Les palafittes préhistoriques

Les palafittes préhistoriques de l’Arc alpin sont des vestiges d’habitations, de hameaux ou
de villages préhistoriques datés entre 5 000 et 500 av. J.-C. et installés à proximité des principaux plans d’eau de l’espace péri-alpin.

En raison de l’exhaussement progressif du niveau des eaux au cours des âges, les terrains portant les constructions ont été immergés. Les sites palafittiques se situent aujourd’hui sur les plateformes littorales ou dans les zones de marais où tourbières. En milieu aquatique ou humide, les vestiges, en grande partie de nature organique, jouissent de conditions de conservation bien supérieures à ce qu’elles seraient en terrain sec : l’abondance et la diversité des vestiges livrent une image détaillée de l’architecture des maisons, de l’organisation des villages, de la vie quotidienne, des pratiques agricoles, de l’élevage et des innovations techniques comme la métallurgie. Ces indices matériels sont d’autant plus précieux qu’ils témoignent d’une civilisation dépourvue d’écriture.

Des biens “invisibles” et sans frontière

En juin 2011, l’Unesco a inscrit au Patrimoine mondial une sélection de ces gisements archéologiques d’une richesse exceptionnelle1 . Le dossier « Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes », porté par la Suisse, correspond à un choix représentatif de cent onze sites où groupes de sites sur le presque millier connu à ce jour dans six pays de l’Arc alpin : Suisse, Allemagne, France, Italie, Autriche, Slovénie2 . Pour la France, six plans d’eau sont concernés en Franche-Comté et en Rhône-Alpes. Deux lacs, Chalain et Clairvaux, dans le Jura français, correspondent à un bien chacun. Quatre autres lacs, situés en Savoie et Haute-Savoie, regroupent neuf biens (Annecy, Aiguebelette, Le Bourget, Léman).

L’inscription au Patrimoine mondial de sites pour ainsi dire invisibles et inaccessibles aux non-spécialistes a de quoi surprendre. Les critères principaux d’authenticité et d’intégrité des gisements subaquatiques se fondent tout d’abord sur une matière scientifique de premier plan réunie par les archéologues familiers du milieu lacustre et au fait des méthodes de recherche les plus sophistiquées. Les sites inscrits jouissent d’un niveau de connaissance élevé tout en préservant un potentiel scientifique important. Ils présentent également un état de conservation satisfaisant et doivent faire l’objet de mesures de protection aussi développées que possible. C’est donc essentiellement sur la notion de potentiel archéologique, à la fois authentique et vulnérable, que se fonde la démonstration du caractère exceptionnel et de la valeur universelle des sites palafittiques européens.

La reconnaissance par l’Unesco, une incitation à agir

L’inscription au Patrimoine mondial ne constitue pas une fin mais le point de départ d’actions conduites dans le cadre du plan de développement conçu et suivi par un groupe de pilotage international. Il est évident que pour la France, la reconnaissance des sites palafittiques par l’Unesco s’est rapidement traduite par un changement de rythme et d’échelle des interventions en leur faveur. Certes, la préoccupation principale des États parties est d’assurer la transmission aux générations futures de ces témoins archéologiques fragilisés ou menacés par les transformations de leur milieu d’origine. Cependant, la collaboration internationale a aussi d’autres objectifs : maintenir une recherche scientifique de haut niveau, favoriser les échanges scientifiques et méthodologiques entre les chercheurs, promouvoir et faire connaître le patrimoine subaquatique au plus grand nombre. Un plan d’actions régulièrement mis à jour se décline dans des projets concrets au niveau international, national, régional et local.

En matière de protection et de conservation préventive, le plan de gestion prévoit évidemment toute une série de recommandations, depuis la mise en place des outils de protection juridique les plus élevés possible dans la législation de chaque pays jusqu’à des opérations de protection physique dans certaines circonstances, en passant par la surveillance régulière des gisements pour évaluer les risques et les prévenir. Les risques les plus courants sont ceux liés au développement et à l’urbanisation des rives lacustres qui entraînent l’augmentation des phénomènes d’érosion des couches archéologiques en général faiblement recouvertes. En outre, le plan de développement reprend une recommandation forte de l’Icomos qui insiste sur la convergence des protections du patrimoine culturel et des espaces naturels. D’ores et déjà, les mesures mises en place pour les lacs jurassiens et savoyards
illustrent bien cette imbrication positive des protections au titre du patrimoine culturel et du patrimoine naturel.

Le cas des palafittes montre donc, s’il en était besoin, que le caractère “invisible”, ou du moins le manque d’expression en surface de ces biens, immergés pour la plupart, ne fait pas obstacle au Patrimoine mondial mais rend probablement la démonstration plus exigeante et la mise en œuvre du plan de développement plus complexe. La collaboration et l’échange d’expériences entre les équipes des six pays est une nécessité: des rencontres régulières sont prévues, comme les journées d’études organisées par la France en 20133 et consacrées à la réflexion et au partage des bonnes pratiques en matière de protection et de suivi sanitaire des sites.

Sources

  • Prehistoric Pile Dwellings around the Alps. World Heritage nomination. Switzerland, Austria, France, Germany, Italy, Slovenia, dossier de candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco, CH-Bern, 2010, 2 vol.
  • Prehistoric Pile Dwellings around the Alps. World Heritage nomination, Additional information, Management Plan, version 2.0, February 2011.
  • Candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco « sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes ». Brochure de présentation, Palafittes, association pour l’inscription des sites palafittiques au Patrimoine mondial, CH-Bern, 2009.
  • MARGUET A., « Archéologie sous-lacustre. Des habitats palafittiques préhistoriques régionaux inscrits au Patrimoine mondial », La Rubrique des patrimoines de Savoie, juillet 2012, n° 29, p. 20-22.
  • Collectif, Préhistoire. Les cités lacustres du Jura et de la Savoie, Dossiers d’Archéologie, n° 355, janvier-février 2013.
    Site internet: www.palafittes.org

Élise BOUCHARLAT
Inspectrice générale des patrimoines, Direction générale des patrimoines
Colette LAROCHE
Ingénieure d’études, DRAC de Rhône-Alpes, Service régional de l’archéologie
Annick RICHARD
Ingénieure d’études, DRAC de Franche-Comté, Service régional de l‘archéologie

  1. Une présentation de grande qualité est disponible sur iPhone en quatre langues. L’application est gratuite et peut être téléchargée dans l’Apple Store : Palafittes Guide.
  2. Répartitions des biens : Suisse : cinquante-six ; Italie : dix-neuf ; Allemagne :dix-huit ; France : onze ; Autriche : cinq ; Slovénie : deux.
  3. Manifestation organisée par la Direction générale des patrimoines et les DRAC de Rhône-Alpes et de Franche-Comté les 25-27 septembre 2013 dans le cadre de la présidence française du groupe de pilotage international.
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