Moustiers Sainte-Marie

L‘anthropomorphisation de la terre en providentielle pourvoyeuse de bienfaits a pour corollaire la croyance en sa capacité de se venger de ce que l’homme lui fait subir. Des offrandes sont exigées des pécheurs comme autant d’indulgences des temps passés. Bien que laïque, l’administration doit examiner les demandes émanant des nouvelles religions lorsque celles-ci ont pour objet de modifier l’aspect des immeubles nécessitant une autorisation d’urbanisme. Le territoire des Alpes de Haute-Provence est un des départements les plus ensoleillés de France et cette heureuse disposition n’a pas échappé aux nouveaux promoteurs et prêcheurs.

Les recommandations habituelles pour la pose de panneaux solaires sur les toitures restent générales si elles ne sont pas contextualisées : nous avons tenté l’expérience d’étudier un cahier de prescriptions à Moustiers Sainte-Marie, un village emblématique du Verdon. La démarche est similaire à celle d’un architecte auquel on confie la mission d’intégrer un nouveau matériau sur un édifice ancien. Pour notre étude, le secteur d’intervention est élargi à l’ensemble du noyau villageois. Le travail a nécessité deux phases : un premier temps, qui analyse le contexte en croisant les points de vue, les masques, les perspectives avec l’orientation des toitures, leurs formes et leurs dimensions, et un deuxième temps, où sont testées et évaluées graphiquement des solutions de pose et de proportions des panneaux. La première partie est une tâche habituelle, elle bute cependant sur la difficulté à définir l’orientation des toitures, en l’absence de plans et compte tenu de la définition des photos aériennes qui limite la lecture des détails. Le croisement des données laborieusement recueillies est synthétisé sur un plan qui indique : les toitures vues et présentant un potentiel solaire intéressant à exploiter, en d’autres termes, celles qui poseront des soucis aux défenseurs de l’image patrimoniale. La recherche de solutions d’implantation est le jeu récurrent des architectes à la recherche de la “divine” proportion ; effectivement subjective, cette recherche est néanmoins théorisée depuis l’Antiquité dans de nombreux traités d’architecture.

Outre les “recettes” applicables dans le contexte précis où elles ont été formulées : impact tolérable autour de 15 %, forme rectangulaire des panneaux respectant la forme rectangulaire du toit, pose en bande étroite le long du faîtage, l’étude a mis en lumière un phénomène de “saturation et de mitage du paysage”, ainsi que le seuil de ce phénomène dont l’écueil ne peut être évité que par un cadre réglementaire. La pose de panneaux doit respecter le cadre du droit des sols ou le cadre du droit du patrimoine. Les éléments de connaissances sont suffisants pour que la commune adopte le règlement idoine dans son PLU en cours d’étude et que l’ABF motive ses avis.

Des solutions de pose avec illustrations ont été mises en ligne. Elles sont, en général et au préalable, consultées, comprises et acceptées par les pétitionnaires.

Étienne BERGDOIT
ABF, chef du STAP des Alpes de Haute-Provence