Ardoisières d’Ardenne

Le département des Ardennes recherche le désenclavement de la vallée industrielle de la Meuse et l’émergence d’un pôle de développement transfrontalier. L’ardoise, matériau traditionnel de production et de construction, en Belgique comme en France, s’inscrit comme une action phare des deux côtés de la frontière. La zone géographique couverte s’étend de Sedan, Carignan et Charleville à Bouillon, Namur et Luxembourg.

Cette orientation touristique d’une activité qui remonte au Moyen-Âge est soutenue depuis deux contrats de plan et financée par le programme INTERREG. Les sites français concernés, Rimogne et Fumay, n’ont pas encore atteint la reprise culturelle des sites belges de Martellange et Warmifontaine. En effet, il s’agissait de trouver des fonctions spécifiques pour chaque site, afin de lancer un circuit et, éventuellement, de créer un Pays d’art et d’histoire.

Rimogne

La carrière de Rimogne produisait depuis le Moyen-Âge une ardoise argentée, très prisée pour les couvertures et la restauration des monuments historiques. L’exploitation s’opérait en souterrain, les bons filons gisant aujourd’hui à soixante mètres de profondeur ; elle a cessé dans les années 70 et s’est restreinte à la production de paillettes qui servent à colorer le shingle, notamment en Allemagne, ainsi qu’à la farine d’ardoise utilisée pour les cosmétiques. L’entreprise ne compte aujourd’hui que douze ouvriers et ne peut assurer l’investissement nécessaire à de gros chantiers de type monuments historiques. Le site ne jouit d’aucune protection et le Conseil général, en 1997, a créé une Maison de l’ardoise où des maquettes et un puit de descente du XVIIIe siècle. retracent le mode de vie des ardoisières. Une relance de l’activité traditionnelle reste conditionnée par l’ouverture touristique et la mise en réseau de l’autre côté de la frontière.

Fumay

Le site escarpé de Fumay, situé au-dessus de la Meuse, est fermé depuis plus de vingt ans et a été racheté en 1968 par Rimogne, vraisemblablement, en partie, pour évincer les Ardoisières d’Angers . Un petit artisanat d’ardoises à affûter et de sols en opus incertum perdure, mais le niveau élevé des nappes phréatiques proches de la rivière, qui provoquent l’inondation des souterrains, interdisent toute reprise d’activité à grande échelle. Le Canada et le pays de Galles ont substitué leur production à celle de Fumay. En revanche, l’aspect pittoresque du bourg bâti sur les falaises et les nombreuses descenderies d’ardoisières représentent un atout culturel que peut venir renforcer le musée municipal de l’Ardoise.

Belgique

Les deux sites de Martellange et de Warmifontaine produisent, encore aujourd’hui, une ardoise noire destinée à la restauration des monuments de Wallonie. Bertrix, au nord de Bouillon, se consacre aux faiziaux, bris d’ardoise posés sur des couvertures en terre. La filière ardoise jouit du soutien des pouvoirs publics et s’est assuré des débouchés, principalement dans les domaines de la décoration et du mobilier de plein air. Des circuits de visite sont organisés chez les artisans, favorisant la découverte d’un savoir-faire et la vente de souvenirs. Chaque année, au salon Technipierre de Liège, l’ardoise ardennaise fait l’objet d’une promotion.

Échanges transfrontaliers

Les deux cent mille visiteurs du château de Bouillon, qui est déjà jumelé avec le château de Sedan, constitue un public potentiel pour conforter un projet culturel sur l’ardoise, sa technique, ses utilisations… qui pourrait également générer des classes du patrimoine et des stages de formation par la CAPER, tels ceux consacrés au maintien des techniques de couverture locale comme les faisiaux, écailles d’ardoises brutes posées sur une couche de terre argileuse pour des toitures à faible pente. Des stages de demandeurs d’emploi ont été organisés avec succès en Belgique par FOREM et Rimogne pourrait accueillir un centre de formation et de spécialisation d’ardoisiers- couvreurs ainsi qu’un chantier école. Cette reprise d’activité, en liaison avec la Belgique, exercerait un pouvoir d’attraction auprès des visiteurs. L’organisation d’une visite de galeries souterraines et d’un atelier de production avec explication des techniques et des outils devrait retenir le public. À Fumay, compte tenu du pittoresque du lieu, un développement touristique commun pourrait embrasser la vallée de la Meuse, ne pas se limiter aux ardoisières, mais englober le patrimoine rural et s’étendre à une vision de la société locale. La province de Namur soutient activement ce projet de partenariat transfrontalier.

La coopération entre les deux pays favoriserait l’identité forte du massif de l’Ardenne à travers la thématique des ardoisières et permettrait de décliner une série de produits touristiques sur l’ensemble des anciens sites d’exploitation.

Véra PROSZYNSKA
journaliste
Propos recueillis auprès de Jean-Lucien Guenoun

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