L’État, l’élu, la société, le territoire
En 1947, paraissait « Paris et le désert français » du géographe Jean-François Gravier. Le titre évocateur ne laissait planer aucun doute sur le contenu : le constat de l’abandon des territoires ruraux au profit de la capitale… Force est de constater qu’un demi-siècle de politiques d’aménagement du territoire, d’abord inspirées par les propositions de cet ouvrage puis poussées par l’idée qu’il fallait se mettre à un niveau « européen » en termes d’attractivité des territoires ont abouti, tensions économiques à l’appui, à reproduire un schéma territorial de même nature.
La décentralisation qui a fait des collectivités des acteurs puissants de l’aménagement a été un moteur important de la métropolisation des principaux pôles régionaux et tout cela a contribué à maintenir, voire augmenter, le déséquilibre qui existait entre les territoires urbains et ruraux. Ainsi, les campagnes sont toujours des sortes de déserts en mal d’habitants, de commerces et d’activités, chiches en services publics et lacunaires en moyens de transports publics… Le nombre impressionnant de dispositions destinées à leur soutien et leur revitalisation qui se sont succédées et qui coexistent aujourd’hui ne parviennent cependant pas à convaincre quant à leur efficacité.
Dans le même temps, les politiques patrimoniales se sont développées avec une approche urbaine et paysagère intégrée de plus en plus structurée, au profit de sites majoritairement ruraux, comme en témoigne le maillage des anciennes ZPPAUP et AVAP devenues plus de huit cents SPR dont le nombre ne cesse de prospérer. Cependant, l’image réglementaire, exclusive, et finalement contraignante, que portent ces procédures d’une manière générale a, malheureusement, trop souvent limité les effets de leviers qu’elles auraient pu avoir pour valoriser des territoires et faire du patrimoine architectural et paysager un moteur de projets urbains.
C’est dans ce contexte que, soixante-dix ans après l’alerte de Jean-François Gravier, le 1er février 2017, Yves Dauge remet au Premier ministre le « Plan National en faveur des nouveaux espaces protégés » qui lui avait été commandé. Ce plan est l’aboutissement d’un acharnement de toujours pour défendre, précisément, la conception de projets de développement à partir du trésor que constitue le patrimoine architectural urbain et paysager, en trouvant le juste équilibre entre conservation et transformation. « Action Coeur de Villes » qui cible justement les villes moyennes est l’un des volets opérationnel les plus visibles de cet engagement.
Un an plus tard, le colloque organisé par l’ANABF à Châteaugiron, dont ce dossier constitue les actes, a permis de montrer la vitalité des collectivités pour s’emparer de ces sujets, le plus souvent accompagnées par les services de l’état et particulièrement les architectes des bâtiments de France. La société civile est également présente et active. Les expériences et les projets décrits montrent clairement que l’enjeu patrimonial a un potentiel important, qu’il doit être intégré dans les projets de revitalisation et qu’il l’est de plus en plus.
Merci Monsieur le sénateur Dauge d’avoir donné un nouvel élan à la ruralité si caractéristique de notre pays et d’avoir de cette façon contribué à la richesse de ce colloque. Merci Madame la sénatrice Gatel d’avoir fait part de votre engagement sur ces enjeux, pleinement inscrits dans ceux du monde de demain.
