Régime de l’adossement et délai d’instruction aux abords

L’actualité en cours relative à la future loi sur le Création artistique et patrimoine (LCAP), qui devrait modifier de façon importante les régimes de protection des espaces afin de les simplifier et de les rendre plus efficients, ne doit pas pour autant faire oublier deux modifications récentes et importantes qui concernent l’instruction par l’ABF des dossiers de demande d’autorisation, dans le champ de visibilité des MH.

Le régime des adossés

Après la loi Warsmann de 2012, il y a moins d’un an!1 , un décret éponyme mettait fin au régime ancien des “adossés” en l’intégrant avec celui des abords ce qui, somme toute, est bien plus logique. Il faut rappeler que ce régime avait notamment pour origine le contrôle des constructions adventices aux églises avec un objectif de curetage et qu’il a servi ensuite pour la surveillance d’interventions mitoyennes de MH qui auraient pu avoir des incidences sur la préservation du monument d’un pont de vue structurel. S’il a pu être utilisé avec intérêt pour limiter les impacts de travaux importants, ce régime était en fait très peu sollicité. Il avait comme inconvénient majeur de renvoyer les demandeurs vers le préfet de région pour un accord dans un délai de quatre mois. Il constituait, par ailleurs, une servitude qui n’était pas notifiée. En effet, cette procédure, qui aurait imposé l’inventaire de tous les propriétaires de toutes les parcelles mitoyennes d’un MH, n’a jamais été prévue dans le Code du patrimoine.
Avec la simplification proposée, maintenant codifiée2 , c’est l’ABF qui reçoit les demandes d’autorisation concernant des projets sur des immeubles contigus à des MH, quelle que soit leur nature. Il les instruit ensuite au titre de l’aspect et au titre de leur impact éventuel sur la conservation du MH voisin. S’il estime que les travaux portent atteinte à l’intégrité structurelle du MH, l’ABF a la possibilité de demander une instruction complémentaire au préfet de région. Il doit alors envoyer le dossier au siège de la DRAC avec ses observations pour cette instruction par le service des MH. Le silence gardé par le préfet pendant plus de quarante jours à compter du dépôt de la demande vaut alors décision de rejet. Ce nouveau système a un double intérêt:

  1. faire gagner du temps en proposant une instruction en deux temps, seulement si elle est nécessaire ;
  2. prendre en compte l’aspect des travaux projetés, ce qui dans la très grande majorité des cas est en fait le seul sujet pour les bâtiments adossés.

Cependant, la gestion des délais est complexe puisque l’ABF, qui dispose maintenant de deux mois, doit, quand il le souhaite, transmettre au préfet dans un délai d’un mois et que, quarante jours après le dépôt de la demande, le silence du préfet vaut rejet.

Le délai d’instruction aux abords des MH

Pendant très longtemps, le délai d’instruction aux abords fut d’un mois avec la possibilité de prolongation à quatre mois, quand le projet le justifiait par son importance, sa complexité ou des conditions d’instruction difficiles. Cette possibilité était en fait peu utilisée. C’est la réforme du Code de l’urbanisme de 2007 qui a introduit un délai d’instruction de quatre mois pour les permis de construire dans le champ de visibilité. Ce n’était pas une demande des ABF, mais une sorte de compensation dans la mesure où cette réforme introduisait le principe d’une décision favorable tacite de l’autorité compétente à la fin du délai d’instruction faute d’une réponse expresse. L’idée était en effet de cadrer ce risque ; le rallongement du délai donnant plus de sécurité à l’ABF évitant, de la sorte, qu’il ne soit rattrapé trop rapidement par la fin du délai. Dans la réalité, il est avéré que les ABF donnent dans 80 % des cas leurs avis en moins de deux mois. Ce délai de quatre mois ne leur était pas utile et il était souvent utilisé comme masque par les services instructeurs qui prenaient souvent en compte le délai maximum des six mois pour organiser leur travail. Finalement, cette réduction de délai à deux mois pour les ABF, qui est en fait une conséquence du décret Duport3 de juin 2015, portant sur la réduction des délais globaux d’instruction, améliore le sort des demandeurs et ne pénalise pas les ABF.

Philippe CIEREN
Rédacteur en chef

  1. Décret n° 2014-1314 du 31 octobre 2014.
  2. Voir Code du patrimoine, articles L.621-30 à L-621-32 puis, articles R.621-96 à R.621-96-18.
  3. Décret n°2015-836 du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme. Ce décret, coditié, modifie les articles R.423-26 à R.423-29, R.423-31, R.423-37, R.423-61.1, R.423-66, R.423-70 et R.423-71 du Code de l’urbanisme.