Traçons l’avenir

Il y a quelques années était le règne
de l’utopie reléguant l’histoire. Au-
jourd’hui le territoire français est de
plus en plus urbain. Le rural se
perd. On a distribué l’espace, les hommes,
Les activités. Les opérations sont contenues
en termes de densité démographique, de
circulation, de réseaux, d’échanges et de
zonage des activités diverses. L’abstraction
des hommes, de leurs cultures et d’une géo-
graphie réelle est signe d’utopicité. Le
mécanisme institutionnel est venu rompre
avec le discours de l’harmonie. Le système
établi s’est coupé de l’histoire, de la singula-
rité des paysages.
L’espace est fragmenté. Le morcellement
fonctionnel a conduit au morcellement du
paysage.

Un avenir pour un territoire ?

Qu’on le veuille ou non la forme urbaine
exprime le rapport d’une société à ses
valeurs, le rapport des collectivités à leurs
cultures. La ville est en elle-même un terri-
toire de dimension culturelle symbolique et
politique. À travers l’idée de ville vivent la
perception et l’usage de lieux. Une société
se donne les représentations qu’elle mérite.
Aujourd’hui perdues, oubliées sont les tran-
sitions. Il est nécessaire de savoir composer
celles-ci à l’échelle de l’espace, des lieux, de
créer des espaces intermédiaires, sans rup-
ture, formant un continuum urbain où
l’alternance organique des pleins et des
vides joue pleinement son rôle.

Retrouvons l’art de faire la ville. Arrêtons
la planification, la normalisation et le seg-
mentarisation pour retrouver le projet.
Reprenons le dialogue interrompu entre le
contexte urbain et l’architecture pour com-
poser des lieux de vie.

L’espace est continu. La notion de continuité
est fondamentale. Une ville se fait avec la
durée, la permanence, la régularité. Stoppons
l’urbanisme de secteur qui a engendré le
chaos urbain. Nous devons aujourd’hui
recoudre les différents espaces éclatés en
revenant aux projets pour l’espace de la ville
à composer, pour l’image de celle-ci avec le
souci permanent de l’intérêt public.

Remodelons l’espace

Le XVIIIe siècle, par exemple, confiait aux
architectes l’art de faire les villes. Ils étaient
responsables de projets d’embellissements
des villes. La sectorisation, l’urbanisme, la
planification n’existaient pas Scules les
notions larges des préoccupations pra
tiques techniques esthétiques et politiques
se rassemblaient dans le souci de créer des
lieux de vie intégrés dans une cité tant
dans sa trame que dans son histoire. Au
XIXe siècle le Baron Haussmann eut enco-
re ce talent de savoir créer de nouveaux
quartiers pour étendre le centre des villes.

Aujourd’hui on ne sait plus raisonner en
matière de continuité et de densité spatiale
des équipements. Pourtant nous sommes à
un tournant: la société attend des règles
claires, des actions avec une ligne de
conduite constante. Les maires ont une
énorme responsabilité depuis la décentrali-
sation est matière d’urbanisme. Un cadre
juridique doit rester. Un contrôle d’applica-
tion des textes et des réalisations doit être
effectué après prodigation de conseils et
d’un langage efficace auprès des collectivi-
tés locales pour expliquer la règle de droit
qui doit être simple.

Une nécessité de plus grande rigueur à la
fois et d’ouverture au niveau des Plans
d’Occupation des Sols est clairement res-
sentie. Ces documents d’urbanisme doivent
permettre par des règles une gestion fine
et adapté à chaque territoire défini où
l’approche environnementale, le ménage-
ment des ressources et la mise en valeur
patrimoniale respectueuse sont les soucis
premiers. L’aménagement du territoire
n’est pas une simple addition de systèmes.

L’important est de composer des espaces
en sachant créer un cadre de vie favorable
à l’équilibre et au développement de cha-
cun et de la Nation. L’amélioration de
l’espace, des paysages suppose une sensibi-
lisation et un processus de prise de respon-
sabilité collective.

Savoir concevoir

L’enseignement doit diffuser, donner la
compétence de savoir -faire la ville. Le
projet doit revenir au coeur des préoccupa-
tions des écoles d’architecture. Une culture
de la ville, de l’histoire de l’architecture doit
être renforcée avec une conception de l’art
de bâtir. Donnons-nous les moyens d’avoir
des concepteurs de qualité, d’en former. Il
est nécessaire de savoir appréhender et lire
l’espace.

Les missions dévolues aux différents ser-
vices de notre Ministère doivent être liées
à l’évolution de notre société.

Service Départemental d’Architecture, réseau de professionnels

Au sein des Services Départementaux
d’Architecture depuis longtemps nous
sommes présents dans tous les grands
enjeux du patrimoine urbain et paysager
au travers de nos missions.

Nous pourrions y être encore plus. Nous
sommes et resterons des partenaires à
intégrer dans des équipes de réflexions, de
projet. architectes, hommes de l’Art sen-
sibles, nous avons appris à lire, à appré-
hender l’espace, qui une fois interprété
révèle le projet qui lui est nécessaire.
Détenteurs d’avis forts au nom de l’intérêt
public par le biais des lois de protection du
patrimoine nous essayons de donner, de
dicter un savoir-faire et un savoir-être face
aux différents territoires, au paysage, au
patrimoine en s’adaptant au jeu de procé-
dures. L’État doit être garant et porteur de
qualité .

L’État, par le biais de nos services, est à la
fois expert, initiateur, acteur, contrôleur et
conseiller. L’enrichissement et l’efficacité de
notre action passe par le terrain . Des opé-
rations pluridisciplinaires et interministé-
rielles sont à multiplier. La cohésion sera
alors perçue comme facteur de développe-
ment pour un nécessaire équilibre social.

Quotidiennement les Architectes des Bâti-
ments de France au sein des Services
Départementaux de l’Architecture tra-
vaillent à des échelles différentes sur la
ville avec pour valeur essentielle la nécessi-
té du respect du Monument, du paysage
qui en découle, qui lui-même subit des
transformations. Ce paysage, ces portions
de territoire porteuses de sens et d’équi-
libre de vie deviennent à leur tour valeur à
respecter et symbole de reconnaissance et
d’identité. Les Services Départementaux de
l’Architecture, cellules départementales
dynamiques devraient être les services
fédérateurs de la politique de l’Etat en
matière de qualité architecturale de com-
position d’espace, d’art à faire la ville. Ils
devraient être aussi des centres de docu-
mentation au sein des départements en
matière de Patrimoine.

Un espace dessiné est à la fois lieu et
milieu, sorte d’espace historié devenant
historique chargé d’émotion, de récit, de
perspective, d’esprit.

Nous sommes responsables du paysage que
nous composons, transformons et que nous
transmettons.l

Brigitte LELIEVRE
Architecte et urbaniste de l’État, architecte des bâtiments de France

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