La haute technologie au secours de l’architecture civile médiévale.
Sur un terrain régulièrement inondé par la Bièvre, les Cisterciens établissent au centre de Paris l’une des premières universités européennes grâce à l’abbé de Clairvaux, qui finance les travaux de 1247 à 1252 ; l’église est détruite lors du percement du boulevard Saint-Germain, puis le site, qui s’étend sur deux hectares jusqu’à la Seine, est laissé à l’abandon avant d’abriter une caserne de pompiers. Le diocèse de Paris rachète l’édifice en 2001, à l’instigation du cardinal Lustiger qui souhaite lui rendre sa vocation première : un lieu de rencontre et de dialogue, une école cathédrale à vocation artistique et culturelle, enfin une mission de formation.
Les principes généraux de restauration
- Pour réduire les charges sur les colonnes du rez-de-chaussée, les reins de voûtes sont déchargés et le plancher du premier étage suspendu.
- Pour supporter ces charges, de nouveaux entraits métalliques de forte section sont mis en œuvre.
- Pour dégager un volume important en combles, la charpente est métallique.
- Pour permettre le passage des différentes gaines techniques et réduire le poids de la structure, les pièces métalliques de charpente sont de type alvéolaire.
- Pour maintenir en position les colonnes et les voûtes du rez-de-chaussée après suppression des cloisonnements et des tirants, une grille métallique de raidissement comportant des aiguilles verticales dans les gerbes de voûtes est mise en oeuvre sur le dessus des voûtes, sous le plancher du premier étage et séparé de lui.
- Pour soulager les fondations existantes et reprendre les charges nouvelles, des micropieux de fondation sont mis en œuvre.
Côtoyer le passé, inventer le futur
Ambitieux et complexes, les travaux ont concerné l’ensemble des surfaces historiques, soit quatre mille mètres carrés auxquels s’ajoutent mille mètres carrés de surfaces créées en vue d’accueillir une salle polyvalente et une bibliothèque. « La principale difficulté de la restauration provenait de l’obligation d’insérer dans un édifice classé Monument historique et de haute qualité architecturale l’ensemble des éléments nécessaires au respect des normes propres à un établissement recevant du public », déclare Bertrand de Feydeau. La maîtrise d’ouvrage déléguée a été confiée à Séfri-Cime et la maîtrise d’œuvre à deux architectes : Hervé Baptiste, architecte en chef des Monuments historiques, et Jean-Michel Wilmotte, qui a dessiné les surfaces nouvelles et assuré l’ensemble de l’organisation intérieure. Il a aménagé des passages, mis en place un système d’extraction des fumées et de climatisation, prévu des installations sanitaires pour une capacité d’accueil maximale de mille cinq cents personnes. « Il s’agit de greffe, pas de pastiche, précise l’architecte, nous avons dû dégager la terre dans le cellier, redonner sa volumétrie initiale à la toiture, marier les techniques contemporaines aux supports de pierre. » Il a eu à coeur d’installer une transparence entre les salles de cours permettant une visibilité complète du cellier. Au terme de quatre ans de travaux, l’édifice propose aux visiteurs un jardin intérieur et un parvis. Il s’est vu doté de quinze salles de cours et deux auditoriums. La salle gothique, de soixante-et-onze mètres de long et de quatorze mètres de large, repose sur trente-deux fines colonnes. Elle a retrouvé son volume en dépit d’une librairie mal placée, et surtout une lumière empreinte de sérénité. La vaste sacristie du XIVe siècle, vestige de l’église détruite, accueillera également des expositions. Un jardinet et des douves tapissées de lierre permettent à la bibliothèque, construite sous le parvis, de recevoir la lumière naturelle. Le premier étage, sans intérêt architectural particulier, est divisé en bureaux et en salles de cours. Au second étage, deux auditoriums de deux cent cinquante et cent cinquante places avec traitement acoustique, régie complète et studio audiovisuel, ont été installés sous la charpente médiévale restituée, selon les plans du XIXe siècle. En sous-sol, le cellier enterré au fil des siècles pour stabiliser l’édifice manifeste à nouveau son ampleur et sa puissance.
Un mécénat exceptionnel
La rénovation de l’édifice s’élève à plus de cinquante millions d’euros, dont un million neuf pour l’acquisition, environ vingt millions de restauration et vingt-cinq millions d’aménagements ; le solde concerne l’équipement et le mobilier. Le budget de fonctionnement se situe autour de quatre millions d’euros. Cette opération n’aurait pu se conclure sans la participation de l’État, des collectivités territoriales (30 %) et des entreprises (35 %). La convention signée entre le diocèse de Paris, le ministère de la Culture, la région Île-de-France et la ville a contribué au financement de 72 % des travaux de restauration. Un comité de parrainage présidé par Bertrand Collomb et composé, entre autres, d’Anne-Marie Idrac, Michel Pébereau, Anne Lauvergeon, Jacques Delors… accompagne le projet depuis son démarrage et veille à sa poursuite. Une cellule mécénat a été créée pour maintenir ce soutien indispensable à l’essor du collège, et une section ouverte tout spécialement aux jeunes entrepreneurs sous l’autorité d’Henri de Castres. Le collège des Bernardins a su donner une dimension philosophique et artistique à la restauration du lieu, et entrer ainsi en résonance avec le public.
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Henri de Lépinay
Architecte, bureau d’études Michel Bancon