Chaque ville tisse sa propre histoire et, pour l’architecte, intervenir dans sa composition,
revient souvent à occuper, à privatiser un vide vacant et disponible.
Je me suis toujours attaché dans mes réalisations, notamment en milieu urbain dense, à ne jamais oublier cela et à donner la ville en partage. Les formes de mes bâtiments se creusent de manière à offrir de l’espace libre, de l’espace commun, afin d’accuser la profondeur de la ville. C’est le cas à Belleville et Oberkampf, bien que ces deux immeubles, en raison de leur position géographique et de leur inscription dans des quartiers très distincts, connaissent des évolutions très différentes. Le premier accorde toujours une respiration à un boulevard où domine la mixité à la fois sociale et ethnique : le second, enclavé dans une rue dorénavant envahie par la vie nocturne, sert de trop-plein aux noctambules et perd sa fonction conviviale. Dans le moindre détail de mes constructions, je recherche à transmettre la dimension poétique que toute ville porte secrètement en elle et je n’hésite pas, comme les architectes des XVIIe et XVIIe siècles, à introduire de la fantaisie.
L’immeuble d’habitation de la rue Pelleport crée une attraction visuelle et physique : il convoque la ville à ses pieds et rend aux habitants un horizon. L’expressivité de l’architecture est nécessaire à la ville, ce qui explique le franc succès rencontré par Frank Gehry. J’apprécie, moi aussi, ce côté festif. Et quand l’enjeu s’y prête, je n’hésite pas à m’affranchir des standards. La crèche des Récollets, première pièce urbaine d’un îlot en reconstruction, tout comme le théâtre de Blois, procède de cette réflexion. Ces bâtiments intriguent et le questionnement qu’ils posent favorise l’échange et incite au parcours.
Dans le cadre des projets et des concours, je m’attache toujours à poser des jalons pour redonner à leur contexte une qualité perdue ou occultée.
Frédéric BOREL
Architecte, grand prix de l’architecture 2011