L’Arlésienne

Il y a la rêveuse, l’ensorceleuse, la dormeuse, voire la tueuse…, gens qui pleurent et gens
qui rient…, heureuse où malheureuse, la ville joue de résonances.

Mémoire collective et souvenirs personnels, elle assemble des patrimoines irremplaçables, qu’ils soient matériels ou immatériels. Elle porte en elle les stigmates de générations et d’événements parfois oubliés, car « tout n’est pas visible et compréhensible, ou autrement dit, sous le visible et le compréhensible, se cachent l’invisible et l’incompréhensible »1 . Cette ville que nous croyons si bien connaître, nous la traversons tous les jours, mais qui se souvient des fantômes lointains ? Pourquoi sommes-nous toujours aussi stupéfaits quand la rupture d’un élément de son système dynamique en dissout l’équilibre et crée le chaos ? Se souvenir, imaginer mentalement comment, le temps d’un éclair, le temps d’une tempête, une ville peut se transformer, se masquer ou mettre en danger et, en réponse, mobiliser la conscience collective des risques pour créer les conditions durables d’un environnement résilient : tel un bouclier, une ville invisible de réseaux préparés, sans jamais en oublier la mémoire dissimulée.

Villes résilientes

Se préparer aujourd’hui, construire ensemble des stratégies interactives, valoriser les ressources et activer des flux opérationnels en cas d’événement, tel est l’enjeu des villes résilientes qui protègent le patrimoine de demain. Piloté par le Centre méditerranéen de l’environnement, labellisé CPIE des Pays de Vaucluse (CME-CPIE 842 ), le campus euro-méditerranéen “Patrimoines et risques” s’est éveillé le temps d’un mois d’été en Arles, pour rassembler étudiants et jeunes professionnels d’Europe et des pays méditerranéens qui souhaitaient valoriser leurs compétences et développer leurs expériences professionnelles.

Les patrimoines culturels constituent une ressource à partir de laquelle peuvent s’instaurer le dialogue, le débat démocratique et l’ouverture entre cultures. Les dix participants bénévoles venus du Brésil, du Maroc, de Tunisie et de France, spécialisés dans la valorisation du patrimoine, l’urbanisme et les risques naturels, ont travaillé à l’élaboration d’un Plan de sauvegarde des biens culturels pour la ville d’Arles en cas d’inondation ou de séisme.

Consciente des menaces environnementales et attentive à la préservation de son patrimoine face aux risques naturels, Arles complète ainsi sa démarche de gestion durable des patrimoines culturels, pris en compte dans le référentiel Qualicities3 initié par l’Alliance des villes européennes de culture (AVEC). Chantier innovant d’échanges et de productions, cette session est l’exemple d’un engagement commun où chacun se sent responsable de l’avenir environnemental et patrimonial de tous. Cette dimension rejoint les principes de la LENE (2010) et de la Convention de Faros (2005), qui affirment le principe du droit d’accès de chaque personne au patrimoine culturel de son choix, dans le respect des droits et libertés d’autrui. « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » (Antoine de Saint-Exupéry).

Edheline BOURGUEMESTRE
Adjointe au Chef du bureau de l’information préventive, de la coordination et prospective, ministère de l’Ecologie et du Développement durable

  1. Wassily Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991.
  2. En partenariat avec le ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, la Ville d’Arles, l’Alliance de villes européennes de Culture (AVEC), le Symadrem, le CPIE Rhône Pays d’Arles, l’Institut de prévention et de gestion des risques urbains (IPGR), l’Union internationales des associations et organismes techniques (UATI), le Pôle industries culturelles et patrimoine.
  3. Label européen Qualicities® développé dans le cadre de l’accord international pour le développement durable des villes historiques et culturelles.