Pour une Europe des jardins

Les jardins ont toujours été au cœur du patrimoine partagé par les Européens. Depuis la Renaissance, les traités d’art des jardins, les plans, les modèles de parterres, les gravures et autres images circulent dans toute l’Europe. Au XVIIIe siècle, comme les architectes ou les peintres, les créateurs de jardins et les jardiniers exécutaient leur « Grand Tour » en visitant les grands jardins princiers et en échangeant leurs savoirs et savoir-faire. Les “jardins à l’italienne”, “jardins à la française”, “jardins à l’anglaise” ou “jardins hispano-mauresques” ont été aménagés sur l’ensemble du continent européen et inspirent toujours les créateurs contemporains. Ces parcs et jardins sont un patrimoine qu’il faut conserver, restaurer, faire connaître et valoriser.

Le parc d’Arkadia en Pologne, créé pour la princesse Hélena Radziwill entre 1778 et 1782 par l’architecte saxon Simon Gottlieb Zug. © Marie-Hélène Bénetière

Le réseau du patrimoine du Conseil de l’Europe (HEREIN - European Heritage network)

Le programme HEREIN a été créé par le Conseil de l’Europe à la demande des États membres pour former un réseau de coopération unique dans le domaine du patrimoine culturel sur l’évolution des législations et pratiques dans les divers pays et permettre l’échange d’information en matière de politiques du patrimoine culturel. Ce réseau européen d’information sur le patrimoine culturel fédère les administrations publiques européennes responsables des politiques et stratégies nationales dans le secteur du patrimoine culturel. Quarante-six pays participent au réseau HEREIN, chaque pays est représenté par un coordinateur national, désigné par le ministère national compétent.

Les coordinateurs nationaux du réseau HEREIN échangent, coopèrent et fournissent des informations sur la politique de protection du patrimoine, la législation en vigueur, les autorités compétentes, etc. Ils répondent aussi à des enquêtes participatives sur des sujets d’actualité ou d’intérêt commun. Près d’une dizaine d’enquêtes ont déjà été menées (par exemple sur la politique en faveur des jardins, la signalétique patrimoniale, la régulation des conservateurs, le patrimoine des installations à câbles historiques, les données portant sur la contribution du patrimoine culturel bâti à l’économie et à la création d’emplois, etc.).

HEREIN au jardin

En 2015, la direction générale des patrimoines (bureau de la conservation du patrimoine immobilier et département des affaires européennes et internationales) a proposé une enquête participative au réseau HEREIN sur les autorités nationales responsables de la politique des jardins, les inventaires de jardins, les actions de protection, les manifestations organisées à destination du grand public ou les actions de sensibilisation autour de cette thématique. Cette enquête a rencontré un grand succès (vingt-deux pays ont répondu en l’espace de deux mois) et ses résultats ont favorisé la tenue d’une réunion du réseau HEREIN à Paris en novembre 2015 où les participants ont exprimé le besoin de constituer un réseau des administrations en charge des jardins en Europe. C’est ainsi qu’est né HEREIN au jardin.

Le groupe de travail HEREIN au jardin réunit aujourd’hui les administrations en charge des jardins dans une trentaine de pays d’Europe. Ses objectifs sont la constitution d’un réseau de pays volontaires, la promotion d’informations et de savoir-faire en matière de jardins, la valorisation des activités nationales et internationales autour des jardins, l’organisation d’un événement européen (du type Journées européennes du patrimoine) et la sensibilisation des publics.

HEREIN au jardin a permis d’impliquer une vingtaine de pays européens aux Rendez-vous aux jardins depuis 2018, de mettre en place un projet ERASMUS + Échanges de savoirs et de savoir-faire dans les jardins historiques en Europe financé à 100% par la Commission européenne, de créer un thésaurus multilingue (seize langues) sur les mots décrivant les parcs et jardins, de publier une plaquette bilingue L’Europe des jardins et de fédérer un réseau qui communique et échange.

Un site Internet a été créé en 2016 par le Conseil de l’Europe où l’on trouve les informations sur les politiques nationales et sur les acteurs et la législation sur les jardins, un calendrier des événements, le thésaurus, une plaquette bilingue, une galerie de photos et les enquêtes participatives qui y sont consultables.

Les membres du réseau HEREIN au jardin se rencontrent chaque année pour échanger, faire le point ou développer de nouveaux projets, souvent en marge de la journée d’études organisée début février par le ministère de la Culture français.

Les actions générées par HEREIN au jardin

Le projet ERASMUS + Échanges de savoirs et de savoir-faire dans les jardins historiques, démarré en juin 2017, financé à 100% par la Commission européenne, s’est terminé en 2018.

Démonstration de la taille des buis à l’aide un gabarit fabriqué par les jardiniers du parc du Laberint d’Horta à Barcelone. © Jean-Michel Sainsard.

Il avait pour objectif de permettre des rencontres entre professionnels, gestionnaires et propriétaires de jardins historiques de quatre pays européens (Belgique, Espagne, France, Hongrie) pour échanger des compétences et des connaissances, observer et acquérir des savoirs, savoir-faire techniques et pratiques. Un groupe d’une dizaine de professionnels français s’est rendu en Belgique, Espagne et Hongrie pour observer les modes de gestion des parcs historiques, les travaux ou les restaurations, les études et diagnostics, la valorisation, ou encore les savoir-faire traditionnels (très vivaces en Hongrie). Les sessions organisées dans les trois pays ont permis des rencontres entre jardiniers, gestionnaires publics et privés, paysagistes, botanistes, historiens, architectes, ingénieurs horticoles, etc. Les Français ont été invités à présenter leurs pratiques à l’occasion de conférences.

Le parc de Dèg (Hongrie) a bénéficié d’importants crédits européens pour réaliser des études et diagnostics préalables à sa restauration. © Marie-Hélène Bénetière.

Ces échanges ont permis de dialoguer sur la gestion différenciée et planifiée des parcs historiques et sur le choix des techniques à mettre en œuvre (gestion “traditionnelle” et techniques contemporaines, adéquation entre moyens et objectifs).

Les premiers résultats ont été des échanges d’informations et de contacts sur les maladies des buis, la promotion du plan de gestion des jardins, le souhait de la Wallonie de s’associer, dès 2018, aux Rendez-vous aux jardins et de mettre en place le label Jardin remarquable.

Sur le modèle du thésaurus de la désignation des œuvres architecturales et des espaces aménagés édité par le ministère de la Culture en 2011, le thésaurus multilingue des jardins a été mis en place grâce aux correspondants HEREIN au jardin. En partant des définitions consolidées du thésaurus en français, les termes étrangers sont alignés à partir de leur définition dans chaque langue. Ainsi, une centaine de termes servant à décrire les jardins sont traduits dans seize langues européennes. Ce glossaire est consultable sur le site Internet d’HEREIN au jardin.

Première page du thesaurus multilingue sur les jardins.

En 2019, une plaquette bilingue de trente-quatre pages, intitulée L’Europe des jardins/The Europe of Gardens retrace les différentes actions réalisées avec nos partenaires européens, elle est en ligne sur le site Internet HEREIN au jardin. La version papier a été financée grâce à l’AISBL HEREIN. Cette publication rappelle la genèse et le contexte de mise en œuvre de cette entreprise européenne ainsi que les différents projets structurés dans la cadre de la construction d’une Europe des jardins.

Dans le cadre de l’Année européenne du patrimoine culturel 2018, la France a proposé d’étendre ses Rendez-vous aux jardins à l’Europe. Pour la première fois depuis 2003, seize pays européens ont participé aux mêmes dates (premier week-end de juin), sur le même thème « l’Europe des jardins » et avec le même visuel, proposés par la France et repris dans chaque pays qui le décline dans sa langue. Une journée d’étude sur cette thématique a été organisée par la France à l’Institut national d’histoire de l’art, à cette occasion, nous avons créé un montage vidéo sur le poème de Jacques Delille Les jardins ou l’Art d’embellir les paysages, ouvrage publié à Paris en 1782 et traduit en allemand, anglais, espagnol, italien, néerlandais, portugais, polonais et russe où l’on peut découvrir nombre de jardins historiques européens.

Depuis 2019, chaque année, de nouveaux pays adhèrent à l’opération. À l’instar des Journées européennes du patrimoine, l’objectif consiste désormais à pérenniser ces Rendez-vous aux jardins européens et à les étendre à tous les pays d’Europe.

La prochaine édition des Rendez-vous aux jardins se tiendra les 3, 4 et 5 juin 2022 dans vingt-quatre pays, sur le thème « les jardins face au changement climatique » et avec le même visuel partout en Europe.

Les rencontres lors de l’échange ERASMUS + ont permis de faire la promotion du label Jardin remarquable qui intéresse nos partenaires européens, la Wallonie a décidé de l’adopter, une trentaine de parcs et jardins ont été labellisés en 2020.

Le label Jardin remarquable est une marque déposée pour la France et l’Europe tout comme le logo, il peut ainsi être repris par tous les pays qui en font la demande au ministère de la Culture.

Le parc de La Hulpe (domaine Solvay) récemment labellisé Jardin remarquable en Belgique. © Martin Dellicou

Les jardins labellisés en Belgique sont le domaine de Freÿr, le domaine régional Solvay (Parc de La Hulpe), le parc d’Enghien, le domaine de Mariemont, le parc du château d’Attre, le parc du château de Beloeil, le parc du château de Modave, le parc du château de Seneffe, le jardin potager du château d’Ecaussinnes-Lalaing, le domaine d’Annevoie, le parc du château de Jehay, les jardins de l’abbaye de Villers-la-Ville, les jardins du Lac de Bambois, domaine du Bocage, les jardins Concours du Roeulx (Ville de Namur-Wépion).

L’Italie, la Hongrie et la Roumanie sont également intéressées par ce label.

Une deuxième enquête participative sur les plans de gestion dans les parcs et jardins historiques a été proposée en 2020. Les résultats ont montré que les parcs et jardins historiques protégés sont soumis aux réglementations générales sur le patrimoine (autorisation préalable en cas de travaux). Si certains pays se sont dotés de mesures règlementaires en matière de plan de gestion, un plus grand nombre ont une réelle expérience. La conservation et la gestion apparaissent comme des composantes incontournables des plans de gestion, alors que la question de la durée de validité est un point de divergence, mais tous s’accordent sur la nécessité de travailler avec une approche prospective. Cette étude nous permet d’avoir des données solides sur les plans de gestion des parcs et jardins en Europe.

À l’automne 2021, une nouvelle enquête participative sur la formation des jardiniers, paysagistes, horticulteurs, pépiniéristes, rocailleurs et fontainiers est soumise au réseau. Les résultats seront connus au début de l’année 2022.

Et pour conclure en regardant vers l’avenir, la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022, pourrait être l’occasion de mettre en œuvre trois projets :

  • la rédaction d’une courte plaquette sur les jardins en Europe ;
  • un itinéraire culturel européen sur les parcs et jardins d’Édouard André porté par l’association des amis d’Édouard André ;
  • les Rendez-vous aux jardins deviennent les Rendez-vous européens aux jardins.
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