Transbordeur
 de Martrou, de la restauration d’un ouvrage d’art au chantier école d’une restitution patrimoniale

Réalisé entre 1898 et 1900 sur le lieu-dit de Martrou en Charente-Maritime, le pont transbordeur assure, par un moyen révolutionnaire pour l’époque, le franchissement de la Charente entre les communes de Rochefort et d’Échillais.

le pont transbordeur de Matrou dans son aspect d’origine

L’ouvrage long de 175,50 mètres et haut de 66,25 mètres, projette son tablier à 50 mètres au-dessus du niveau des plus hautes eaux et transporte piétons et véhicules d’une rive à l’autre par le biais d’une nacelle suspendue à fleur d’eau. L’ouvrage, témoin des constructions métalliques de cette époque, a été conçu et réalisé par l’ingénieur et industriel Ferdinand Arnodin qui, considéré comme l’inventeur du pont transbordeur, est à l’origine de plusieurs ouvrages en France et dans le monde.
Victime d’une utilisation intensive, le tablier en treillis haubané du pont initial a été remplacé en 1933 par un tablier suspendu à âme pleine encore visible aujourd’hui. Cette modification a fait perdre à l’ouvrage une partie de la transparence et la légèreté caractéristiques du travail d’Arnodin.
Supplanté par la mise en place d’un pont à tablier levant en 1967 pour répondre à l’augmentation du trafic, le transbordeur de Martrou échappe à la destruction grâce à son classement au titre des monuments historiques le 30 avril 1976. Propriété de l’État affectée au ministère de la Culture et gérée par la Communauté d’agglomération de Rochefort Océan, il n’est depuis utilisé qu’en saison estivale à des fins touristiques. Unicum en France, il figure parmi les huit ponts transbordeurs qui subsistent dans le monde.
Alertée par plusieurs ruptures de câbles survenues à partir de 2010, la Direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes a missionné l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, associé au bureau d’études Artcad, pour réfléchir à la mise en sécurité et à la restauration générale de l’ouvrage. Le 3 septembre 2012, la Commission nationale des monuments historiques a validé le principe de restitution de l’ouvrage dans son état originel. Le périmètre des travaux comprend alors la restauration des pylônes et le remplacement des câbles et suspentes, la dépose complète du tablier à âme pleine existant, sa dépollution et son remplacement par un tablier neuf de type « Arnodin » haubané, ainsi que la réduction des massifs d’ancrage modifiés dans les années 30.

Fin 2014, devant l’ampleur de l’opération qui s’annonce, le ministère décide de confier la restauration du pont à l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic).
Compte tenu des enjeux politiques, logistiques, patrimoniaux et environnementaux qui entourent l’opération, la mission de l’Oppic a consisté à poursuivre les études de maîtrise d’œuvre en lien avec la Conservation régionale des monuments historiques et les collectivités, à compléter les diagnostics avant travaux et à solliciter les autorisations de travaux au titre des codes du patrimoine et de l’urbanisme mais également du site classé, des zones écologiques et humides, de la navigation maritime et des remontées mécaniques (l’ouvrage relevant de la catégorie des « transports guidés »). Un dialogue compétitif a ensuite été lancé pour désigner une entreprise générale. Cette procédure, décrite par les articles 36 et 68 du code des marchés publics et menée sur une période de neuf mois, a permis de réunir un jury composé de l’ensemble des acteurs concernés par la restauration de l’ouvrage et d’offrir aux entreprises soumissionnaires la possibilité d’élaborer, à l’occasion de plusieurs sessions de discussion, le meilleur parti de restauration de cet ouvrage singulier, dans le respect des préconisations patrimoniales, techniques, méthodologiques et économiques édictées par le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre. À l’issue de la consultation et de l’analyse des offres reçues, la solution retenue intègre la restauration du pont et la restitution du tablier dans son état 1900 dans un dispositif de chantier école visitable.

La nacelle en pleine traversée. Source Wikipédia

Dans l’esprit du chantier de reconstruction de l’Hermione et en réponse à l’inquiétude des collectivités qui craignaient une baisse de l’offre culturelle locale pendant la fermeture du pont, des ateliers de travail forains associés à un parcours didactique permettront, in situ, une lecture des techniques d’assemblage des éléments métalliques constitutifs de l’ouvrage.
En partenariat avec la Communauté d’agglomération de Rochefort Océan et les villes de Rochefort et d’Échillais, des jalons événementiels seront organisés à l’occasion des interventions spectaculaires de dépose et de repose des modules de tablier dont le transport sera assuré via une barge sur le fleuve.
Pendant toute la durée de l’opération, les collectivités mettront également en place une navette fluviale de substitution et assureront les missions de médiation et d’accueil du public.
Après une période de préparation, le démarrage des travaux est prévu au printemps 2016 dans l’objectif d’une livraison du pont restauré à la fin de l’année 2018.

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