Une meilleure (re)connaissance de notre patrimoine souterrain

Hauts lieux du patrimoine souterrain
1- Massif d’Arbas et réseau Félix Trombe - Henne Morte (Pyrénées centrales)
2- Gouffre Berger - Cuves de Sassenages (Isère)
3- Grotte de la Cigalère (Ariège)
4- Karsts alpins du Faucigny - Haut-Giffre (Samoëns, Sixt, Platé) Savoie
5- Source intermittente de Fontestorbes (Ariège)
6- Grotte de la Luire et son bassin d’alimentation (Vercors)
7- Massif karstique du Marguareis (Alpes maritimes)
8- Grotte de Malaval (Lozère)
9- Aven Noir (grandes Causses)
10- Aven d’Orgnac (Ardèche)
11- Gouffre de Padirac et son réseau (Lot)
12- Phosphatières du Quercy (Causse de Limogne)
13- Massif de La Pierre-Saint-Martin (Pyrénées Atlantiques)
14- Fontaine de Vaucluse
15- Réseau Lachambre (Pyrénées orientales)
16- Grotte de Choranche (Isère)

Le patrimoine souterrain en France, par sa diversité et sa richesse, est exceptionnel. Grâce à l’activité des spéléologues qui s’est développée depuis le milieu du XIXe siècle, près de cent mille cavités naturelles ont été découvertes à ce jour sur le territoire national. Cependant, si la notoriété des grottes ornées est depuis longtemps avérée auprès du grand public, celle des cavités naturelles l’est beaucoup moins. Or, certaines de ces cavités constituent un patrimoine précieux, notamment pour l’étude de l’histoire de notre planète et de son climat.

Espaces souvent encore vierges, elles peuvent receler de véritables trésors pour la connaissance de la nature. Milieux encore très peu accessibles, ils restent à découvrir et sont tout aussi fragiles que des grottes ornées. Aussi, faut-il se réjouir que la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ait étendu les mesures de protection légales applicables jusqu’à présent aux seuls biotopes, c’est-à-dire au patrimoine
biologique en général, aux géotopes, c’est-à-dire au patrimoine géologique.

Comité national du patrimoine souterrain (CNPS)

La création de ce comité en avril 2007 correspondait à notre engagement de mettre en place une haute instance d’expertise pour évaluer, notamment, les conditions de gestion d’un ensemble exceptionnel de dix-huit grottes proposé au patrimoine mondial de l’Unesco et intitulé « Les concrétions des grottes françaises, témoins de fonctionnement du karst et orchives des paléoclimats ». Une association de leurs gestionnaires, devenue aujourd’hui l’association de valorisation des cavités françaises à concrétions (AVCFC) fut aussi constituée dans la même perspective.

En effet, au terme d’une aventure menée de 1999 à 2007 à travers plusieurs dossiers, réorientations et encouragements à poursuivre, les expertises internationales conduites par
l’UICN ont conclu que les concrétions ne pouvaient constituer par elles-mêmes des “objets” susceptibles d’être inscrits au patrimoine mondial et ont jugé insuffisantes les analyses comparatives produites. Toutefois, ces expertises ont aussi reconnu la qualité exceptionnelle de certaines cavités présentes en France et l’étude thématique mondiale sur les systèmes karstiques de l’UICN publiée en 2008 ne ferme pas totalement la porte quant à la possibilité d’autres inscriptions sur la Liste du patrimoine mondial de sites karstiques, y compris en Europe, même si cet organisme pose un degré d’exigence accrue compte tenu de la qualité des biens déjà inscrits. Après l’abandon du dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco, l’avis des experts du CNPS a été sollicité sur les possibilités de constituer un nouveau dossier. Bien que certains de ses membres ont fait valoir leurs doutes quant au succès d’une telle ambition, tous ont accepté de réfléchir à une toute première sélection de sites souterrains français susceptibles de présenter, selon les termes de la Convention internationale, une Valeur universelle exceptionnelle (VUE). Un tout premier inventaire a permis d’identifier seize sites majeurs. Sa valorisation mérite de se poursuivre avec l’aide, notamment, de la Fédération française de spéléologie et des réseaux associatifs constitués et, dans cet objectif, la poursuite de l’ambition d’une candidature au patrimoine mondial ne doit pas être abandonnée. La préparation d’un nouveau dossier de candidature au patrimoine mondial lié à la géologie, karstique ou autre, devrait permettre d’améliorer la connaissance et la reconnaissance d’un patrimoine spécifique qui reste encore à valoriser dans notre pays.

Un patrimoine français spécifique

Le patrimoine souterrain, ce sont des réserves d’eau et des milieux naturels d’un grand intérêt scientifique, des paysages souvent remarquables et objets d’un fort attrait touristique (en France, cinq millions de visiteurs dans cent six grottes aménagées), mais aussi des sites culturels d’importance (grottes ornées, mines anciennes) et des habitats naturels variés et spécifiques. Ces derniers abritent souvent une faune exceptionnellement riche (vertébrés et invertébrés rares et endémiques) et présentent tous les mêmes caractéristiques (obscurité, absence de végétaux verts, ressources alimentaires limitées et température peu variable). C’est, enfin, un milieu conservatoire très vulnérable, qui ne se renouvelle pas à l’échelle humaine, d’accès limité et peu connu. Il exige une protection et des moyens adaptés à sa spécificité.

C’est pourquoi, bien d’autres sujets tels que les inventaires, la sécurité, les mines et carrières, ont été soumis à l’attention du CNPS, instance qui a permis de réunir les principaux acteurs et experts de ce domaine (administrations, gestionnaires, spéléologues et scientifiques de nombreuses disciplines). Ainsi, en 2010, il a établi une liste de sites souterrains à protéger dans le cadre de l’élaboration de la Stratégie de création des aires protégées (SCAP), selon une démarche parallèle à celle menée par la Conférence permanente du patrimoine géologique pour les sites d’intérêt géologique “de surface”.

Nous espérons qu’à la suite du dossier de la Grotte Chauvet présenté par la France au patrimoine mondial, au moins l’un de ces sites, voire un autre découvert demain, puisse contribuer à la connaissance et à la reconnaissance au niveau mondial de ce patrimoine naturel encore trop ignoré.

En effet, après plus de dix années consacrées à la protection des sites dans notre pays, je souhaite témoigner dans votre revue de mon émotion, mais surtout de mon étonnement lors de ma visite du Réseau Lachambre et de son Canyon blanc, visite organisée en 2002 par Patrick Cabrol, Bertrand Creuchet et Philippe Démeron, infatigables défenseurs des grottes et du patrimoine souterrain en France.

Si mon émotion avait été alors aussi forte que face à l’art pariétal exceptionnel de Chauvet, mon étonnement avait, en revanche, été tout autre. Je me suis dit que ce n’était vraiment pas la peine d’aller sur la Lune où sur Mars pour découvrir des milieux ou des paysages véritablement “extraterrestres” : ils sont ici, sous nos pieds, sous et dans une terre qui
reste à découvrir, à explorer et à mieux connaître. sans la détruire bien évidemment !

Cet article s’appuie sur les travaux du pré-inventaire du patrimoine naturel souterrain français d’intérêt mondial mené par le CNPS de 2007 à 2010.

Catherine BERGEAL
DGALN, ministère du Développement durable, conseillère auprès du directeur général