pâle, était connue par les textes, sa teinte a été retrouvée sur un nuancier Ripolin TM de l’époque etn in situ, sous certaines plaques d’origine indiquant le nom des constructeurs.
Des analyses de pigment furent réalisées par le Laboratoire de recherche des monuments histo-
riques, ce qui permit de restituer précisement la teinte.
Le verre d’origine était du verre armé. Son rythme avait été modifié lors de travaux en 1964. La réglementation rendait obligatoire l’utilisation d’un verre feuilleté.
À l’issue de plusieurs essais, il est apparu que c’était le verre transparent qui se rapprochait le plus par son aspect d’un verre armé neuf et ce choix fut retenu.
Le rythme tramé sur celui de la structure du bâtiment a été restitué.
Même si les profilés en fer à T d’origine ont été remplacés par des profils en aluminium, ceux-ci reprennent la largeur des fers d’origine (mais ils sont plus épais). Grâce à cette intervention la transparence de la verrière est retrouvée et le rythme de l’ensemble respecté.
Le Grand Palais, chantier expérimental pour l’architecture française de l’époque, n’avait pas renoncé au décor. Celui-ci se retrouve sur les ouvrages en zinc estampés des couvertures. Peu lisible, il contribue à des effets de matière. Composé essentiellement de motifs de corde et de billettes, il joue avec la lumière et nous avons tenu à le restituer.
Les travaux en cours représentent un montant total de cent vingt-trois millions d’euros hors-taxe entièrement financés par le ministère de la culture et de la communication. Le mandat de maîtrise d’ouvrage a été confié à l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC).
Alain-Charles PERROT
Architecte en chef des monuments historiques