Les objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique, outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’essor des énergies renouvelables, visent à réduction de la consommation d’énergie. Un des leviers d’action de ce troisième volet, consiste à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Trois catégories de mesures ont été introduites dans le Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) depuis 2015 par l’intermédiaire de trois lois.
La loi du 18.08.2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite loi TECV) institue l’obligation de réaliser des travaux d’isolation lors de gros travaux de rénovation de façade ou de réfection de toiture (Article L173-1 CCH)
Cette obligation ne s’applique pas (articles R. 173-1 et R. 173-6 CCH) dans trois cas de figure :
- s’il existe un risque de pathologie,
- les bâtiments protégés au titre des Monuments historiques (MH) ou marqués “architecture contemporaine remarquable” (ACR) s’ils « altèrent déraisonnablement leur nature ou leur apparence » ;
- en cas de modifications de l’état des parties extérieures ou des éléments architecturaux et décoratifs à rebours de la réglementation des bâtiments protégés au titre des abords MH des SPR et des PLU ; et sites classés ou inscrits (codes de l’environnement).
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) du 23 novembre 2018, et ses dispositions sur la performance énergétique des bâtiments à usage tertiaire
Elle renvoie à un décret d’application dit “décret Tertiaire”. Cette loi a fixé des objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale de l’ensemble des bâtiments existants à usage tertiaire (article L. 174-1 CCH). Cette obligation s’impose aux propriétaires ou exploitants d’établissements abritant des activités tertiaires (bureaux, commerces, musées, gares, piscines…) sur une surface égale ou supérieure à mille m2. De rares exemptions sont prévues (lieux de culte, par exemple).
Les objectifs peuvent être atteints suivant deux moyens :
- objectif en valeur relative : réduction de la consommation d’énergie par rapport à une année de référence, qui ne peut être antérieure à 2010 (réduction de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050) ;
- objectif en valeur absolue : respect d’un seuil de consommation d’énergie défini en fonction de la catégorie de bâtiment.
Plusieurs actions peuvent être mises en œuvre pour atteindre ces objectifs, notamment en améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments et en adaptant les lieux à des usages économes en énergie.
L’article R. 174-26 CCH de cette loi prévoit que les objectifs de réduction de la consommation d’énergie peuvent être modulés, en raison des caractéristiques techniques, architecturales ou patrimoniales des bâtiments, notamment lorsque certaines actions susceptibles de contribuer à l’atteinte de l’objectif :
- font courir un risque de pathologie pour le bâti,
- entraînent des modifications importantes de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour les MH, leurs abords, les SPR, les sites classés ou inscrits, les immeubles protégés au titre du PLU ou labellisés ACR.
Un arrêté du 10 avril 2020 (articles 6 à 9) prévoit qu’un dossier technique doit être établi pour justifier cette modulation. Ce dossier comprend notamment :
- une étude énergétique sur les actions d’amélioration de la performance énergétique du bâtiment ;
- un avis justifiant les raisons architecturales ou patrimoniales de la modulation.
Ce dernier avis est émis soit :
- par un architecte en chef des monuments historiques ou un architecte titulaire du diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture mention “architecture et patrimoine” ou de tout autre diplôme reconnu de niveau équivalent pour les MH classés ;
- et par un architecte dans les autres cas (hors sites classés ou inscrits au titre du code de l’environnement).
À cause de la complexité et des nombreuses ressources nécessaires pour répondre à une telle obligation, l’administration a mis en place une déclaration numérique de données sur une plateforme Internet appelée “OPERAT” : elle permet aux propriétaires et aux preneurs à bail de bâtiments, assujettis aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire de répondre aux dispositions énumérées ci-dessus. La date limite pour réaliser la déclaration des consommations de l’année 2022 sur cette plate-forme est fixée au 30 septembre 2023.
La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi Climat et Résilience) du 22 août 2021, et ses dispositions sur la performance énergétique des logements.
Le titre V « Se loger » de la loi Climat prévoit diverses mesures qui visent à éradiquer l’habitat qualifié de “passoire thermique” (classes F et G). Ces mesures s’appuient sur le diagnostic de performance énergétique (DPE – Cf. l’article L. 173-1-1 CCH) qui permet de classer les logements A (extrêmement performant) à G (extrêmement peu performant).
La loi Climat n’exclut pas par principe l’application de ces mesures pour les logements situés dans des bâtiments protégés pour leur intérêt patrimonial mais elle prévoit dans la plupart des cas des dispositions qui visent à permettre la prise en compte de ces caractéristiques patrimoniales.
Il faut toutefois noter que le DPE n’est à ce jour pas obligatoire pour les monuments historiques (article R. 126-15 CCH). Les logements situés dans les MH ne sont donc pour l’instant pas concernés par ces mesures, puisqu’il n’est pas possible de savoir à quelle classe ils appartiennent.
Une directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments est en cours de révision prochaine et pourrait soumettre les MH à la réalisation du DPE.
D’une manière générale, la loi Climat et Résilience instaure cinq mesures :
-
Article 155 : définition de la rénovation énergétique performante (L. 111-1 CCH)
Cet article prévoit une possibilité d’exception à l’atteinte du niveau de performance fixé dans cette définition en cas de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales.
L’article R. 112-18 CCH précise ces exceptions. Il s’agit notamment :
-des risques de pathologie du bâti ;
-des cas dans lesquels des travaux de rénovation performante entraineraient des modifications de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour les MH, leurs abords, les SPR, les immeubles protégés au titre du PLU ou labellisés ACR, les sites classés ou inscrits. -
Article 158 : obligation de réaliser un audit énergétique
réglementaire lors de la vente des bâtiments à usage d’habitation en monopropriété les plus énergivores (classes D, E, F et G). Cet audit doit proposer un parcours de travaux permettant d’atteindre un bon niveau de rénovation énergétique et prévoir les travaux nécessaires pour atteindre la classe B, lorsque les contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales le permettent. Il reste que l’article précise que ces propositions doivent être compatibles avec les servitudes prévues par le Code du patrimoine. -
Article 159 : gel des loyers en cas de nouvelle location ou de renouvellement du bail pour les logements des classes F et G (à compter de 2022) (modification de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs). Il n’y a pas d’exception prévue par cet article pour le patrimoine.
-
Article 160 : définition du niveau de performance minimal caractérisant un logement décent (modification de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs). Les logements les plus énergivores seront progressivement considérés comme indécents au regard de la loi du 6 juillet 1989, et donc interdits de mise en location. Un calendrier échelonné est prévu (2025 pour la classe G, 2028 pour les classes F et G, 2034 pour les classes E à G). Ainsi, le locataire pourra exiger de son propriétaire qu’il effectue des travaux visant à permettre le respect du niveau minimal de performance caractérisant un logement décent. Toutefois, la réalisation de ces travaux ne pourra pas être ordonnée par le juge dans certains cas, notamment si les caractéristiques architecturales ou patrimoniales du logement font obstacle à l’atteinte du niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes.
-
Article 174 : transformation de l’obligation de consommation maximale pour les logements en un niveau de performance minimale (classe E à compter de 2028). Cet article prévoit également une possibilité de dérogation à l’atteinte de ce niveau minimum de performance en cas de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales.
En l’état de l’art, ce qui fait débat aujourd’hui, ce n’est pas tant la contrainte de la DPE qui repose sur la location mais plus l’acuité des critères des audits qui sous-tendent cette DPE, qui en milieu patrimonial peuvent sous évaluer les performances effectives de ces bâtis.