Les traités de Rome et de Maastricht n’accordent pas de compétences directes à l’Union européenne en matière d’architecture, ni d’urbanisme. Les zones urbaines y sont considérées, au même titre que les zones rurales, les zones littorales et les zones de montagne, et sont soumises au principe de subsidiarité. Elles ont, cependant, la particularité de rassembler 80 % de la population de l’Union et deviennent ainsi la cible “privilégiée” de toutes les politiques européennes.
La Commission est, de plus, amenée à porter une attention croissante aux questions urbaines… D’une part, parce que les problèmes s’y multiplient et, d’autre part, parce qu’elles sont les moteurs du développement régional. Aussi est-ce surtout dans le cadre de la Politique régionale et de la cohésion (Direction Générale XVI), que sont abordées ces questions, l’objectif étant de réduire les écarts de développement entre les régions et, parmi elles, les villes et leurs quartiers.
Le développement était autrefois mesuré par le taux de chômage et le produit intérieur brut
par habitant. Aujourd’hui, s’impose la nécessité d’y ajouter des critères plus qualitatifs.
La communication de la Commission aux États-membres
“La question urbaine, orientations pour un débat européen” : adopté en mai 1997, c’est le premier document de la Commission qui réunit, en un cadre commun, toutes les approches sur les questions urbaines. Il donne sa légitimité à un programme urbain pour l’Union européenne.
La communication cherche à lancer un débat à l’échelle européenne sur le futur des villes.
Elle affirme l’idée que seules des réponses intégrées (approche multisectorielle) peuvent faire face aux problèmes urbains et que cela implique le développement de stratégies de régénération globale pour les villes, avec le consensus le plus large et l’engagement de tous les partenaires.
On est ici assez proche des ambitions de la “Politique de la Ville” menée en France, bien que l’aspect économique soit moins développé dans cette dernière et que le traitement des espaces le soit plutôt plus.
Un autre point fort est que la ville doit être appréhendée au sein de sa région, si l’on veut qu’elle soit véritablement moteur pour le progrès économique durable et qu’elle puisse combattre ses problèmes internes de dégradation.
Ce document doit provoquer les réactions et commentaires de l’ensemble des intervenants : autres institutions européennes, ministères en charge de la ville dans les différents états, associations, spécialistes de toutes disciplines…
Les actions en cours
Certaines actions sont déjà menées en milieu urbain sur la base des fonds structurels qui sont les instruments financiers de la politique régionale (essentiellement le FEDER -Fonds européen de développement régional- et le FSE -Fonds social européen-). À côté des programmes opérationnels d’initiative nationale, dont une partie s’applique de fait dans les villes, les principales interventions en milieu urbain sont l’initiative communautaire URBAN, les projets pilotes urbains et l’Audit urbain.
Les programmes d’initiative nationale
Ils représentent 90 % des fonds structurels. Ils donnent lieu à des documents de programmation (DOCUP) ou à des Cadres communautaires d’appui (CCA), réalisés en partenariat entre la Commission européenne, les États et les régions. Deux de leurs axes prioritaires ont une incidence forte sur les zones urbaines :
- l’aide aux régions en retard de développement (objectif 1),
- l’aide à la reconversion des régions touchées par le déclin industriel (objectif 2).
Identifier la part de ces fonds qui agit sur les villes est une entreprise difficile car elles sont incluses dans les régions concernées par les programmes. On estime, cependant, que 40 % environ du budget total du FEDER pour les zones d’objectifs 1 et 2 sont consacrés au développement urbain dans les quinze États-membres.
En France, l’objectif 1 concerne la Corse, le Hainaut et les D.O.M. et 56 % du budget du FEDER sont consacrés au développement urbain.
Pour les programmes de l’objectif 2, en France, l’incidence financière des zones urbaines sur le FEDER va de 30 % (Centre, Auvergne, Languedoc-Roussillon) à 75 % (Basse-Normandie, Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Pays-de-Loire, Poitou-Charente).
L’initiative communautaire URBAN
Les programmes d’initiative communautaire (PIC., 9 % des fonds structurels) sont des instruments spécifiques de la politique structurelle que la Commission propose aux états- membres de sa propre initiative. Parmi eux, URBAN est conçu pour la réhabilitation des quartiers urbains en crise. Environ cent quize programmes URBAN ont été approuvés depuis 1994 sur la base des préoccupations suivantes :
- le taux de chômage
- les niveaux d’instruction
- le taux de criminalité
- le pourcentage de prestataires sociaux
- le mélange socio-ethnique
- le délabrement de l’environnement
- la détérioration des transports publics
- la médiocrité des équipements locaux.
Ce sont là des problèmes majeurs de la société contemporaine et la Commission, par cette initiative, doit tenter d’aider les autorités locales à « mettre en place les équipements nécessaires pour attirer l’activité économique et créer un climat de confiance et de sécurité pour les habitants des régions concernées tout en les intégrant à la vie économique et sociale normale.»
En France, les programmes URBAN approuvés sont ceux de : Amiens, Aulnay-sous-Bois, Les Mureaux, Lyon, Marseille, Mulhouse, Roubaix-Tourcoing, Valenciennes et, récemment, Montfermeil et Bastia. Ils bénéficient environ de quatre à sept millions d’Ecus de subventions communautaires chacun, répartis entre le FEDER et, à un moindre titre, le FSE.
Les projets pilotes urbains (PPU)
Les fonds structurels financent par ailleurs, pour 1 % de leur budget, des études et projets pilotes à caractère innovant. Parmi eux, figure l’action “projets pilotes urbains” (PPU) qui vise cinquante-neuf projets subventionnés à raison de deux à trois millions d’Ecus chacun, de 1989 à 1999, autour de quatre grands thèmes :
- le développement économique des zones connaissant des problèmes sociaux,
- les actions en faveur de l’environnement à des fins économiques,
- la revitalisation des centres historiques,
- l’exploitation des avantages technologiques des villes, sur la base des principes de sélection suivants : présenter de nouvelles approches, avoir un potentiel de démonstration évident de manière à ce que les autres villes puissent s’en inspirer, contribuer au développement des régions où se situe la ville.
En France, les projets pilotes urbains retenus sont : Marseille, Montpellier, Lyon, Toulouse, Bordeaux (deux fois) et Besançon.
L’Audit urbain
Toujours au titre des actions novatrices (article 10 du FEDER), a été lancé un Audit urbain visant à mesurer des indicateurs liés à la qualité de la vie dans cinquante des plus grandes villes européennes.
L’enquête comprendra un certain nombre d’indicateurs sociaux, économiques, culturels et environementaux, correspondant à des données, parfois existantes, parfois à collecter sur le terrain. Les résultats devraient fournir à la Commission un “état des lieux” pour ces villes, réparties dans les quinze États-membres, et lui permettre d’ajuster ses actions à venir.
Cet outil sera ensuite mis à la disposition de toute ville désireuse de s’en servir. Elle pourra ainsi s’auto-diagnostiquer, et échanger avec les villes européennes ayant des caractéristiques ou des problèmes similaires.
Agenda 2000
En vue de l’accession de cinq (plus un) nouveaux États à l’Union, la Commission prépare une réforme des fonds structurels présentée dans son programme Agenda 2000. La cohésion économique et sociale reste une priorité et doit être adaptée à l’élargissement pour la période 2000-2006. Cela nécessitera de réduire la couverture des populations touchées par ces fonds. Ce document envisage aussi une simplification de la définition des fonds structurels et de leur usage.
Les sept objectifs qui régissaient précédemment l’éligibilité des programmes seront réduits à trois, dont l’un d’entre eux (l’objectif 2) couvrirait les zones subissant des restructurations économiques et sociales majeures : les quartiers urbains en difficulté en feraient partie.
Les initiatives communautaires passeraient de treize à trois. Le principe des actions novatrices serait maintenu. La définition de ces nouveaux instruments est en cours.
Le Forum urbain
L’avenir des actions européennes en milieu urbain fera l’objet d’un Forum urbain qui aura lieu à Vienne (Autriche) en novembre 1998. La Commission y rassemblera un grand nombre de responsables élus, techniciens, experts, associations, prenant en compte les réponses à la communication qui fait actuellement l’objet d’un débat ouvert.
Nous sommes dans une période transitoire où la question de la ville est en pleine évolution. Le bilan des actions déjà menées est à faire. Les autres institutions européennes comme le Parlement et le Comité des régions insistent sur la nécessité de mettre l’accent sur les zones urbaines.
La réflexion à l’échelle du territoire qui est menée au sein de la Commission au titre du Schéma Directeur de l’Espace Communautaire (SDEC) accorde un rôle croissant aux villes dans le développement et l’équilibre des régions européennes.
Permettre aux États-membres d’aborder conjointement dans les villes les hommes et leur cadre de vie, d’en exploiter les atouts, comme d’en stopper les dégradations et d’en infléchir positivement l’évolution, tels sont les enjeux qui s’imposent aujourd’hui à l’échelon européen. La confrontation entre les différentes versions de l’approche intégrée des villes est sans doute source d’enseignements pour les responsables français tant élus que professionnels. Il est urgent d’associer tous nos efforts si nous voulons pouvoir transmettre à nos enfants ces villes fondatrices de la démocratie et de la citoyenneté européenne.
Mireille GRUBERT