Le 25 septembre 2015, les 195 États membres de l’ONU ont adopté collectivement un nouvel agenda de développement durable, l’Agenda 2030, en s’engageant à atteindre 17 objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030.
Les objectifs de développement durable
Ces 17 objectifs de développement durable s’appuient sur cinq grands enjeux transversaux (5P) que sont les peuples, la planète, la prospérité, la paix et les partenariats. Ces objectifs et leurs 169 cibles ou sous-objectifs couvrent la quasi-totalité des enjeux du développement durable comme le climat, l’égalité des genres, l’agriculture, l’énergie, l’éducation, l’eau, la justice, la ville… ; des indicateurs leur sont associés.
Chaque année, le Forum politique de haut niveau réunit, en juillet à l’ONU, les États membres pour faire un point d’étape national sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de ses objectifs de développement durable. Ces forums constituent autant de moments politiques potentiellement forts et qui ambitionnent la création d’une dynamique mondiale irréversible entre États et société civile. De 2017 à 2019, six à sept objectifs sont mis à l’ordre du jour, à tour de rôle chaque année, pour couvrir l’ensemble des 17 objectifs sur cette période triennale.
La France s’était portée volontaire, lors du premier forum en 2016, pour présenter une revue nationale globale de mise en œuvre des objectifs de développement durable, suivie d’un point d’étape en 2017 sur les sept objectifs sous revue du forum cette année-là. Le prochain forum de juillet 2018 représente un enjeu particulier pour le ministère de la Transition écologique et solidaire puisqu’il assure le pilotage de la mise en œuvre de cinq des six objectifs de développement durable mis à l’ordre du jour : Eau, Énergie, Villes, Consommation et production responsables, Vie terrestre (biodiversité, ressources naturelles, sols…) et Partenariats.
Pour la France, des ministères pilotes et associés ont en effet été identifiés pour conduire et animer la mise en œuvre de chacun des objectifs de développement durable. La Déléguée interministérielle au développement durable, Laurence Monnoyer-Smith, par ailleurs Commissaire générale au développement durable au ministère de la Transition écologique et solidaire, assure la coordination de ces chefs de file ministériels.
La délégation au développement durable, au sein du commissariat général au développement durable, est la cheville ouvrière de l’animation de la mise en œuvre nationale de l’Agenda 2030. Son action se décline selon trois axes :
- Organiser la contribution de l’État : coordination interministérielle, préparation des forums de l’ONU et travail sur les indicateurs.
- Informer et sensibiliser pour faciliter l’appropriation : événementiel, publications, média.
- Accompagner et favoriser la mobilisation de la société : organisation de débats et d’ateliers collaboratifs, structuration de la gouvernance…
Redevabilité, inclusivité, transversalité et universalité, au cœur des enjeux de l’Agenda 2030
Ce nouvel agenda repose sur le principe que tous les pays, sans exception, sont en voie de développement durable, qui reste un optimum à atteindre, abandonnant ainsi la partition entre pays du Sud et pays du Nord, entre pays industrialisés et pays en développement ou émergents. Il suppose une révision ou une amélioration du modèle de société et du contrat social portés par chaque pays.
À cette fin, la démarche d’accompagnement de l’Agenda 2030 propose la réalisation d’états des lieux et de revues annuelles de mise en œuvre adossée à des indicateurs témoignant de la progression des pays et du chemin leur restant à parcourir. Tous les pays siégeant à l’ONU, tous réputés en voie de développement durable, se sont ainsi engagés à mettre en œuvre l’ensemble de ces objectifs pour une redevabilité augmentée. Cette obligation de rendre compte de ses engagements contraint fortement les pays à s’engager dans des démarches de sensibilisation et de pédagogie autour de l’Agenda 2030 à destination de la société civile, globalement profane en la matière, et d’inclusion de celle-ci dans les processus de mise en œuvre. Il y a par conséquent un enjeu d’accessibilité par les citoyens aux différents éléments qui composent l’agenda et structurent sa mise en œuvre, en termes de compréhension et de disponibilité des informations. La réalisation d’un MOOC1 et la construction d’une plateforme web, en France, participeront à cet effort de vulgarisation et de pédagogie, voire à terme au déploiement d’une participation citoyenne amplifiée.
Les objectifs de développement durable sont en effet une responsabilité partagée par l’ensemble des acteurs et des citoyens. L’objectif 17 « Partenariats pour la réalisation des objectifs » souligne ainsi l’impérieuse nécessité de mener des processus de co-construction dans lesquels chacun est appelé à déterminer sa trajectoire propre pour atteindre ces objectifs communs. L’Agenda 2030 fonde, de ce fait, sa légitimité et son efficacité sur son caractère inclusif tant pour la formulation d’un état des lieux partagé que pour la proposition de pistes d’amélioration, s’inscrivant ainsi dans la continuité des démarches habituelles de développement durable prônant la mobilisation de tous et l’« encapacitaton » citoyenne2 . La difficulté réside ici dans la mobilisation des citoyens ou des acteurs, la plupart très éloignés des préoccupations, très englobantes et vastes, exprimées par les objectifs de développement durable et les efforts se portent, notamment en France, sur une traduction, accessible par tous, de vocables souvent très onusiens. L’identification et la valorisation de démarches ou de projets faisant référence et répondant aux objectifs de développement durable constituent par ailleurs en France une priorité. Conçu par le dessinateur Yacine Ait Kaci (YAK), le personnage d’Elyx, premier ambassadeur virtuel, et universel – ni homme ni femme, ni blanc ni noir et sans âge – de l’ONU, participe à cette ambition d’inclusion et de mobilisation large.
L’inclusivité est en outre rendue nécessaire par l’interdépendance qui réside entre chacun des objectifs. L’Agenda 2030 repose en effet sur la reconnaissance des liens intrinsèques entre les différentes thématiques qui composent les objectifs de développement durable et le caractère systémique de ces derniers. Ainsi, la démarche qui a prévalu à la définition de ces objectifs enseigne qu’ils sont tous liés de manière consubstantielle ; l’atteinte d’un objectif permet, pour partie, d’en atteindre un autre comme l’attestent les liens mêlés entre, par exemple, lutte contre la pauvreté, éradication de la faim, accès à l’eau potable, promotion d’une agriculture durable, éducation des femmes, etc. L’exigence de cette approche transversale rompt avec la « logique en silos » qui prévaut dans les organisations, notamment occidentales, et dépasse le triptyque, habituellement retenu pour évoquer le développement durable, composé de la croissance économique, l’inclusion sociale et l’équilibre environnemental, triptyque pour lequel le pilier économique s’avère toujours hypertrophié. Le défi, de taille, associé au caractère intégré et indissociable des objectifs, porte sur la résistance de cette ambition à la fragmentation des organisations et des processus tous pensés de façon segmentée et sectorielle.
Un autre obstacle à la conduite systémique de l’Agenda 2030 réside dans les potentielles contradictions entre les cibles et les probables antagonismes entre certaines ambitions portées par les objectifs du fait de leurs interrelations, pouvant alors aboutir à de conflictuels, bien que nécessaires, arbitrages entre protagonistes. Cet obstacle peut toutefois être véritablement considéré comme l’une des premières qualités et forces de l’Agenda 2030, celle d’être un instrument au service d’une complexité inhérente au développement durable. La communauté scientifique, principalement à l’international, s’est déjà saisie des interrelations entre objectifs de développement durable comme un objet de recherche.
Enfin, les objectifs de développement durable sont un langage et un cadre de référence commun à l’ensemble des acteurs du monde, une grille de lecture universelle. Ils sont une promesse de dialogue entre citoyens, entre parties prenantes et entre pays vers le bien commun. Tout l’enjeu repose ici sur la bonne intrication entre les différentes échelles et périmètres d’analyse et d’action avec l’organisation d’un dialogue fructueux entre le local et le global, entre le territorial et le planétaire, le singulier et l’universel, sans qu’une échelle ou un périmètre soit sacrifié au profit de l’autre. Le défi porte sur la promotion d’une dynamique globale et universelle qui tienne compte du principe de diversité et de la reconnaissance de toutes les diversités, quelle soit biologique ou culturelle. Là encore, conduire un processus complexe à valeur universelle dans un contexte qui recherche la simplification, la rapidité, le pragmatisme et l’efficacité ne va pas de soi.
Sur cet aspect, la culture peut nous y aider.
Et la culture justement ?
La culture ne fait pas partie des 17 objectifs de développement durable, et un seul indicateur concerne directement le périmètre du ministère de la Culture : la fiscalité favorable à l’entretien du patrimoine. Pour autant, comme nous l’avons vu précédemment, les objectifs de développement durable ne sont pas seulement des instruments au service du suivi et de l’évaluation des politiques publiques, ils sont également disruptifs, transformateurs et fondamentalement culturels. L’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable portent un projet de civilisation pour lequel la culture est convoquée. La culture, en tant que moyen, est en effet un puissant vecteur d’interrelations entre les objectifs de développement durable pour lesquels elle sert de lien et de ciment. Mais la culture est également une finalité en soi ; la culture, ou plutôt les cultures sont effectivement autant de processus sociaux qui s’avèrent être les fondements indispensables pour la construction d’un agenda universel, au bénéfice du dialogue et de la paix entre les citoyens et entre les peuples, dans la pleine reconnaissance de leur diversité.
- « Massive Open Online Course », autrement dit un outil pédagogique numérique, un parcours pédagogique digital. Pour plus d’infos : www.ecologique-solidaire.gouv.fr ↩
- Traduction d’empowerment ; l’empowerment, mot anglais que l’on traduit usuellement par capacitation, enpuissancement ou encapacitation, désigne “le processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d’action lui permettant d’accéder au pouvoir individuel et collectif.” C. Biewener, M.-H. Bacqué. L’encapacitation renvoie à l’autonomisation, au renforcement du pouvoir d’agir et des capacités, à la responsabilisation sociale et politique, à l’émancipation … ↩