Lors de la table ronde du 6 juillet 2023 organisée au Conseil national de l’ordre des architectes sur la thématique « La place de l’architecte dans la rénovation énergétique », l’association nationale des architectes des bâtiments de France a souhaité donner la parole à des professionnels engagés pour une rénovation plus respectueuse du bâti ancien. Cet article propose une synthèse du propos de Madame Nathalie Sandt sur la nécessité d’intégrer la question de la réhabilitation énergétique à toutes les échelles, et le plus en amont possible, à savoir dès la programmation d’un projet architectural ou urbain.
Nathalie Sandt est architecte spécialisée dans la rénovation de l’existant bâti et urbain.
De l’importance du diagnostic
Le diagnostic patrimonial est le préalable essentiel du projet de restauration et de la valorisation thermique. Il permet d’établir les valeurs patrimoniales et de soutenir une critique d’authenticité qui orientera les choix techniques et les arbitrages relatifs aux autres composantes du bâti et de son environnement : capacité portante, structure, confort thermique, interactions avec son contexte naturel ou artificiel…
Il est aussi l’outil de la sensibilisation des acteurs aux qualités de l’existant : à l’échelle du site, des espaces bâtis, de la valeur esthétique, du matériau. Il constitue le cadre du constat des pathologies existantes (le relevé d’état sanitaire qui permettra d’éviter les erreurs irréversibles).
Outil classique des interventions sur les monuments historiques (cas de l’hôtel Dieu de Carpentras, de celui de Belleville-en-Beaujolais, du château de Goutelas à Marcoux), il devrait être adapté aux interventions sur un patrimoine plus courant que l’on néglige souvent, qu’il s’agisse du bâti pavillonnaire (étude « rénover le pavillon ordinaire des Trente Glorieuses » du CAUE 69 et ECORENO’V) ou du bâti de village ou de centre-ville non protégé.
Phase classique de l’élaboration d’un PSMV, il peut être adapté à d’autres études urbaines, opérationnelles, ou à l’échelle de l’îlot ou du quartier ancien : par exemple, « Action Cœur de Ville » (cas de Monbrison), Opérations Centre Bourg, ou Petites Villes de Demain.
Les orientations programmatiques à chaque échelle
Le diagnostic patrimonial multicritères permet une programmation pluriannuelle équilibrée intégrant l’ensemble des problématiques: nécessité de travaux, contraintes financières, recherches de subventions, maintien ou création d’activités vitales.
Le cas du château de Goutelas (Marcous, 42) illustre la nécessité d’établir un plan guide directeur. Les travaux sont échelonnés entre les interventions d’urgence, les transferts d’usage, les études complémentaires et les restaurations à provisionner. C’est aussi le document de définition d’un cadre réaliste recueillant l’adhésion des différents acteurs (et financeurs) et permettant un chiffrage.
La même logique s’applique à la définition d’un projet à l’échelle d’un centre ancien. Les diagnostics et les orientations stratégiques de l’étude Cœur de Ville menée à Montbrison en 2018, ont donné lieu à la mise en oeuvre d’actions cohérentes et complémentaires sur le long terme notamment : le schéma directeur d’aménagement des espaces publics, une ORT, un dispositif OPAH-RU et un Plan façades avec accompagnements divers.
Cette méthode permet également de regrouper les bonnes équipes autour d’un projet. Pour le cas de Montbrison, l’équipe intégrait notamment un artisan maçon, un coloriste mais aussi un juriste.
C’est sur cette base que le projet a intégré des fiches conseils par typologies, associées à des permanences pour orienter au plus juste les projets de restauration, et assurer un accompagnement pédagogique des propriétaires et artisans, y compris sur le volet énergétique. La typologie spécifique du bâti des quais vise par exemple à privilégier la ventilation naturelle de ces bâtiments traversant en rétablissant les ouvertures en rez-de-chaussées commerciaux et sous-bassement. Ce dispositif vertueux permet non seulement d’éviter la prolifération des aérateurs en façade, mais aussi de rétablir un éclairage naturel dans des espaces annexes au logement tout en valorisant les menuiseries, les balcons ou les volets qui caractérisent les façades.
Le temps long des enjeux patrimoniaux
La résilience du bâti ancien est donc grande, mais pas non plus infinie. Il y a urgence à limiter les risques liés à une mauvaise rénovation thermique : perte d’inertie, obturation des ventilations naturelles, gaspillage de matériaux inadaptés, risques sanitaires, risque social même lié à la pénalisation injuste de certains logements.
Les spécificités du bâti ancien nécessitent un temps de maturation au projet, du fait de leurs caractéristiques propres, mais aussi pour casser les préjugés et réhabiliter le bâti ancien dans les esprits. Ce temps est également nécessaire aux alternatives, car il faut souvent accepter qu’un programme tienne compte des capacités de l’existant, et non l’inverse.
L’aspect sensoriel des espaces patrimoniaux est également à prendre en compte, avec l’idée que la qualité des villes, des bâtiments, des paysages ne soit pas qu’une histoire de chiffres ou de modélisation, mais bien des lieux à vivre, et à transmettre.