Regard sur les architectes des bâtiments de France

Interview de Michel Rebut-Sarda

PA : Vous avez toujours manifesté de l’intérêt pour les ABF, leur action et les conditions d’exercice de leurs missions, vous me le confirmez en acceptant cette interview. Cependant cette disposition paraît plutôt isolée au sein de la direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA). Les ABF semblent être les grands absents, comme le laissent transparaître les discours de la ministre de la Culture, les réunions de l’administration centrale ou la préparation de colloques.
M. R-S : Il est juste que les réflexes administratifs au sein du ministère de la Culture ne prennent pas suffisamment en compte les ABF. Cette tendance s’explique historiquement. L’architecture n’était plus une discipline administrative naturelle à la Culture ; l’échelon départemental n’est pas un territoire familier au sein de ce même ministère où la réflexion s’est toujours poursuivie à l’échelle des régions.

PA : Les ABF sont-ils clairement identifiés au sein de la DAPA et bénéficient-ils de la confiance de l’administration dans l’accomplissement de leurs tâches et constituent-ils des relais indispensables aux politiques nationales ?
M. R-S : La DAPA cherche à positiver la vision des ABF et à sensibiliser les élus à la pertinence de leur mission. En général, les ABF sont perçus sous l’angle de leurs missions patrimoniales obligatoires et considérés comme un corps de fonctionnaires aux avis contraignants dont le discours n’est pas toujours suffisamment argumenté.
Leur mission architecturale n’est pas assez soulignée et la DAPA a donc décidé d’insister sur ce domaine et de le développer. D’autant plus que le goût manifeste de notre directeur pour la critique et la création artistiques le conduit à renforcer le rôle des ABF en matière d’architecture contemporaine. Leur pratique y est dépourvue de prérogatives administratives et exige un effort d’adaptation, mais j’ai pu déjà constater que ce réflexe était présent chez une grande partie des ABF, comme en témoignent les thèmes développés dans leur revue.

PA : N’est-il pas prématuré de renforcer les responsabilités des ABF alors qu’ils souffrent de manque de moyens et d’effectifs ?
M. R-S : Il est certain que les DDE, aux missions très ciblées et aux moyens conséquents, permettaient aux SDAP de bénéficier d’un appui local qu’ils n’ont pas retrouvé auprès des DRAC trop éloignées et aux effectifs plus réduits. La DAPA cependant, consciente de l’attente des SDAP, a, dans un premier temps, compensé les départs vers le ministère de l’Équipement en mettant en place un nouveau corps de techniciens culturels et, actuellement, a dégagé un budget annuel de vingt millions de Francs pour centrer ses efforts sur les locaux et le matériel.
Enfin, la création des CRPS a été finalement, telle que nous l’avons mise en place ensemble, positive ; elle favorise la concertation et sert aux ABF de plateforme d’élaboration d’une réflexion commune et de positionnement, leur permettant de compenser leur sentiment récurrent de solitude. Nous lançons cette année, avec la DAG, une réflexion concertée sur les missions et les moyens des SDAP.

PA : Je sens à travers vos propos un réel attachement envers les SDAP. À quand remonte votre rencontre avec les ABF ?
M. R-S : J’ai débuté ma carrière il y a trente ans, à la DDE des Yvelines, et j’ai suivi avec attention la sensibilisation aux prescriptions menée par l’ABF. En 1989, chef du bureau des espaces protégés, j’ai été amené à renforcer les relations existant entre l’administration centrale et les SDAP. J’ai aujourd’hui pleine conscience de la mobilisation des ABF, de leur intense espoir et je suis, en permanence, à leur écoute, à celle de chacun d’entre eux.

PA : Je vous trouve en effet proche des ABF, de leur préoccupations, mais la DAPA est-elle prête à répondre à leur attente ?
M. R-S : La DAPA se fonde sur leur qualité d’expert et leur aptitude au dialogue pour lancer ses projets sur la qualité architecturale en l’an 2000. Ils jouent un rôle indispensable dans l’attribution du label “Patrimoine du XXe siècle”, l’élaboration des conventions “Ville pour l’Architecture”. Par leur connaissance du terrain, les ABF ont montré lors des circontances dramatiques des tempêtes de la fin de décembre 1999, le répondant qu’ils étaient capables d’apporter, sur place, et sans retard. Les ABF sont pris en considération comme le montreront les dossiers que nous préparons cette année.

Propos recueillis par Bruno Stahly.

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