Situé au cœur du bois de Boulogne, le Jardin d’acclimatation a été créé sous le Second Empire lors de travaux d’aménagement des parcs urbains parisiens.
Leurs fonctions d’origine participaient d’une volonté d’éduquer le public à une nature domestiquée. À la même époque étaient créées les Séries artistiques de la forêt de Fontainebleau : première mesure mondiale de protection d’un site naturel et première appréhension culturelle du paysage.
Au bois de Boulogne, la direction des opérations revient à Louis-Sulpice Varé et Jacques Ignace Hittorff. Après la nomination de Jean-Charles Alphand, se dessine le Jardin d’acclimatation. La conception est confiée à l’architecte Gabriel Davioud et au paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps.
Son plan d’origine suit une longue ellipse articulée par une rivière formant vallon. L’ensemble géographique, traité comme une vaste clairière, est ponctué de scènes pittoresques, grottes, refuges pour les oiseaux… la cohérence organisée par les paysagistes du XIXe siècle disparaît peu à peu au profit d’un espace forain.
Un nouveau projet en 2007
Le groupe Louis Vuitton Moët Hennessy entend ériger en périphérie sud du Jardin d’acclimatation un projet ambitieux le long de l’avenue du Mahatma Gandhi. L’opération dans un site classé depuis 1957, conçue par Frank O. Gehry et exécutée par Studios architecture, nécessite des démolitions du bâti adventice pour restituer les emprises originelles du jardin. Dans la canopée du bois de Boulogne, le terrain une fois dégagé, émerge à quarante-cinq mètres de haut la volumétrie sombre du musée des Arts et Traditions populaires, retenu sur la liste du Patrimoine du XXe siècle. Réalisé en 1969 par Jean Dubuisson, il est actuellement désaffecté.
Le projet de la fondation favorise l’art contemporain en France et se dote d’une enveloppe architecturale conçue comme œuvre d’art. Le programme s’impose au site classé et cohabite avec un immeuble dont le devenir reste indéterminé. Cette coexistence constitue donc un front bâti le long de l’avenue du Mahatma Gandhi. Le projet, exceptionnel dans son expression comme dans sa démesure, pose la question de la remise en état du site, la concession s’achevant vers 2015. Enfin, les surfaces du nouveau bâtiment apparaissent réduites par rapport à son importance volumétrique. Si le projet marque fortement le site, il ne manque pas de le requalifier.
Les périmètres d’intervention
L’aire de programmation correspond à la concession reconduite en 1995 à la S.A. Jardin d’Acclimatation, filiale de LVMH, jusqu’en 2015. Elle ne comprend ni le club hippique ni le musée des Arts et Traditions populaires, détachés de la concession en 1952.
Le périmètre d’intervention du projet paysager, qui couvre environ six hectares, non compris la parcelle de la Fondation (parcelle de 10 675 m2 attribuée de manière indépendante à la Fondation par convention d’occupation domaniale pour cinquante-cinq ans correspondant au socle du nouveau bâtiment et aux miroirs d’eau), dont environ quatre hectares pour les espaces de proximité et deux hectares pour les terrains proches des entrées des Sablons et de Neuilly, englobe le trottoir nord de l’avenue du Mahatma Gandhi sur le territoire de la commune de Paris.
Le schéma directeur
Les grands principes retenus par l’équipe du paysagiste Philippe Deliau ont pour but de retrouver l’espace central autour de la rivière et de rétablir les perspectives générales depuis l’entrée et les points de vue d’une fabrique à l’autre :
• prolonger l’espace dégagé par une vaste clairière incluant la Fondation dans le réseau.
• redessiner le parcours en simplifiant le réseau d’allées.
• réorganiser la répartition des bâtiments entre cœur et franges en référence à la disposition originelle
• redonner aux franges leur vocation d’activités de loisirs.
Le projet paysager s’appuie sur cinq principes
• Un bâtiment dans la forêt : l’architecture du bâtiment occupe sans ambiguïté une position émergente. Elle crée un dialogue entre la masse boisée et le ciel et devient un signal pour Paris, « le Bois et le Jardin ».
• Un bâtiment traversant : l’entrée sud du jardin par le bâtiment devient de facto privatisée.
• Des lisières différenciées par un double traitement : côté jardin, l’allée Alphand, légèrement déplacée vers le nord, est bordée par une trame arborée qui s’interrompt devant l’entrée de la Fondation pour la mettre en scène depuis la clairière et côté avenue du Mahatma Gandhi, la lisière se fait de moins en moins dense d’est en ouest, se transformant en un parvis minéral.
• Les jardins de la Fondation formant socle du bâtiment de la fondation avec le miroir d’eau.
• Requalification du Jardin d’Acclimatation. Conçu à l’origine comme un espace jardiné, composé de “micro-paysages” destinés à évoquer une nature à échelle réduite, il mettait en scène des “fabriques” de faible hauteur. Ces bâtiments se répondaient. C’est tout ce jeu subtil de correspondances et d’échelles miniatures qui permet d’oublier la relative petitesse du jardin : environ huit cents mètres de long sur trois cent soixante mètres dans sa plus grande largeur.
L’octroi d’une dérogation pour construire en site classé est étroitement lié à sa mise en valeur. Or le projet architectural dépasse par son ambition et sa volumétrie l’échelle du site classé et de ses environs, et a fortiori celle du Jardin d’acclimatation, qu’il assujettit et polarise. Du projet paysager entièrement inféodé au propos architectural, surgit cependant une volonté de requalification d’un site altéré, par la reconquête des espaces paysagers, leur traitement selon des documents historiques, et l’édification d’un objet architectural exceptionnel par son expression abritant un équipement culturel d’art contemporain attractif pour une capitale mondiale.
Frédéric Auclair
ABF, SDAP de Paris