Évolution sans révolution
« Le soleil lui-même a été jadis une nouveauté, et la terre fut une nouveauté, et l’homme fut une nouveauté. L’histoire humaine n’est qu’un effort incessant d’invention, et la perpétuelle évolution est une perpétuelle création. »
Jean Jaurès, discours à la jeunesse, Albi, 1903
L’étalement urbain s’accentue malgré nos tentatives répétées de l’endiguer. Nous aspirons à un confort accru sans vouloir assumer pleinement les contradictions de nos modes de consommation. Les projets éoliens ou solaires restent des initiatives privées sans stratégie globale de l’État, en contradiction avec la préservation des paysages. Aucune mesure définitive n’est prise pour réduire la production des déchets durablement polluants. Ces menaces pèsent quotidiennement sur notre environnement parce qu’une trop grande partie de l’humanité a perdu son lien ontologique à la Terre. Le réchauffement des pôles, des populations sinistrées, des catastrophes à répétition ne trouvent qu’un écho incertain dans un Occident d’abord sensible aux lois du marché. Pourtant, les technologies permettant d’assurer la transition vers des modes de vie plus respectueux des ressources et de préserver nos écosystèmes existent.
Serons-nous contraints de voir évoluer nos institutions et nos pratiques uniquement par la révolution, une catastrophe naturelle ou technologique ? Il est encore temps de réagir collectivement, de prendre pleine conscience de notre responsabilité au sein de l’univers et, selon la devise helvétique Uno pro omnibus, omnes pro uno, d’entraîner les décideurs dans la reconquête raisonnée de nos ressources naturelles. En France, la volonté de solidarité sociale résiste mal à l’enivrement du pouvoir. Elle devrait pourtant nous conduire à considérer l’architecture au-delà des intérêts individuels, à respecter le patrimoine comme ferment de notre identité et à concevoir un urbanisme harmonieux qui réconcilie les villes et leur périphérie. La conception patrimoniale et l’intérêt général contenus dans la politique des secteurs sauvegardés inventés en 1962 par André Malraux nous rappellent le vaste et généreux dessein de la France d’appliquer les lois universelles du respect de l’autre et la volonté de préserver les ressources dont nous sommes les dépositaires.
Frédéric AUCLAIR
Président de l’ANABF