La lettre du président

Un procès d’intention…
La mise en cause d’un architecte des bâtiments de France a suscité une vive émotion au sein de notre association. Attachés à notre métier, soucieux de la qualité et de l’efficacité de notre action, nous avons eu le plaisir de recevoir nombre de témoignages reconnaissant la compétence de l’ABF et la légitimité de ses missions. En tant que Président de l’ANABF, j’ai tenu à associer à cette tribune libre, Gérard Larcher, vice-président du Sénat et président de l’Union des maires des Yvelines, particulièrement sensible à notre cause.

La parution récente d’articles de presse mettant en cause la compétence libérale des architectes des bâtiments de France, suspectés de partialité dans leurs missions de service public, nous conduit à préciser certains points essentiels éludés par les commentateurs.

Une activité libérale fortement règlementée

Lors de la création du corps des architectes et urbanistes de l’État en 1993, le Conseil d’État a confirmé le droit d’exercice d’une activité libérale pour ces fonctionnaires habilités à exercer leurs compétences auprès d’une clientèle privée à l’image des médecins hospitaliers ou des juristes-enseignants. Précisons que l’exercice de cette activité libérale est fortement règlementée avec des revenus plafonnés et un contrôle étroit de l’administration de tutelle.

Dans ces conditions, le procès de partialité intenté aux architectes des bâtiments de France apparaît infondé au regard des contraintes très fortes qui pèsent sur cette profession dans l’exercice libéral de son métier.

Une polémique aux justifications douteuses

Plus grave, cette polémique dont les justifications me semblent douteuses, jette le discrédit sur les rapports de confiance et d’échanges qui se sont renforcés, au fil du temps, entre l’élu et l’architecte expert des bâtiments de France.

La spectaculaire évolution qu’a connue la notion de patrimoine ces vingts dernières années a, de fait, fortement modifié la nature de cette relation. Ne raisonnant plus en termes de prérogatives mais de compétences, les architectes des bâtiments de France sont devenus les partenaires attentifs des élus et du public.

L’institution de commissions régionales du patrimoine et la création en 1983 des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ont consolidé plus encore la relation de dialogue et de concertation entre le maire et le Service départemental de l’architecture et du patrimoine.

Une remise en cause indirecte des acquis des lois de décentralisation

Mettre en doute l’intégrité et l’attachement à la cause du service public des architectes des bâtiments de France équivaut indirectement à remettre en cause les acquis fondamentaux des lois de décentralisation. Aujourd’hui, l’État n’est plus le seul maître du jeu et ses fonctionnaires dialoguent de plus en plus sur le terrain avec les élus. Plus essentiel, État et collectivités assurent une responsabilité partagée de la qualité du cadre de vie, de l’aménagement du territoire, de la protection du patrimoine, ainsi que de l’environnement dans son sens le plus large. Il convient de défendre ces deux notions essentielles qui nous semblent aujourd’hui bafouées au travers des attaques formulées en direction de ce corps particulier, sans lequel les élus se trouveraient dans l’incapacité de sauvegarder des éléments significatifs du patrimoine national, régional ou local.

Bruno CHAUFFERT-YVART
Président de l’association nationale des architectes des bâtiments de France
et Gérard LARCHER
Vice-président du Sénat
Sénateur-maire de Rambouillet

Dans le même dossier