À l’occasion de recherche de performance énergétique, la connaissance que nous avons acquise sur le comportement hygrothermique du bâti ancien a permis de l’appréhender sous un jour nouveau. Paradoxalement, pour nombre de ses détracteurs qui n’y voyaient que des défauts en raison d’une insuffisance des moyens du passé, ce bâti, sous réserve qu’il soit bien entretenu, a révélé bien des qualités. C’est ainsi qu’au-delà de ses multiples valeurs historique, architecturale, économique et sociale, le patrimoine architectural constitue une référence en matière de performance énergétique. N’est-il pas menacé pour autant ? On parle en effet de la fameuse isolation thermique par l’extérieur (ITE), mais aussi de surélévation, de suppression de COS et donc de transformations, voire de profondes atteintes architecturales. Quelle pourrait donc être la place du bâti ancien dans la ville de demain ? État des lieux d’une position qui mérite d’être étudiée avec attention.
Que représente le patrimoine bâti ancien ?
Quantitativement, le bâti ancien dans son ensemble représente environ dix millions de logements, soit le tiers du parc actuel dont 40 % d’immeubles collectifs qui forment la structure des centres urbains.
Quelles sont ses caractéristiques ?
Caractérisé par son mode constructif sans matériaux imperméabilisants, ciment, etc., il est né solide et durable ; en effet, il représente ce qui à survécu, parfois au-delà des siècles, aux vicissitudes du temps et des événements. Il bénéficie en général, mais dans une moindre
mesure en milieu urbain où les contraintes sont multiples, d’une conception bioclimatique (orientation par rapport au soleil, aux vents, aux pluies).
Différence fondamentale avec le bâti moderne et contemporain, ses matériaux laissent transiter la vapeur d’eau. Il vit avec et par son environnement. Il ne présente pas de “ponts
thermiques”. Il offre un bon confort d’été (l’inertie des parois épaisses). Ses matériaux sont recyclables ; il constitue pour beaucoup un modèle d’écologie. Il a peu coûté à la planète. Sa destruction suivie d’une nouvelle construction conduirait à un bilan énergétique très coûteux.
Selon les études récentes, notamment Batan (2011) et Hygroba (2012), il n’est pas dispendieux en énergie, avec une consommation moyenne d’environ 175 kwh/m2 par an, inférieure à celle du parc existant de 250 kwh/m2 par an et à comparer au bâti des Trente Glorieuses qui consomme plus de 350 kwh/m2 par an. Les combles, les caves, les mitoyennetés jouent thermiquement le rôle majeur d’espaces tampons qui protègent les lieux de vie des rigueurs du climat extérieur. La densité, particulièrement remarquable en milieu urbain, joue un rôle important dans le confort thermique (mitoyennetés, microclimats, etc.). Les centres anciens présentent les plus fortes densités (secteurs sauvegardés, etc.). Les quartiers haussmanniens sont plus aérés. On note que l’environnement végétal contribue à modifier les conditions climatiques. Des études récentes ont prouvé également l’intérêt des espaces verts et des plans d’eau en milieu urbain pour le confort d’été.
Quels sont les enjeux en milieu urbain ?
Dans la recherche nationale d’économie d’énergie en matière d’habitat, l’effort doit porter massivement et en priorité sur les bâtis “déperditifs”, modernes et contemporains. La part du bâti ancien urbain s’avère donc peu importante, puisqu’il est relativement performant et ne représente qu’environ 15 % du total du bâti existant. C’est une chance pour éviter des interventions intempestives et pour assurer sa préservation hautement souhaitable.
Le bâti ancien est très prisé dans les grands centres haussmanniens. Il y est le plus performant et ne nécessite que quelques corrections thermiques intérieures où éventuellement extérieures pour des façades arrière sans qualité architecturale.
Il est cependant laissé vacant dans les quartiers en marge du centre et dans bien des bourgs. La vétusté, l’exiguité des lieux, l’absence d’espace extérieur privatif, le manque de confort dû au manque d’entretien et l’absence de réhabilitation, leur difficile adaptation aux normes de sécurité et handicapés, ainsi que les modes de vie contemporaine qui ont favorisé la voiture individuelle les a rendus peu attractifs. La reconquête des centres par les politiques de réhabilitation et de ravalement, de transports en commun ramifiés, des circulations piétonnière et cyclable ou/et d’espaces publics sécurisés trouve toute sa justification car elle se révèle de plus en plus adaptée à la nouvelle composition sociale (célibataires, ménages monoparentaux, personnes âgées) engendrant une demande accrue de services et commerces de proximité.
Comment requalifier ce bâti urbain ?
Modalités d’intervention
Les contraintes patrimoniales sont telles que seules des améliorations sont envisageables
et qu’il n’est pas possible d’obtenir des performances exigibles pour le bâti à venir. L’isolation thermique par l’extérieur ne peut cependant être envisagée qu’exceptionnellement sur le bâti ancien, pour des raisons historique et architecturale. Les matériaux devront être capables de gérer les phénomènes d’absorption-restitution de vapeur d’eau de façon durable.
À l’exception des fenêtres orientées au sud dont le bilan thermique est en général positif, l’amélioration des menuiseries s’impose.
Rappelons que la solution la plus anciennement répandue est la fenêtre double dont on voit maints exemples traditionnels et historiques. Le système de ventilation, jusque-là totalement naturel, se trouvera modifié mais devra être assuré. Il importe d’intervenir pour restituer ou améliorer un environnement bâti et paysager climatiquement favorable : restituer la perméabilité des sols, préserver les mitoyennetés, maintenir l’aération, la protection aux vents. Pour favoriser l’emploi d’énergies renouvelables, on peut noter que le problème de l’intégration des panneaux photovoltaïques pour constituer des pans entiers de couverture est moins délicat que dans le cas des panneaux thermiques.
Les réglementations
La « réglementation thermique sur l’existant », dite « RT ex », est définie par l’arrêté du 3 mai 2007. Précisons qu’aucune obligation réglementaire n’est établie pour le bâti ancien datant d’avant 1948 en ce qui concerne les murs et les sols parce que l’administration a adopté une attitude de précaution. En effet, la connaissance du bâti ancien est encore insuffisante et il n’est pas possible d’établir des prescriptions pertinentes au-delà de celles qui ont été édictées.
Le projet de loi sur la transition énergétique a fait craindre l’obligation de l’isolation par l’extérieur. La suppression de COS de la loi Alur fait courir les risques d’extensions architecturales mal maîtrisées.
En réponse à ces risques, on ne peut que confirmer que les multiples qualités reconnues du bâti des centres urbains doivent être maintenues, valorisées et bénéficier d’une attention particulière lors de toute réhabilitation.
Tony MARCHAL
Architecte honoraire, formateur Maisons paysannes de France.