Programme JAPILA : recherche sur le “jaunissement” des pierres traitées par laser

  • juil. 2014 | 5 minutes

Titre du projet de recherche : JAunissement de
la Plerre par LAser, mécanismes et remèdes (JAPILA)
Cadre du projet : Programme national de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel (PNRCC)
Coordination scientifique : Véronique Vergès-Belmin, responsable du pôle Pierre du LRMH
Organismes et partenaires du projet : Laboratoire de recherche des monuments historiques ; Institut des nanosciences de Paris ; Centre de recherche sur la conservation des collections ; Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés ; Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du patrimoine ; restaurateur indépendant ; Conservation régionale des monuments historiques Région Centre ; Service territorial de l’architecture et du patarimoine de l’Eure-et-Loir.
Durée : 2012-2014
Budget global : 164 595 €

Le nettoyage des surfaces par laser a été adapté aux contraintes des chantiers “monument historique” à la fin des années 80 et en lien avec le LRMH. Cette technologie jugée très performante puisqu’elle respectait l’épiderme de la pierre et ne suscitait aucun déchet, a connu un essor important à partir de 1995, essor soutenu par le ministère de la Culture. Cependant dans les années 2000, est née une polémique dans le milieu du patrimoine au sujet de l’effet observé (mais non expliqué) de “jaunissement” de la pierre traitée par laser. Dans la continuité de différents travaux sur cette question, le programme de recherche JAPILA s’intéresse non seulement à la compréhension du phénomène de “jaunissement” mais en plus à la mise en œuvre de solutions pour corriger cette coloration.

Éliminer les “croûtes noires”

Concrètement, le nettoyage par un laser, est utilisé pour éliminer les croûtes noires qui se forment sur les monuments en milieu urbain pollué sur les surfaces non lessivées par les eaux de pluie. Ces croûtes noires sont des dépôts indurés constitués de différents types de particules (cendres volantes silico-alumineuses, oxy-hydroxydes de fer, suies, résidus d’hydrocarbures oxydés…) cimentées par du gypse (sulfate de calcium bi-hydraté…). Ce minéral provient en partie de l’atmosphère et en partie, dans le cas des pierres contenant du calcium (tous les calcaires), de la réaction, en présence d’humidité, entre le substrat et le dioxyde de soufre, gaz présent dans l’atmosphère.

Quelle action un laser provoque-t-il sur cette croûte ? Il s’agit d’une combinaison d’interactions thermiques et mécaniques entre le rayonnement et la cible. La longueur d’onde utilisée permet un nettoyage extrêmement sélectif qui va de la décoloration de la croûte noire jusqu’à sa totale ablation permettant ainsi la conservation de la surface originelle
sous-jacente et de différentes traces (outils, traitements…) qu’elle garde en mémoire. Pour comprendre le jaunissement, il faut donc mieux analyser les transformations survenues et leurs éventuelles combinatoires.

Le programme JAPILA s’est focalisé sur deux hypothèses. La première s’attache à identifier des corps résiduels de coloration jaune apparus à la suite de l’irradiation laser. Des travaux antérieurs ont suggéré que des éléments ferreux (comme l’hématite de couleur rouge) et des éléments organiques (comme la suie de couleur noire) pouvaient sous l’effet laser, être transformés en des composés de coloration jaune. Pour le vérifier, des tests de nettoyage laser ont été réalisés sur des témoins de plâtre recouverts d’une fine couche d’un mélange gypse-hématite à diverses concentrations. Ces tests montrent bien que la couleur rouge de cet oxyde, évolue en fonction de sa concentration et de la puissance de l’irradiation, en un mélange d’éléments jaunes (probablement de la goethite) et d’éléments gris (probablement de la magnétite). En augmentant la puissance du laser mais en restant en dessous des seuils acceptables pour le support, les éléments gris tendent à disparaître alors que les jaunes subsistent. Des tests de même type ont été menés avec des surfaces témoins salies avec de la suie : il en résulte également l’apparition d’un composé jaune relativement pâle mais dont l’intensité n’est pas influencée par les dosages, ni la quantité d’énergie apportée par le laser. Ces différents composés restent à caractériser avec précision. La seconde hypothèse pour expliquer l’apparence jaune des surfaces traitées, est celle liée à un phénomène de diffusion différentielle de la lumière par une couche incluant des microcavités laissées après la vaporisation des particules réactives au laser. Cette couche “alvéolaire” changerait le spectre de réflexion de la lumière en favorisant les émissions correspondant aux teintes jaunes. Les essais en cours montrent que le phénomène augmente l’effet jaune de
façon modérée.

«Déjaunir» les surfaces

En complément à ces manipulations et dans l’objectif d’obtenir un déjaunissement des surfaces, différents protocoles basés sur l’application de compresses à base d’argile ou de
gel d’agar ont été testés d’abord sur éprouvettes en laboratoire puis, in situ à la cathédrale de Chartres (portail sud). Les compresses argileuses à base d’attapulgite réduisent significativement l’effet jaune, mais leur efficacité est en partie liée à la présence de résidus. Le gel d’agar offre d’intéressantes perspectives, car il réduit l’effet jaune et diminue la quantité de fer en surfaces des zones nettoyées.

Le projet JAPILA s’achèvera à l’automne 2014, et se poursuivra, nous l’espérons, sur la période 2014-2017 sur un projet de thèse dans le cadre d’une bourse CIFRE. Ce nouveau projet
permettra le développement et la validation de nouveaux outils laser. Le LRMH contribuera ainsi à la mise sur le marché d’une technologie laser aussi performante que l’ancienne mais non génératrice de l’artéfact jaune.

Stéphanie CELLE
adjointe du directeur du LRMH
Véronique VERGÈS-BELMIN
responsable du pôle Pierre du LRMH
Cécile de OLIVEIRA
restauratrice de sculpture