La lettre du président

Fluidité et permanence

Les pages de cette revue montrent, s’il en était besoin, que l’excellence prend toutes les formes, tous les styles, toutes les échelles. Cette fluidité du verre et celle de la lumière le révélant, la permanence du matériau transformant cette lumière en images jamais égales me font penser à la démarche du projet, alchimie complexe et variable mettant en scène des éléments tangibles qui seront mis en scène par l’énergie des hommes. La qualité architecturale et urbaine retenue dans cette revue sur le thème transversal du verre démontre, par la variété des projets et par les champs recouverts, qu’il n’y a pas de règle commune possible, mais que la réussite d’une entreprise est à chaque fois le résultat d’un partenariat.

Nous sommes au cœur de ce débat. Nous défendons la qualité architecturale et urbaine au quotidien. Nous le faisions auprès des cathédrales dans un cadre patrimonial, et parfois autoritaire, nous avons élargi notre intervention à la ville et à l’aménagement du territoire en tant qu’acteur public. Cette évolution de nos services doit s’accompagner des moyens pour remplir ces nouvelles missions. Il n’est pas question pour autant de négliger ou d’abandonner nos actions patrimoniales et traditionnelles qui sont notre socle commun. Elles ont façonné notre expertise et nous assurent cohérence et légitimité.

Après deux années de discussions et de mises au point, le statut rénové des architectes et urbanistes de l’État vient de paraître au journal officiel. Il donne plus d’importance au corps au sein du ministère et consacre, mieux qu’en 1993, nos missions transversales entre patrimoine et architecture. Par ailleurs, un architecte et urbaniste de l’État vient d’intégrer le cabinet du ministre de la Culture au poste de conseiller technique dans les champs de l’architecture et trois d’entre nous seront bientôt inspecteurs généraux. Ces décisions traduisent l’importance que notre ministre souhaite donner à l’architecture et aux architectes au sein du ministère, ainsi que le rôle essentiel des services départementaux dans l’application de cette politique de façon opérationnelle.

Nous avons l’appétit pour ces missions, mais nous n’y arriverons que si les conditions pour les exécuter le permettent. Au-delà de la question permanente des moyens, il faut que nous trouvions notre place dans la réorganisation des services déconcentrés de l’État. Elle doit rester départementale auprès du préfet. Je suis convaincu que c’est l’ancrage dans le territoire qui a façonné notre identité d’architecte des bâtiments de France et que c’est la connaissance du terrain et des hommes qui nous rend crédibles.

Dominique Letellier, Jacques Desvigne et Michel Conaut, architectes urbanistes de l’État, respectivement en poste à Toulouse, Macon et Paris nous ont quitté brutalement ces derniers mois. Ils ont toujours su défendre le regard sur le patrimoine, l’architecture et l’urbanisme que nous plaidons aujourd’hui, chacun avec une démarche propre à ses convictions et aux conditions locales. À leur épouse et à leurs enfants, l’ANABF et moi-même, exprimons nos condoléances émues et leur dédions ce numéro.

Philippe CIEREN
Président de l’association nationale des architectes des bâtiments de France

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