Au cœur de tous les débats écologiques, environnementaux et du même coup économiques, la ville est aujourd’hui sans conteste une grande source d’émission de CO2. Construction, génération de déchets, circulation… une grande ville comme Paris émet 20 000 tonnes de CO2 par an. La nature a trouvé depuis longtemps comment stocker le carbone et réguler les gaz à effet de serre grâce à ses forêts et ses océans ; et si nos villes devenaient le miroir de cette technologie naturelle ?
La culture bois étend ses frontières
Le bois a de nombreuses propriétés intéressantes qui sont utilisées dans tout type de construction depuis toujours. Maisons, bateaux, aménagements intérieurs et extérieurs… les exemples sont nombreux et partout autour de nous. Cependant, depuis l’avènement de l’ère industrielle, le béton s’est imposé comme le matériau incontournable de la construction. Les pays ayant une ressource forestière de très grande envergure tels que la Scandinavie, le Canada et le Japon ont continué malgré cela à valoriser le bois dans la construction et comptent une production de plus de 80% d’habitations individuelles en bois. Il est donc naturel qu’avec les années ce savoir-faire les ait amenés à voir plus grand, plus haut. Cette année, deux projets majeurs sont construits au Canada : le projet Brock Commons, R+17 et le projet Origine, R+12.
Le Canada est loin d’être seul dans sa démarche de développer le matériau bois dans la construction grande hauteur. Des projets d’envergure voient le jour partout dans le monde : en Norvège, c’est le projet Treet qui culmine du haut de ses cinquante et un mètres, et en Autriche le projet Hoho montera jusqu’à quatre-vingt-quatre mètres. La France a su saisir la balle au bond avec notamment les deux projets bordelais Hyperion, dix-huit étages et cinquante sept mètres de haut, et Silva, dix huit étages et cinquante six mètres de haut.C’est dans cette dynamique qu’est né Woodrise1 (Bordeaux, du 12 au 15 septembre 2017). Partant d’une ambition simple, il s’agissait de réunir les acteurs majeurs de la construction et de présenter le bâtiment bois de moyenne et grande hauteur au cœur de la ville durable et de la transition écologique. En effet, construire des bâtiments en bois de plus de cinquante mètres de haut requiert une technicité particulière qu’il était indispensable de partager pour continuer de développer plus de projets. Woodrise a donc pris la forme d’un congrès international qui a permis de présenter des projets et savoir-faire de plus d’une dizaine de pays différents.
Le bois réinvestit la ville
Ce congrès a permis de démontrer que faire de la grande hauteur bois était tout à fait possible. Des politiques publiques aux risques sismiques sans oublier la sécurité incendie et la performance acoustique, rien n’a été laissé au hasard et les experts ont pu rassurer et convaincre plus de deux mille personnes rassemblées pendant quatre jours à Bordeaux.
Convaincre est d’autant plus important que la construction bois est un atout dans le développement de la ville durable. Le bois permet des gains notables dans le bilan énergétique d’un bâtiment. Dès le stade de la construction, on constate une diminution de génération de déchets, une construction plus rapide et des matériaux utilisés moins polluants ; un bilan carbone donc bien meilleur. En utilisant le bois, le milieu de la construction qui représente actuellement 25% des émissions de CO2 en France, pourra en baisser significativement sa production.
De plus, l’avantage majeur du bois, contrairement aux autres matériaux, est qu’il stocke directement le carbone. L’architecte canadien Michael Green (Michael Green Architecte) explique que « si nous construisions un bâtiment en bois de vingt étages, nous pourrions stocker à peu près trois mille cent tonnes de CO2, ce qui équivaut à supprimer neuf cents voitures de la route pendant un an ». Il est donc particulièrement important de créer une forte cohésion entre le travail de l’architecte et celui de l’ingénieur afin de trouver des solutions pratiques, efficaces tout en conservant une certaine forme d’esthétisme.
Face à ces constats, de nombreux pays se sont mis à développer le matériau bois dans la construction de leur bâtiment de moyenne et grande hauteur. Et c’est aussi ça que Woodrise a permis de mettre en valeur : la dimension internationale et un besoin de partage de connaissances et de bonnes pratiques. La préparation de ce congrès a été faite conjointement par trois centres techniques : l’Institut technologique FCBA pour la France, FPInnovations pour le Canada et le Building Research Institute pour le Japon. Ce regroupement d’acteurs convaincus de l’importance du développement du bois dans la construction a permis de regrouper d’autres centres techniques, et de créer une alliance internationale engagée dans une volonté de poursuivre le développement de l’usage du bois dans la construction afin de contribuer à l’émergence de territoires bas carbone.
Une action collective
Pour promouvoir correctement le bois comme matériau essentiel de la ville de demain, l’action devra être collective et portée par des relais internationaux forts. C’est pourquoi la Global Alliance for buildings and Construction – alliance lancée lors de la journée du bâtiment de la COP 21 – et dont le secrétariat est assuré par l’ONU Environnement, a décidé de s’investir dans l’élaboration d’un tout nouvel outil : le Woodrise Paper . Ce journal de quarante quatre pages permet de revenir sur de nombreux retours d’expériences internationaux grâce à la collaboration active de six pays : le Canada, le Japon, le Brésil, la Finlande, la Suisse et la France. Ce manifeste pour la construction est le tout premier ouvrage qui répertorie pratiques, savoir-faire, réflexions, initiatives autour de la construction bois.
Ce Paper a permis d’amorcer une collaboration de plus en plus étroite entre les six pays qui ont ainsi été jusqu’à former la Woodrise Alliance, présente à la COP 23 à Bonn pour faire inscrire la décarbonation de l’industrie du bâtiment à l’agenda de la COP et dans la continuité de l’appel de Paris. D’autres pays seront bientôt signataires et s’engageront à leur tour à promouvoir le bois et à favoriser les territoires bas carbone. L’appel du bois est donc lancé et l’Alliance continue de le divulguer avec une voix de plus en plus forte.
En effet, depuis la fin du congrès de nouveaux pays se sont manifestés pour faire partie de l’Alliance et prendre eux aussi l’engagement de développer des territoires bas carbone. Sensibilisées à ces problématiques, de nombreuses entreprises ont rejoint le mouvement en signant un engagement similaire aux centres techniques assurant ainsi qu’elles travailleraient conjointement avec ces institutions pour renforcer la part du bois dans le marché de l’immobilier. Dès le lancement de la Woodrise Alliance le 14 septembre, 35 entreprises avaient déjà répondu à l’appel.
Face au succès de la première édition du congrès Woodrise, le co-organisateur canadien, FPInnovations, a décidé de reproduire l’événement au Canada en 2019 afin de faire le point sur toutes les actions lancées et apporter de nouvelles réponses, technologies, bonne pratiques… à tous les acteurs de la construction bois. Actuellement, des actions sont menées pour que Woodrise puisse rester un outil pour les acteurs de la construction bois moyenne et grande hauteur, au cœur de la ville durable et de la transition écologique, à l’échelle internationale et continue d’apporter de l’information et du soutien sur ces thématiques d’ici le prochain congrès.
- Pour plus d’infos : http://wood-rise-congress.org/ ↩