« Pau est la plus belle vue de terre comme Naples est la plus belle vue de mer » A. de Lamartine.
Si Pau reste indissolublement lié à son château royal qui vit naitre Henri IV, cette ville représente la mémoire vivante d’une histoire unique qui s’incarne dans un patrimoine architectural, urbain et paysager unique et exceptionnel. Cet emblématique château féodal, devenu à la Renaissance un aimable palais résidentiel, est agrémenté, selon les chroniqueurs de l’époque, par ses jardins « les plus beaux d’Europe ». Puis ses parcs, les nouvelles constructions et les fameux horizons palois vont permettent à la Ville de Pau de devenir, au XIXe siècle, le rendez-vous du gotha international.
Figure symbolique de la Restauration puis de la Monarchie de Juillet, le château royal va devenir palais impérial puis national. Et les architectes parisiens de la Monarchie de Juillet, du Second Empire comme de la Troisième République vont œuvrer au renouveau du château comme à la restructuration et à l’embellissement de la ville de Pau. Le XIXe siècle va être le siècle de tous les changements et de toutes les audaces.
Un acte fondateur.
C’est Napoléon Bonaparte qui, visitant Pau en 1808, donne la direction stratégique, en ordonnant d’agrandir la Place impériale et de l’ouvrir sur les Pyrénées afin de tirer parti de la magnifique vue que l’on aura sur ses cimes enneigées. Cet acte fondateur du nouveau Pau va bouleverser la physionomie et la structure de la ville. Car cette vision prémonitoire va conduire à dresser le projet d’une promenade pour relier les deux extrémités de la ville, tout en profitant d’un panorama sublime : ainsi est né le fameux « boulevard des Pyrénées ». Jusque-là introvertie, tournant le dos aux Pyrénées, Pau va se retourner comme un gant pour s’ouvrir sur cette nouvelle perspective et ce paysage grandiose : et au skyline du fond de scène pittoresque et grandiose que sont les montagnes pyrénéennes, va répondre le nouveau skyline à bâtir de la Ville, dont le centre de gravité sera cette fameuse Place impériale rebaptisée aujourd’hui Place royale.
De la ville climatique à la ville villégiature.
Un médecin, A. Taylor va contribuer à la célébrité mondiale de la ville de Pau, en publiant en 1842 un ouvrage célèbre intitulé « de l’influence curative du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées ». Ainsi fut faite la renommée et la naissance de la nouvelle ville climatique : Pau. Celle-ci va offrir à l’Europe un lieu de rendez-vous unique pour qui recherche la douceur de l’hiver palois, la chasse à cour, la chasse au renard, les jeux, le golf, l’aviation expérimentale et les diners mondains. Casino, églises et temples, grands hôtels, kiosques à musique, parcs, jardins et promenades vont agrémenter la ville. L’édification en 1862 du Grand Théâtre, en lieu et place de l’église Saint Louis, traduction paloise du théâtre à l’italienne de A. Palladio, viendra compléter la renommée de la ville et ainsi donner un fond de scène à la Place royale, coté ville. En parallèle, l’arrivée massive de ces nouveaux « hivernants », Britanniques, Américains, Russes, va s’accompagner de la construction de « villas anglaises » nichées dans leurs somptueux « parcs à l’anglaise » ouvrant bien entendu sur les Pyrénées.
Mais c’est en 1893 que va se concrétiser le projet phare de la ville. Considérant « qu’il manque à Pau la promenade des Anglais de Nice », J.C. Alphand, architecte et ingénieur, va créer le boulevard des Pyrénées, un belvédère sur la chaine montagneuse, lieu emblématique pour « voir et se faire voir ». Véritable prouesse technique pour l’époque, cette promenade ou ce balcon en bord de falaise repose sur un viaduc novateur porté par quarante-neuf piles ; la vision prophétique, l’audace et le talent d’Alphand auront été décisif pour dessiner à tout jamais ce « génie des lieux » si particulier et si spécifique à Pau.
Primus inter pares, la mythique promenade du boulevard des Pyrénées sera la consécration de cette « ville belvédère » sur les Pyrénées, cette nouvelle ville cosmopolite, ouverte au monde et sur le monde, ouverte sur le XXe siècle qui se profile déjà.
De la préservation de ce patrimoine à un projet de ville
La seconde moitié du XXe siècle enfourcha le cheval de la modernité amnésique et de la table rase : les belles villas à l’anglaise furent petit à petit dépecées et leur parcs sauvagement bétonnés d’immeubles incongrus. Puis l’on s’indigna de la destruction de ce patrimoine, témoin de cette société du XIXe siècle avec son art de vivre à tout jamais disparu. Une ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) fut alors lancée en 1999 puis transformée en AVAP (aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine). Conscient que le cœur de Pau avec son quartier XIXe du boulevard des Pyrénées recelait encore des trésors architecturaux et urbains typique de ces temps révolus mais bien présents qu’ont été le Restauration, le Second Empire comme la Troisième République, l’État et la collectivité territoriale viennent d’engager un PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) après la création, en 2016, du Secteur sauvegardé de Pau.
Ce projet global et cohérent, sur ce site de 85 ha, va permettre de préserver un patrimoine architectural, urbain et paysager quelque peu oublié mais remarquable, de mettre en valeur les emblématiques espaces publics de Pau, symbole du bien vivre ensemble, de résorber la vacance et promouvoir un habitat de grande qualité dans l’histoire, de mettre en valeur les commerces en ville avec leurs élégantes façades, de restructurer les équipements culturels, bref de redonner une nouvelle dynamique à la ville tout en préservant et valorisant l’ « esprit des lieux » qui fait l’identité du Pau d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
« Y a-t-il rien en Europe de plus beau que l’éblouissant panorama des Pyrénées vues de la Place Royale de Pau …… » H. Russel, fondateur du Pyrénéisme.*